Azylis (Chapitre 13)

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Sous le chaud soleil de ce mois de juin au détour d'un nouveau parc apparaît enfin à notre vue le splendide petit palais de Gabriel. Mes yeux le contemple avec une joie véritable et je sens la main d'Ysaine serrer un peu plus fort la mienne.

-C'est ça ton château de fée maman ? Il est trop joli !...

Elle lâche alors ma main et se met à courir devant moi tandis que je la poursuit en riant. Mais je la vois alors soudainement s'écrouler à terre sans aucune raison apparente. En deux pas je suis à ses côtés et je tente de la relever. Pourquoi m'inquiéterai-je ?

Jusqu'au moment ou je sens le sang se glacer dans mes veines. Ma fille ne bouge plus. Ysaïne reste au sol, évanouie. Je sens l'angoisse s'emparer brutalement de moi et je la prends dans mes bras, mes doigts se crispant sur son poignet et vérifiant au passage comme dans un simple réflexe qu'elle respire encore.

-Ysaïne ! Ysaïne, ça va ?

Non, bien sûr que ça ne va pas. Mais je n'ai pas pu m'empêcher de poser la question. Clairement, Gabriel ne plaisantait pas en la déclarant gravement malade. Mais pourquoi s'est elle si soudainement écroulée ? Que s'est-il passé ? Je suis seule dans ce parc. Ou aller ? Qui pourrait m'aider ?

Je me secoue, il faut que je réagisse. Presque furieuse en apparence pour cacher la peur qui monte en moi à vitesse grand v, je me réjouis intérieurement qu'Ysaine soit plutôt légère, rattrape son chat d'une main et file droit vers le palais qui se détache toujours en arrière plan. Que vais-je faire ? La seule idée qui tourne en boucle dans mon esprit est celle-ci : trouver à n'importe quel prix des secours.

-Halte !

Le cri retentit dans l'air juste derrière moi. Je m'immobilise aussitot, glacée intérieurement. Je tente de me rassurer avec de simples mots : comment cet homme saurait-il que je viens du passé ? De toute manière, je ne peux pas m'enfuir avec Ysaïne dans les bras... Et le chat ! Cette pensée m'arrache un vague sourire et je me retourne lentement.

L'homme que je découvre est bien vêtu, doit avoir trente-cinq ans maximum et me dévisage d'un air inquisiteur.

-Que faites-vous ici ? C'est interdit, ne le saviez vous pas ?

Il aperçoit alors l'enfant que je tiens toujours dans mes bras. Il perd aussitôt son ton colérique pour s'approcher rapidement de moi et s'exclamer :

-Bon sang, qu'à t-elle ?... Elle est malade ? Mais il faut immédiatement appeler les secours !

Je ne dissimule pas mon soulagement.

-Alors là, monsieur, si vous pouviez m'aider à le faire...

D'où me vient cette instinctive confiance ? Je suis tout simplement prête à faire n'importe quoi plutôt qu'à rester là bras croisés sans rien faire.

-Bien sûr, vous ne saviez pas ou aller ? Mais c'est incroyable, comment vous êtes vous retrouvée ici ? Non, laissez tomber. Je m'occuperai de ça après que la petite se soit tirée d'affaire.

Un merci silencieux pour Ysaïne... Même si j'aurai préféré être moi-même rassurée. Je dévisage ce mystérieux sauveteur qui sort de sa poche son petit écran. Ses cheveux bruns striés de blancs et ses yeux clairs me font un instant penser au roi, le père de Gabriel. Il m'explique à voix haute ce qu'il fait.

-J'appelle un aéronef des stations d'urgence. Ils demandent de préciser ce qu'a la petite pour les soins. Qu'à t-elle ?

Je relève les yeux.

-Je... Je ne connais pas le nom de la maladie. Les... Les cheveux bleus.

Il faut croire qu'il n'avait pas encore remarqué la couleur étrange de la chevelure de ma fille. Mais son visage pâlit alors brutalement.

-Elle... Elle n'a jamais été soignée ? Et elle vient de s'évanouir ?

-C'est... C'est ça.

-Bon sang, on a pas de temps à perdre ! Je leur demande de mettre le maximum...

Il me lance un regard assassin, comme si j'étais responsable. Je sens de nouveau la terreur s'emparer de moi. Alors que les doigts de l'inconnu tapent sur l'écran de verre, je lui attrape le bras et l'oblige à redresser la tête vers moi.

-Attendez ! Que voulez-vous dire ?

-Certains enfants, lors du premier évanouissement, s'ils n'ont jamais été soignés, meurent dans l'heure suivante s'ils ne sont pas soignés à temps...

-Non, vous vous trompez forcément ! Ce n'est pas possible !

-Une découverte récente. Il y a quelques années, comme de toute façon tous les cas sont normalement soignés à la naissance, on l'a remarqué et prit en compte.

Non. Non. Gabriel, tu aurais dû me dire plus tôt la maladie de notre fille ! Mais nous serions nous risqué plus tôt dans le futur de toute façon ? Surtout, ne rien regretter, je dois juste me battre pour elle. Ysaïne qui ne se réveille pas dans mes bras. L'inconnu me prend le chat des bras et murmure quelques explications supplémentaires.

-Je leur ai donné notre position. Nous avons juste à les attendre ici.

Et si c'était un piège ? Mais je n'ai rien d'autre a faire que lui faire confiance aveuglément. Lorsque je ferme mes yeux un bref instant, je ne peux m'empêcher de songer que c'est la deuxième fois qu'un inconnu me sauve la mise directement après mon arrivée dans le futur. La première fois, c'était Aevin...

Aveuglée par Ysaïne, je n'avais jusqu'ici pas remarqué son attitude. Ses poings sont crispés, toute son attitude respire la méfiance et il inspecte du regard les alentours. La phrase qu'il laisse échapper me conforte dans mes craintes d'un danger dont je n'ai pas connaissance.

-Je vais vous accompagner mademoiselle si vous n'y voyez pas d'inconvénients. Je ne voudrais pas qu'il vous arrive quelque chose à toutes les deux...

Il esquisse alors un fin sourire plein de charme pour la première fois depuis qu'il m'a crié de m'arrêter.

-Et puis, ce serait idiot de ne pas veiller sur votre chat.

Je souris moi aussi malgré mon anxiété et lève tout à coup les yeux vers le ciel. Un aéronef est en train d'apparaître juste au dessous de nous. L'inconnu m'ordonne de me décaler pour lui laisser la place d'atterrir. Et c'est seulement lorsque l'appareil se pose et que deux hommes en sortent en courant que je réalise réellement le danger que court Ysaïne.

Mais ai-je vraiment le temps de m'écrouler et de pleurer ? Gabriel, ni moi-même d'ailleurs, ne me le pardonnerait jamais. Un jeune infirmier de vingt ans me prend avec douceur ma fille des bras. Il crie à son compagnon une phrase que je met quelques minutes à comprendre.

-Ce n'était pas une fausse alerte. C'est très grave... On peut baisser les armes.

Je fixe alors leurs ceintures des yeux. Et celle de cet inconnu qui vient peut-être de sauver la vie de ma fille dont le visage prend lentement une couleur blanche du plus terrible des augures.

Des crosses. Des pistolets. Des armes. Je regarde l'infirmier avec une question muette au fond des yeux.

-Mais enfin que se passe t-il ?...

-La guerre. Comme partout ailleurs dans le pays mademoiselle. D'où venez vous donc ?

Intemporel T3 & 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant