Gabriel (Chapitre 133)

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Je suis fou d'inquiétude et de rage mêlée. Qu'est-ce-qui a prit à Christian de croire qu'il pourrait attaquer seul la tour des gardes noirs ? Alevin me jette un coup d'œil de biais tandis que je regarde moi la seule autre occupante de la pièce. Maly. Le robot fixe sur moi un regard neutre. Je ne peux m'empêcher de l'interroger brutalement.

-Tu penses que j'ai eu tord ?

-Non. Mais Azylis va te détester quand elle saura ce que tu as fait !

-Il fallait bien que je la mette en sûreté et lui sauve la vie.

Je me retourne vers Aevin et demande d'une voix rendue froide par la colère mêlée d'anxiété qui ne me quitte pas depuis deux heures :

-Aevin, tu es toujours partant pour qu'on essaie de sauver cet imbécile de Christian ?

-Oui. Attaquer Edilyn était vraiment la pire chose à faire en ce moment sans nous prévenir. Elle va nous traquer un par un cette fois-ci... Elle ne nous laissera aucune chance. Mais Christian a raison sur un point. C'est en ce moment qu'elle est le plus faible. Ses troupes ne sont pas au complet grâce à l'incendie qui a éparpillé tout le monde.

Sans attendre une autre parole superflue, je me dirige d'un pas ferme vers la porte de la salle de téléportation. Les événements des dernières heures défilent dans mon esprit. Cet appel de Christian...

***
Une heure plus tôt.

Je souris en regardant par la fenêtre le ciel. En ce moment même, Azylis doit être occupée à chevaucher l'un de ses grands monstres bleus... Curieusement, je commence lentement à accepter leur présence. Même s'ils restent tous les deux et bien que je ne veuille surtout pas l'avouer l'une des choses qui me fasse le plus peur au monde. Ces fichus dragons... Chacun ses faiblesses après tout.

Je m'approche de la table du salon. Entièrement en verre, c'est en fait un écran multi-taches. Désactivée, cette table paraîtrait à un regard ignorant une simple décoration de salon à la surface de verre solide pouvant recevoir à l'occasion des verres de jus d'orange et des apéritifs.

Mais activée... Ce n'est plus qu'un écran ultra-perfectionné qui permet de faire beaucoup plus de choses encore. Juste au moment ou je pense cela, une lumière s'allume et l'écran prend le pas sur la table d'apéritif. Le voyant rouge ne me dit rien qui vaille et je me laisse tomber dans le siège le plus proche avant de me pencher vers la vitre.

Je me redresse lorsqu'une image en trois dimensions se matérialise à quelques centimètres au dessus de la table.

-Christian ! Quelle surprise ! Que fais tu ici ?

Mais des bruits étranges raisonnent tout à coup dans mon salon. Le sifflement caractéristique des balles et les échos d'une bataille. Je blêmis et reprends vivement la parole avant que Christian ait pu articuler le moindre mot.

-Christian, bon sang, ou es-tu ?

Il crie alors pour couvrir le bruit ambiant et je distingue l'anxiété qui déforme ses traits.

-A Ben'Dassu, je...

La capitale de ma sœur pour une période indéterminée !... Je prête l'oreille à la suite des paroles de Christian avec  encore plus d'attention mêlée d'une inquiétude qui grandit dans mon esprit.

-Nous sommes au quartier général de ta foutue sœur... Au départ nous voulions juste faire sauter l'immeuble mais... Nous avons pensé en voyant leur désorganisation que nous avions peut être une chance... Et puis, nous n'avons pas eu trop le choix.

Deux gouttes de sueur perlent le long de mon cou tandis que je demande d'une voix blanche :

-Une chance de faire quoi ?

-De remporter une bataille et de capturer la célèbre reine.

Sa fierté sauvage lorsqu'il dit cela manque de m'arracher un sourire ironique. S'il savait que nous l'avions capturée mais que j'ai organisé son évasion parce que les autres voulaient la tuer... Mais je reviens vite au sujet principal avec une anxiété grandissante.

-Et...? Comment tourne la situation ?

-Nous sommes en tout une centaine... Moi et mes hommes plus des volontaires qui affluent chaque instant pour tenter de renverser la reine tyrannique. Mais...

Je ne l'engage pas à continuer. Je ferme les yeux une demi-seconde, devinant déjà ce qu'il va dire. Christian poursuit d'une voix dure sans se soucier de mon soudain silence :

-Et nous allons tous mourir si tu ne viens pas à notre secours avec tes hommes. Nous ne pouvons pas dépasser l'étage cinquante-trois... Et nous nous faisons tuer comme des chiens. Il y a six-cent niveaux dans la tour...

Je ne réponds rien. Je ne veux plus penser. Christian reprend alors la parole comme si c'était sa dernière chance. Je corrige mentalement. Non, c'est sa dernière chance.

-Gabriel ! Pour les civils qui se font tuer !

-Je croyais que tu détestais les princes ? Qu'est-ce-qui a changé ?

Un éclair de colère à l'état pur traverse son regard sombre. Il relève la tête avec une lueur de défi que je ne peux qu'admirer. A cet instant, je ne peux m'empêcher de penser ce qu'il n'aimerait pas entendre. Nous nous ressemblons beaucoup... Christian reprend la parole froidement :

-Je te déteste toujours. Jamais je ne te laisserai le trône, ni à toi ni à aucun des tiens... Si je te supplie, c'est uniquement au nom des hommes et femmes qui sont en train de se sacrifier pour rien... Et parce que je déteste Edilyn encore plus que ta royale personne.

Je ne réponds toujours rien. Mes lèvres s'étirent alors en un difficile sourire.

-Depuis quand te préoccupes-tu des vies humaines sous tes ordres ?

Le bruit des balles raisonne toujours dans la pièce. Sur l'image retransmise, Christian se penche brusquement en regardant droit devant lui avant de se relever lentement. Pour la première fois depuis le début de la conversation, j'ai réussis à le déstabiliser. Il relève la tête et fixe ses yeux dans les miens.

-Je... Je...

Inexplicablement, je pense alors à Azylis. Qui aurait pu réussir à transformer ainsi Christian ? Un vague soupçon m'effleure tout à coup et je me demande à part moi si je n'ai pas été aveugle. Si Christian n'aurait pas une autre raison de me détester ainsi que sa simple haine des princes.

Mais je tourne brusquement mes yeux vers un point invisible du mur. Maintenant que je pense à Azylis, je sais quel est le chemin à suivre. Le droit... Celui qui n'est pas toujours facile. Les lèvres serrées, cachant brusquement une colère qui envahit chacune des fibres de mon être, je réponds d'une voix glacée :

-Je vais venir à votre secours Christian. N'oublies jamais que tu me dois une lourde dette.

Et j'éteins l'écran d'un geste rageur. Le bruit des balles et des explosions cesse aussitôt de se faire entendre dans la pièce. Il faut que j'éloigne Azylis d'ici. Par n'importe quel moyen... Et même en lui cachant une partie de la vérité. Elle ne doit pas savoir que je vais attaquer. Sinon je n'arriverai jamais à l'éloigner.

Intemporel T3 & 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant