La mort du gardien des ours eut un effet immédiat sur les troupes des rebelles. Les ours, qui n'avaient plus de gardien, redevinrent de simples bêtes sauvages et se mirent à attaquer également les loups et les chevaux, qui furent déstabilisés par ce retournement de situation.
Les cerfs se rassemblèrent avec les autres gardiens sur la Place des Sept, et menèrent une dernière offensive afin de repousser les rebelles hors de Felestor. Après une heure de bataille acharnée, l'armée rebelle battit en retraite et s'enfuit en direction de la forêt. Dans le ciel, Hermann et François faisaient également fuir leur adversaire.
En voyant cela, Gabriel s'élança à la poursuite des rebelles mais Bel lui barra le passage.
— Akanak ! s'exclama-t-il, nous allons les poursuivre, mais tu ferais mieux de rester à Felestor. Des cerfs blessés ont besoin de tes soins !
Bel avait raison. Il pouvait sentir qu'au moins deux-cents cerfs étaient blessés, et certains étaient dans un état critique. D'un autre côté, sa rage ne s'était pas calmée, elle bouillonnait toujours dans ses entrailles. Il voulait que les rebelles paient pour la mort de ses cerfs.
— Très bien ! répondit-il d'un ton ferme, tu prends la suite ! Mais une fois que tu les auras coincés, massacre-les ! Pas de quartier !
Bel hésita, puis hocha la tête, et Gabriel fit demi-tour. Après le vacarme de la bataille, un étrange calme régnait à présent sur Felestor. Sur son chemin, les cerfs s'écartaient pour le laisser passer. Certains d'entre eux avaient l'air mal en point, leurs ramures étaient brisées et ils arboraient de profondes plaies au cou et sur le dos.
Gabriel s'arrêta devant un miroir brisé et jeta un œil à son reflet. Il était couvert de sang. Ses andouillers droits étaient brisés, mais ils repousseraient dès qu'il se métamorphoserait à nouveau en cerf. Du moins, il l'espérait. Après tout, il était Akanak, celui dont la ramure ne tombait pas. Néanmoins, la dernière fois que sa ramure avait été brisée, ou plutôt sciée, cela avait inhibé ses pouvoirs durant quinze ans.
Il releva la tête et regarda autour de lui. Les fourmis s'activaient déjà pour nettoyer le champ de bataille. Elles emportaient les cadavres de rats sous la terre et engloutissaient même ceux des loups, des chevaux et des ours à une vitesse surprenante. Chaque dépouille était méthodiquement dépecée, ingurgitée, digérée.
Une telle puissance fit frissonner Gabriel. Finalement, les fourmis avaient été essentielles dans la bataille. Lui qui pensait être le seul à pouvoir déterminer l'issue du conflit, il se trompait lourdement. Maintenant, il comprenait pourquoi Fabre était le dirigeant de l'Ordre. Son pouvoir était potentiellement infini.
Gabriel leva la tête vers la Flèche et crut apercevoir la silhouette de Fabre à son bureau. Il avait dirigé ses fourmis depuis là-haut, probablement pour mieux voir les mouvements de troupes et agir en conséquence.
Un hurlement de douleur sortit Gabriel de ses pensées. À quelques mètres de lui, un cerf était couché sur le sol et avait un œil crevé. Cette vision lui donna un haut-le-cœur. Gabriel interrompit sa métamorphose, s'approcha du blessé et se pencha vers lui. Il ne connaissait pas ce cerf. Peut-être qu'il venait du sud.
En le voyant approcher, le cerf tourna son œil valide vers lui.
— Akanak, murmura-t-il en essayant de se relever, vous êtes là !
— Ne te lève pas, répondit Gabriel en posant une main apaisante sur son cou. Toré, c'est ça ? Je vais soigner ton œil.
Toré se calma et ferma les yeux. Gabriel posa sa main dessus et sentit sa paume devenir chaude. L'électricité lui vint à nouveau au bout des doigts. De la fumée s'échappait de la blessure à mesure que la plaie se résorbait. Au bout d'un certain temps, la plaie redevint froide et Gabriel retira sa main.
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Le Gardien des Cerfs - Tomes 1 & 2
FantasiaGabriel, un ado de quinze ans, découvre qu'il a un lien particulier avec les cerfs. Ses pouvoirs étranges suscitent l'intérêt d'une organisation appelée "l'Ordre des Gardiens". Mais Gabriel ne sait pas quelles sont leurs réelles intentions. Il...