Gabriel passa le reste des vacances dans la forêt en compagnie des cerfs. Ses parents s'étonnaient de le voir sortir aussi souvent. Charlotte lui servait quelques fois d'alibi, mais cela n'arrangeait pas les choses puisque, assez étonnamment, Joseph la détestait.
Au début, Gabriel n'avait pas exactement compris pourquoi. Lorsqu'il avait amené son amie à la maison pour la première fois, deux ans auparavant, son père avait été immédiatement froid et distant envers elle.
L'attitude de Joseph lui avait paru incompréhensible, mais il avait fini par deviner qu'il n'appréciait pas que Charlotte ait pu voir l'extrême dénuement dans lequel leur famille vivait. De manière générale, peu de famille ou d'amis venaient chez eux, probablement pour la même raison.
Prétextant donc parfois d'aller à la bibliothèque, Gabriel enfourchait son vélo chaque matinet rejoignait le clan. Il fut étonné de constater qu'Aislîn avait dit vrai, et qu'il arrivait à retrouver leur trace où qu'ils se trouvent dans la forêt. Il n'avait qu'à suivre la direction que son instinct lui indiquait pour tomber sur eux.
Malgré les questions insistantes de Gabriel, Aislîn n'avait pas pu lui en dire plus sur l'ancien gardien des cerfs. Apparemment, les cervidés n'avaient conservé que peu de récits sur son prédécesseur et personne ne pouvait exactement lui dire ce que tout cela signifiait. La seule chose dont Aislîn était sûr, c'était que leur ancien gardien montait à dos de cerf ; et il tenait à ce que Gabriel en fasse autant malgré les réticences de ce dernier.
Le dernier jour des vacances, lorsque Gabriel vint à leur rencontre, Aislîn demanda à lui parler seul à seul.
— Écoute, dit Aislîn une fois qu'ils furent à l'écart du clan, j'aimerais vraiment que tu essayes au moins une fois.
Gabriel poussa un soupir de lassitude. Il fallait bien admettre qu'Aislîn était tenace. Son acharnement le laissait perplexe, il ne comprenait pas pourquoi cela importait tellement au cerf. Lui-même ne s'imaginait pas chevaucher Aislîn : il aurait trouvé cela irrespectueux envers son ami, et plus généralement envers le clan. S'il y avait une chose que Gabriel avait apprise après deux semaines en leur compagnie, c'était que cette race était noble ; que les cerfs ne pouvaient pas être traités comme de vulgaires animaux. Ce peuple était vraiment le prince des forêts.
— Je ne peux pas Aislîn, répondit Gabriel. Je te l'ai déjà dit mille fois.
Les traits d'Aislîn se durcirent.
— Pose ta main sur mon front, ordonna-t-il.
Gabriel leva un sourcil. S'il le faisait, il allait lire dans les pensées et la mémoire d'Aislîn. Jusqu'à présent il ne l'avait pas fait. Il sentait qu'il serait trop lourd de lire les pensées de ce chef de clan. Les eaux les plus calmes sont les plus profondes, disait-on. Et Gabriel savait qu'il n'aurait peut-être pas la force de recevoir les pensées et souvenirs d'Aislîn de plein fouet.
— Pourquoi est-ce que je devrais...
— Tu te poses trop de questions ! l'interrompit Aislîn. Fais ce que je te dis !
Gabriel haussa les épaules et leva la main. Il s'approcha d'Aislîn et posa sa main sur ses bois. Aussitôt, il eut l'impression d'être aspiré en avant par une force irrésistible. La forêt tourbillonnait autour d'eux, lui donnant la nausée.
Lorsque tout se stabilisa enfin, il se tenait toujours debout devant Aislîn, la main posée sur sa ramure, mais quelque chose avait changé. Il sentait un flux qui passait de son cerveau, à son bras tendu, au bout de ses doigts et le reliait à Aislîn. C'était une sensation très étrange, comme si de l'eau coulait le long de son bras, mais sous sa peau.
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Le Gardien des Cerfs - Tomes 1 & 2
FantasyGabriel, un ado de quinze ans, découvre qu'il a un lien particulier avec les cerfs. Ses pouvoirs étranges suscitent l'intérêt d'une organisation appelée "l'Ordre des Gardiens". Mais Gabriel ne sait pas quelles sont leurs réelles intentions. Il...