Chapitre 33

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Gabriel résista difficilement à la tentation de retourner au quartier des loups, pour essayer d'en savoir plus. L'idée de rester sans rien faire pendant que les rebelles recrutaient en plein Felestor le mettait hors de lui. D'un autre côté, il avait confiance en Fabre, et il valait probablement mieux le laisser gérer cette situation. Gabriel finit donc par se sortir cette histoire de la tête : il ne pensait plus qu'à la danse du vent, afin de se concentrer sur autre chose.

Il s'était renseigné sur cet évènement. D'après un livre qui retraçait l'histoire de l'Ordre, cette tradition était apparue quelques années après la naissance de l'Ordre. Il s'agissait d'une sorte de ballet aérien extrêmement complexe. Il fallait non seulement que chaque gardien participant maîtrise parfaitement son espèce, mais également qu'il arrive à se coordonner avec les autres gardiens des airs qui participaient à la danse, afin d'éviter les collisions et les accidents.

L'exercice semblait pourtant simple sur le papier : un gardien prenait télépathiquement le contrôle de son espèce, et les guidait pour qu'ils exécutent des chorégraphies aériennes. La difficulté résidait dans le nombre d'animaux à contrôler en même temps. Il ne s'agissait pas simplement de lire les pensées des animaux, comme Gabriel savait le faire. Il s'agissait de prendre le contrôle des animaux, de pénétrer leurs esprits, et d'arriver à les contrôler tous en même temps. Seuls les gardiens très expérimentés y arrivaient.

Mais alors, comment François pouvait-il y participer avec seulement six mois d'expérience au sein de l'Ordre ? Gabriel savait qu'il était extrêmement doué, mais avait-il le niveau pour accomplir de tels exploits ?

C'est donc avec curiosité et anxiété que Gabriel se rendit sur la place centrale, le jour de la cérémonie. Lorsqu'il arriva, de nombreux gardiens étaient déjà présents et s'installaient dans les gradins.

Gabriel s'assit dans la section verte, mais s'aperçut peu à peu que les places autour de lui restaient vides. Les autres gardiens continuaient de se méfier de lui. Malgré la rumeur de sa réussite éclatante à l'examen théorique qui s'était rapidement répandue et qui lui avait valu un léger regain de popularité, les autres gardiens avaient toujours peur qu'il les assassine dans leur sommeil. Mais Gabriel ne s'en souciait pas pour le moment. Il s'inquiétait surtout pour François, espérant qu'il n'avait pas eu les yeux plus gros que le ventre en participant à cet évènement.

Le gong familier retentit, et le silence revint dans les tribunes. Fabre, vêtu de son habituel costume bleu, prit place dans la tribune qui faisait face aux gradins et mit de l'ordre dans ses papiers. Gabriel ressentit une pointe d'amertume en le regardant. Il avait suivi ses instructions, mais malgré la confiance qu'il éprouvait envers lui, il trouvait toujours que son inaction face aux complots du gardien des cobras était une erreur.

Fabre s'éclaircit la gorge :

— Gardiennes, gardiens. Je vous souhaite la bienvenue à cette mille-neuf-cent-trente-deuxième édition de la cérémonie de danse du vent.

Des applaudissements et des sifflets enthousiastes retentirent dans les gradins.

— Cette année, le spectacle auquel nous allons assister est particulier car il n'y aura non pas trois, mais cinq danseurs du vent. Pour commencer, je vous demande donc d'accueillir chaleureusement Wolfgang Schultz, qui nous vient d'Allemagne ! Gardien des moineaux et membre du clan des aigles !

Un homme à la bedaine imposante et au front dégarni fit son entrée. Les rares cheveux qui lui restaient sur le crâne étaient blonds, et ses yeux noirs lançaient des éclairs froids. Il portait un costume bordeaux, élimé et rapiécé. Sa physionomie grassouillette et négligée contrastait avec le soin extrême apporté à ses mains, manucurées, vernies, et serties de plusieurs bagues scintillantes.

Le Gardien des Cerfs - Tomes 1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant