XVII~ Mémoire Electrolysée

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Voir ces nouveaux horizons était comme reprendre vie, ressusciter. Des contrées familières, visitées il y avait longtemps par le passé, s'offraient désormais à lui. Depuis sa dernière visite, nombre de choses avaient changées : la technologie, les populations, les ambiances projetées à chaque étape... Presque tout avait évolué, et il était incapable de savoir si ce fait était bénéfique ou potentiellement destructeur pour toute cette populace. Néanmoins, arrivé presque au terme de son voyage, William ne se préoccupait absolument plus de cette question. Sur tout le chemin, il ne s'était contenté que d'être une ombre se mouvant discrètement à chaque coin de pièce, l'impatience grandissante.   

Il n'avait parlé que très peu à d'autres humains, se gardant inconsciemment de faire connaître sa voix. Une grande partie du temps, il avait acquiescé ou secoué la tête pour répondre à quelques questions bien rares et souvent futiles à son goût. Dans l'avion, un autre homme assit à ses côtés avait tenté vainement de discuter avec lui, mais après plusieurs tentatives s'éloignant dans un profond calme apparent, le voyageur s'était laissé aller dans son siège en ne disant plus un mot. Dès lors, William avait continué de regarder à travers le hublot de l'avion pour se distraire. Si son étrange mutisme avait légèrement agacé, lui ne s'en était même pas soucié. Il avait préféré penser à d'autres desseins bien plus importants que l'inquiétude hypocrite de tous ces miséreux.   

À l'extérieur, ses traits devaient être détendus, peut-être même pensifs. À l'intérieur, il bouillonnait de haine et de rage. Chaque parole faisait affluer cette hargne en lui, et sa vision était distordue par cet iceberg brûlant. À tout instant, il revoyait ces yeux, ce visage, ces moues si expressives dans son champ de vision. Les regards indifférents comme ceux douloureux passaient dans sa mémoire, rappelant ces moments de curiosité où il avait été obnubilé par cet enfant particulier à ses yeux. Il se souvint de ses observations discrètes, du primaire jusqu'au lycée. Petit garçon était devenu grand, et William l'avait suivi sur le compte de nombre de pulsions allant contre ses décisions et sa rancune. Puis il avait abandonné. Il avait tout lâché il y avait de cela quelques années. William était revenu chez Jack pour l'oublier lui et sa vie pourtant obsolète.   

Aujourd'hui, dans cet avion, il revenait pour en finir. Il allait le détruire jusqu'au plus profond de son âme pour accomplir ses plans d'antan. Dans son cœur éteint, William savait pertinemment depuis sa naissance non-désirée par sa conscience que c'était l'unique solution. Pour lui comme pour l'autre. Il en était convaincu depuis le début. On va mettre fin à ça... Ce sera grandiose. Pour son plaisir personnel, William avait déjà réfléchi à la pire machination qu'il pourrait lui faire, il s'y était préparé mentalement depuis le départ en avion. Des premières vibrations de l'engin jusqu'à présent, des chimères réalistes l'avaient fait divaguer. Dans ce ciel pur, l'image d'une hypothétique salle s'était mise en place. Sur les murs et sur le sol des taches vermeilles coagulées, des petits dessins abstraits formés par les coups portés. L'odeur suave, tendre et délicieusement putride d'une mort violente et, dernier cadeau : sous ses yeux songeurs, la carcasse superbe s'étalait dans le néant de ses rêves. Le corps en décomposition gardait ce teint livide que William adorait tant.   

En revenant doucement à la réalité, William s'enfonça délicatement dans son siège. Il savourait d'avance cette victoire sur l'humanité et sur la vie. J'ai gagné. Tout est prévu, j'ai gagné. Ses genoux touchèrent le siège devant lui et il ferma les yeux. Les chuchotements parasites empêchèrent immédiatement son besoin de tranquillité. C'est con mais j'ai pas pris mon bang... J'aurais peut-être pas pu avec cette douane de merde là... Pendant une dizaine de minutes, il fit semblant de sommeiller, il écouta distraitement les bruits que faisait son voisin, puis se concentra ensuite sur les vrombissements relaxant des moteurs. William alla jusqu'à, de son siège, écouter les quelques discussions futiles des quelques hôtesses de l'air. Ainsi, il sut en avance que l'atterrissage allait être entamé et il fit semblant de s'éveiller avant de s'étirer pile au moment où une voix les prépara aux instructions pour leur arrivée.   

MONSTER'S PROJECT : I. DovenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant