Chapitre 44

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La clairière avait été aménagée en une sorte de quartier général, et des bâtiments aux formes étranges se mêlaient aux arbres environnants. Un grand feu de bois illuminait les alentours. Gabriel regarda avec stupeur l'agitation qui y régnait. Des milliers de loups, d'ours et de chevaux se croisaient, se bousculaient dans un fourmillement continu. Il y avait également des moineaux, des chauves-souris, des faucons, et d'autres oiseaux que Gabriel ne connaissait pas. On aurait dit une armée se préparant à la guerre.

— Regarde, dit Bel avec une nuance de dégoût dans la voix, des rats.

Gabriel scruta le sol. De nombreux rats se faufilaient un peu partout entre les pattes des autres animaux. Leur gardien devait également faire partie des rebelles. Mais ce qui étonnait le plus Gabriel, c'était le nombre d'animaux qu'il ne reconnaissait pas : des oiseaux aux allures de ptérodactyles, des mammifères étranges, des prédateurs aux dents plus longues que des poignards.

Il s'agissait probablement de railles, dont les espèces étaient éteintes depuis longtemps. Ils se métamorphosaient, mais ne pouvaient pas rassembler d'armée comme les autres. Leur présence rendait ce rassemblement encore plus effrayant, comme si des monstres d'un autre âge se joignaient aux troupes des rebelles.

— Si cette armée attaque Felestor, murmura Bel, vous ne tiendrez pas une journée.

— Sauf si nous les prévenons à temps, répondit Gabriel en esquissant un mouvement en arrière. Nous en avons vu assez. Allons-y.

À cet instant, un loup particulièrement imposant passa près d'eux. Gabriel reconnut immédiatement son pelage noir et ses yeux bicolores. C'était le loup qu'il avait croisé près de l'étang en venant la première fois dans cette forêt. Gabriel sentit aussitôt que c'était lui, le mâle alpha, le gardien des loups.

Le loup s'immobilisa, leva le museau et renifla longuement. Gabriel se figea, horrifié : il avait oublié de se placer dans le sens contraire du vent. Le loup tourna lentement la tête vers eux, son regard rencontra celui de Gabriel, et ce dernier sentit son sang se glacer.

Le loup le dévisagea sans faire un mouvement. Puis, il détourna la tête avec indifférence et s'éloigna en direction du feu. Gabriel soupira de soulagement mais le loup ne s'arrêta pas près du feu. Il le contourna et disparut de leur champ de vision.

— Tu crois qu'il nous a vus ? chuchota Bel.

Soudain, un long hurlement retentit de l'autre côté du quartier général. Aussitôt, les ours, les loups et les chevaux tournèrent la tête vers eux. Les grognements fusèrent et se firent de plus en plus intenses, tel le grondement menaçant de l'orage.

— Voilà ta réponse, répondit nerveusement Gabriel en voyant les loups s'approcher. COURS !

Gabriel se retourna et courut le plus vite qu'il le put, Bel sur ses talons. Il entendit un nouveau hurlement, comme pour signaler l'ouverture la chasse, et une meute de loup et d'ours se lança à leur poursuite.

L'adrénaline lui montait au cerveau et il n'arrivait plus à se concentrer que sur une seule pensée : fuir. Le plus vite possible. C'était comme si son instinct avait pris le dessus. Il faisait des bonds de dix mètres en avant, léger comme l'air, et ses jambes puissantes martelaient le sol avec force. Courir, toujours plus vite, toujours plus loin...

Il sauta au-dessus d'un buisson et poursuivit sa course effrénée. Il commençait à fatiguer, mais il ne pouvait pas s'arrêter. S'il arrivait à atteindre la frontière du territoire des loups, les cerfs pourraient peut-être l'aider.

— Vous m'entendez ? pensa Gabriel de toutes ses forces, j'ai besoin d'aide ! Que les chefs de clan qui sont venus assister à mon combat contre Bel me rejoignent le plus rapidement possible à la frontière nord de leur territoire ! Je suis poursuivi par des loups et des ours ! Ils font partie des rebelles !

Le Gardien des Cerfs - Tomes 1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant