XXIII. 2

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Akira commença à avancer et Takanori voulut mettre une distance entre eux deux. Il posa sa paume en plein sur le torse de son ami qui s'immobilisa immédiatement.

« -Laisse-moi, dit-il doucement, sans une once de méchanceté dans la voix. »

D'abord surpris, Akira le fixa dans les yeux, puis une grimace désolée glissa sur son visage avant qu'il ne baisse son regard vers le sol. Il finit par reculer, d'un unique pas.

« -Je suis vraiment désolé... Pour lui. »

Takanori prit un temps avant de comprendre. Il sourit doucement.

« -C'est pas grave. Je vous en veux pas. Pas du tout. Allez, à plus tard. »

Et il sortit sans regarder derrière lui, avec pour seul accessoire une veste de cuir. 



Dans cette atmosphère orageuse, Takanori se sentit à sa place. Les nuages grisâtres formaient une cage et empêchaient farouchement le soleil de pénétrer à l'intérieur pour leur offrir ses rayons brûlants. Il n'y avait pratiquement personne dans les rues qu'il traversait en ombre. Ses pas le menaient d'eux -mêmes là où ils le désiraient. Peu importait au final, tant qu'il pouvait bouger, respirer cet oxygène électrique dans ce paysage maussade et à demi-mort. Le bruit de ses semelles se répercutait sur le bitume lisse, atteignait ses oreilles avec la douceur d'une berceuse. Sous sa peau, il pouvait sentir son pouls battre lentement mais vigoureusement, et ce contre-temps fit naître en lui une certaine envie de s'installer quelque part, sur un banc quelconque, et ressentir au mieux cette sensation si agréable.

Il fit clore ses paupières l'espace de deux immenses secondes. 

Il continua de marcher.

Au fond, rien n'a changé. 

C'était toujours cette amertume qui essayait de le submerger. Partout où il allait, on lui interdisait quelque chose qui lui plaisait sous le chantage. Partir, insultes, regards haineux... Il ne demandait pas à ce qu'on adopte son style de vie, mais l'accepter serait un miracle pour la majeure partie de ce monde. Et tout un tas de visages désobligeant qu'il devait constater, tous sur son corps, aucun pour sa tête, ses pensées. On voulait l'agencer dans une case qu'il ne désirait pas intégrer, et s'il avait l'infâme honte de se rebeller face à ces choix pas faits par ses soins mais par le groupe, il se mettait toute la fourmilière à dos pour mieux le détruire. Dès qu'il avait pu s'assumer tel qu'il l'avait voulu, il avait vu. Il avait compris. Toutes ces lueurs de dégoût détournées par l'hypocrisie et la haine alors que même ceux qui voulaient rejoindre ses rangs, n'ayant pas la force d'ignorer ces choses, s'étaient détournées de lui.   

La peur de la critique systématique, Takanori l'avait toujours écartée, préférant vivre avec l'image qu'il souhaitait montrer et celle qu'il allait avoir de lui-même tant qu'il le pouvait. Il souhaitait vivre dans une réalité qu'il voulait pour lui plutôt qu'exister avec une image illusoire dans laquelle la masse sombre restait dans ses frustrations et ses rêveries qu'elle ne pouvait et ne voulait atteindre.  

Il n'avait que rarement tenu compte des remarques, de ces faits envieux ou purement destructeurs car chaque personne extravagante extérieurement était en réalité des plus banales intérieurement, telle était sa force. Il était normal, n'était qu'un individu des plus classiques cherchant juste un matérialisme à son image différente plutôt qu'à celle de la fosse avide de nouvelles nuances à anéantir. Pourtant, c'était différent à cet instant. C'étaient des gens en qui il avait eu confiance bien plus vite et en qui il avait placé une honnêteté sans faille. Les blessures viennent des plus grosses failles... Et c'est triste mais le fait que Taka ait changé d'attitude si vite m'a vraiment... Laissé un aperçu de qui il est vraiment... Je pensais pas qu'il était mieux que ça... 

MONSTER'S PROJECT : I. DovenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant