Chapitre 43

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Au bout de quelques secondes, deux hommes sortirent des bois en traînant des branches. Ils tournaient le dos à Gabriel, qui tendit le cou pour essayer de voir leur visage, en vain. Les deux hommes arrivèrent près de l'arbre sous lequel la gardienne des cobras gisait sans vie.

— On l'a mal attaché, constata le premier homme avec un fort accent étranger. Tant mieux, ça va nous faciliter la tâche.

Ils ramassèrent le corps et le jetèrent brutalement sur le tas de branches. Horrifié, Gabriel les vit craquer une allumette et la jeter au milieu bûcher. Le feu prit rapidement et le corps disparut bientôt parmi les flammes. Les deux hommes s'assirent alors d'une part et d'autre du brasier, et Gabriel put voir le visage du premier homme.

Il réprima une exclamation en le reconnaissant. Il s'agissait de Wolfgang Schultz, le gardien des moineaux. Il se souvenait de son crâne chauve, de son costume bordeaux rapiécé et de ses nombreuses bagues qui scintillaient à la lueur des flammes. En revanche, le second homme continuait de lui tourner le dos.

— Le loup nous a dit que cela devrait suffire, fit remarquer ce dernier, nous ne devons plus tuer d'autres gardiens. Il pense que cette vipère était la seule à avoir découvert notre repaire. Maintenant qu'elle a séché sur cet arbre pendant une journée, on peut enfin s'en débarrasser. Après ça, nous ne devrons plus nous faire remarquer.

— Mes moineaux ne seront pas en sécurité tant qu'il y aura ces aigles et ces corneilles prêts à les dévorer, répliqua Schultz. Je tuerai leurs gardiens, que le loup soit d'accord ou non.

— Ainsi donc, il y a un nouveau gardien des loups, pensa Gabriel. Il se souvenait de la nostalgie qu'éprouvaient les membres de l'Ordre en pensant à l'ancien gardien des loups, mort il y a deux ans. Apparemment, le nouveau gardien des loups n'avait rien à voir avec son prédécesseur.

— Non, s'énerva le deuxième homme, tu ne tueras personne. Nous avons déjà décidé qu'il fallait le moins de morts possible. Mes chevaux ne sont pas plus en sécurité que ton espèce. Ils sont exploités comme des esclaves partout dans le monde, sans que l'Ordre n'y trouve rien à redire. Mais je ne vais pas pour autant tuer le gardien des cerfs.

Gabriel eut l'impression de recevoir un violent coup de poing dans le ventre. Bel également se renfrogna. Le gardien des chevaux faisait partie des rebelles ! Raphaël ! Raphaël Feger, le chef de clan arrogant qu'il avait rencontré dès son premier jour sur l'île, et qui se vantait d'être un héritier de fondateur. Les loups et les chevaux, cela faisait deux héritiers de fondateurs qui faisaient partie des rebelles...

À cet instant, une troisième personne surgit des bois et vint s'assoir près de Raphaël. Gabriel le regarda attentivement. Ses longs cheveux sales et ses haillons laissaient clairement deviner qu'il s'agissait d'un raille. Une lueur éclaira son visage, et Gabriel reconnu le raille qu'il avait défendu le premier jour, celui que Raphaël avait frappé pour avoir volé de la nourriture.

— Alors, dit le nouveau venu, on fait un feu ? Ce n'est pas prudent, on risquerait de se faire repérer. Vous auriez pu vous contenter de l'enterrer.

Gabriel reconnut aussitôt sa voix rauque : c'était lui qui avait tenté de recruter la gardienne des cobras, dans la ruelle. La silhouette encapuchonnée, c'était donc ce raille.

— À cette distance de Felestor ? répliqua Schultz d'un air dédaigneux, pas la moindre chance de nous faire repérer. En plus, la nuit tombe.

— Il faut quand même être prudent, insista le raille. Si cette Rania Belhacen a réussi à retrouver notre trace, il se peut que d'autres gardiens y parviennent.

— Belhacen n'y est parvenue que parce que nous lui avons proposé de rejoindre nos rangs, répliqua Schultz. Une grosse erreur d'ailleurs, parce que ça lui a permis de nous suivre jusqu'ici.

Le Gardien des Cerfs - Tomes 1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant