XIII~Promesses

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Depuis l'incident, quatorze nuits s'étaient écoulées. Quatorze nuitées avec au petit matin un rythme bouleversé. Tout avait changé. Takanori avait difficilement pu se remettre de cette fracture, et les premiers jours ne s'étaient guère montrés sous leur plus bel angle. Il resta deux jours alité sans vouloir ni manger, ni boire, ni se laver. Rien. Pour autant, ce n'était pas ce qui aurait pu décourager ses colocataires qui l'avaient épaulé.

Tenir sa promesse en souvenir de sa sœur lui avait couté des efforts surhumains pour son corps affaiblit. Alors le soir du troisième jour, à ce moment où la douleur était réellement devenue insupportable, Takanori s'était relevé et résolu à cracher le morceau. Une bonne fois pour toute. Il leur confia qu'il ne se souvenait pas de ses parents et que, très tôt quand il avait été enfant, il avait été confié avec sa sœur à un lointain oncle. À la mort accidentelle de ce dernier, sa sœur avait eu le temps de devenir adulte et l'avait, à partir de là, prit sous son aile.

Takanori leur avait expliqué qu'à ses quatorze ans, cette mort l'avait changé. La disparition de l'homme qu'il avait considéré comme un héros l'avait profondément affecté, au point où il s'était complaint dans la solitude et avait cessé de parler durant un moment. Jusqu'au jour où il avait rencontré des jeunes peu recommandables. De ce moment jusqu'au jour où il avait mis un terme à son deuil, sa sœur avait fait de son mieux pour gérer cette haine qu'il avait eu contre le monde entier.

« -C'était pas son rôle, vous comprenez ? Mais elle l'a endossé sans broncher pendant des années. Et elle a craqué. Vous savez, je lui en veux pas, pas du tout, leur avait-il dit en trouvant la force de sourire. »

Il leur avait presque tout raconté. À la fin de son récit, Takanori avait regretté de ne pas avoir été si franc que ses amis, car en les observant, il n'avait vu que compassion et empathie.

Kai et les autres avaient ensuite fait tout leur possible pour remonter son moral. Les blagues, les conseils, les avis... Takanori avait essayé de les accueillir avec une humeur plus légère. Mais ce ne fut que plusieurs heures de pitreries plus tard qui étaient parvenues à lui décrocher de vrais sourires et même un ricanement très discret.

Ainsi, avant d'aller se coucher ce jour-là, il avait pris une décision : malgré tout ce qui lui était arrivé il allait reprendre le travail. Dès le lendemain il était revenu sur son lieu de travail et, sans surprise, avait été convoqué dans le bureau du patron. Takanori l'avait deviné et s'était vaguement préparé un discours avant d'arriver. Il dut expliquer son absence plus longue que prévue. Et la technique de l'envoi à l'hôpital avait été plutôt efficace, il avait menti également sur le fait qu'à cause de l'hôpital, il avait été contraint de manquer son avion et attendre le suivant. Pour être certain d'être pris au sérieux, Takanori avait même été jusqu'à montrer les bandages de son bras et avait mis en valeur les griffures qu'il avait maquillées et qui avait commencées à cicatriser.

Cependant, plus que tout, il avait bien deviné que c'avait été grâce à ce petit lien créé au fil de sa première année qui l'avait vraiment sauvé. Il le savait et était pleinement conscient de la chance qu'il avait eu. Alors dès qu'il était revenu en salle, il s'était remis au travail avec plus d'ardeur qu'avant son séjour en France.



C'est dingue à quel point de la rencontre surprise, on est devenu colocataires avec Kai. C'est marrant.

Ce matin-là, le réveil n'avait pas été trop difficile. Cette fois-ci, Takanori aurait pu, un sourire sarcastique aux lèvres, les réveiller d'une manière un peu plus drastique. Parce que depuis qu'il s'était remis à travailler, il se donnait un malin plaisir à lever les autres en même temps que lui et, parfois, avec des méthodes moins douces que d'autres.

MONSTER'S PROJECT : I. DovenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant