Edilyn (Chapitre 167)

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Debout sur l'un des balcons du palais, j'observe les soldats de ma garde noire au garde-à-vous dans les jardins du palais (les jardiniers s'affairent depuis quelques jours déjà à leur redonner un bel aspect et à effacer toute trace de l'incendie). Le soleil se lève lentement et les premiers rayons commencent seulement à réchauffer l'atmosphère.

Je frissonne dans ma robe légère et reste quelques secondes parfaitement immobile. Derrière moi, la porte de la salle à manger s'ouvre et je tourne les talons pour quitter le balcon et rentrer à l'intérieur.

-Iguen, ma décision est prise.

-Majesté, je vous ai déjà dit que cela allait être dangereux...

Je grimace un sourire un peu froid.

-Tu crois que cela me fait peur et suffirait à me faire reculer ?

Il s'incline en silence et je sors de la grande salle pour gagner les couloirs. Il me suit et nous arrivons bientôt dans les jardins où atterrissent déjà une dizaine d'aéronefs. Je me tourne vers le chef de ma garde noire et demande une nouvelle fois :

-Tu es certain que pour attaquer le palais de... de Gabriel il ne nous faut pas plus d'hommes ?

-Nos renseignements sont précis : il n'y a là-bas qu'une poignée de personnes...

Je murmure entre mes dents serrées :

-Dont Azylis...

Prononcer son nom en tâchant de ne rien ressentir n'est pas facile. Mais j'y parviens. Iguen, sur ma demande, aboie un ordre bref et mes hommes commencent à monter d'un mouvement parfaitement organisé dans les différents appareils.

Je me dirige vers mon aéronef personnel et Iguen, après une très brève hésitation que je remarque aussitôt, se décide à me suivre. Une fois à l'intérieur de mon appareil -j'ai refusé d'avoir un chauffeur et je mets rapidement en cours de démarrage le pilotage automatique- je me tourne vers Iguen assis sur la banquette arrière.

-Qu'est-ce-qui te tracasse ? Je t'ai rarement vu comme ça...

Ses sourcils se froncent et il esquisse une moue désabusée.

-On ne peut jamais rien vous cacher... Majesté, je ne pense pas que ce soit une bonne idée d'attaquer le palais...

Surprise, je tourne la tête vers lui, ressentant un mélange de colère et d'exaspération. Maintenant que ma décision est prise, je n'ai aucune envie d'entendre quelqu'un la remettre en cause.

-Écoutez Altesse... Vous venez déjà de défier l'Eveland en direct, et attaquer le palais de Gabriel et surtout Azylis...

-Eh bien ?

-Est-ce-que cela ne risque pas de mettre le feu aux poudres ? De déclencher une guerre civile ?

Tant mieux, comme ça j'aurai une bonne raison de me mettre en colère. Crispant les poings, je me rends alors compte que mes pensées dérivent encore une fois malgré moi vers Gaëtan dans sa prison.

-Une guerre civile sans chef ? Si nous capturons Azylis, que risquons nous ?

-Mais si nous ne la capturons pas ?

J'agite la main dans un geste vague et cesse de lui adresser la parole, profondément agacée. Je sais qu'il a raison mais je n'ai pas envie de l'entendre. Je me sens actuellement prête à tenir tête au monde entier.

-Aucune importance Iguen. Plus rien n'aura jamais d'importance...

Un feu terrible semble s'allumer dans mon cœur lorsque je murmure ces paroles et j'avance la main vers le tableau de bord et plus précisément l'écran tactile.

-Allo ? Ici votre reine, Edilyn. Nous partons. Les aéronefs décolleront à ma suite. Est-ce compris ?

Des voyants de couleur verte s'allument sur l'écran et j'appuie sur une nouvelle touche.

L'aéronef s'élève lentement puis prend de la hauteur. Quelques minutes plus tard, l'appareil avance à quelques mètres devant les autres rapidement, traçant un sillage de fumée blanche dans le ciel.

La matinée commence tout juste et je renonce à allumer la climatisation pour avoir la même température à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'aéronef... bien que l'idée d'un vent glacé sur mon visage ne soit pas pour me déplaire.

Les tours de la ville s'effacent et bientôt apparaît devant nous cette forêt que je connais si bien et que j'apercevais toujours avec un sourire quand j'étais une enfant et que nous venions ici en vacance...

J'allonge de nouveau la main vers l'écran et murmure un ordre d'une voix neutre et suffisamment audible pour tous :

-Mettez vous en formation. Rien ni personne ne doit pouvoir quitter le château par la voie des airs, si jamais cela devrait se produire, je prendrai au sort un homme pour chaque appareil fautif et il serait exécuté...

Je n'attends pas de réponse et les voyants verts s'allument de nouveau pour me faire signe que chaque équipage a parfaitement compris. Mon appareil ralentit légèrement sa course et nous ne tardons pas à plonger vers le sol et les petites tours de verre coloré. Environ cinq aéronefs restent dans les airs pour empêcher toute fuite...

-Iguen ?

L'aéronef se pose à terre et se stabilise. Mon homme de main me répond laconiquement :

-Oui votre altesse ?

-Tu as devant toi les capteurs de présence. Qu'affichent-ils ?

Iguen laisse ses doigts courir sur l'écran dans mon dossier et relève la tête quelques secondes plus tard.

-Quelqu'un court en direction de ce qui semble être deux dragons... et l'appareil détecte également deux autres présences dans le palais. Nous ne détectons pas les robots mais cela n'a aucune importance... Donc tout à l'air en ordre.

-Parfait. Ils y sont et il n'y a aucune défense...

Sans sortir de l'aéronef, je rallume la radio de bord et ordonne :

-Vous avez tous allumés vos détecteurs de présence ? Concentrez vous sur les dragons, tuez les, ce sont les plus dangereux. Et capturez la personne qui doit actuellement se trouver avec eux... L'autre équipe va venir avec moi et pénétrer à l'intérieur du bâtiment...

Les voyants verts s'allument. Je fais coulisser la porte en passant mon bras devant les scanners mais, alors que je m'apprête à mettre pied à terre, Iguen me retient d'une parole :

-Majesté, l'équipage du neuf essaye de nous joindre... Je prends la communication.

Je ne descends pas et attends. La voix d'un homme retentit dans l'habitacle et je sens quelque chose se figer au fond de moi.

-Altesse, les dragons sont en train de décoller...

Je ne laisse pas Iguen répondre et m'exclame :

-Imbéciles ! Qu'attendez vous pour tirer ?

-Nous avons peur de blesser le cavalier...

Fermant à demi les yeux, ayant l'impression de m'enfoncer dans un sombre cauchemar sans fin, je murmure :

-Je croyais avoir été claire. Pas de pitié... c'est Azylis Astra le cavalier ?

-Non.

Un silence de quelques secondes.

-C'est celui que vous nous aviez ordonné de protéger à une certaine époque majesté...

Bien sûr... Comment ai-je pu penser que je ne le reverrai jamais lui non plus ? La voix soudain vacillante, luttant de nouveau entre deux parties contradictoires de moi-même, je murmure :

-Eric...

Intemporel T3 & 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant