Intemporel T3 & 4

Thaïs (Chapitre 172)

-Superbe la combinaison Thaïs !

Je jette un coup d'œil à ma tenue et retiens un léger soupir amusé. Si je ne voulais pas me prouver à moi-même ma maturité, je lui tirerais bien la langue. Mais je me contente de rétorquer à Aevin :

-Pas mal non plus la tienne !

Gaëtan se trouve deux pas plus loin et il écoute avec attention les propos du guide chargé de nous faire visiter cet étage de la tour. Nous nous trouvons en fait dans le laboratoire spécialisé sur la recherche concernant la planète Sagan... Et dans l'un des multiples étages ou l'on prépare concrètement l'expédition. La fuite qu'à suggérée Aevin s'est révélée totalement impossible à mettre en œuvre à partir du moment où ils nous ont annoncé que Kim ne viendrait pas avec nous pour cette visite...

Ce qui est d'ailleurs sûrement pour nous forcer à rester sages. Cela fonctionne assez bien malheureusement... La grande salle qui occupe tout l'étage, très haute de plafond, me donne légèrement le cafard. Voir tous ces hommes s'agiter dans tous les sens aux milieux de multiples appareils dont je n'identifie pas l'usage rend plus tangible que jamais l'idée qu'Edilyn veut réellement nous envoyer avec un savant à moitié fou dans un autre univers...

J'avance d'un pas en avant pour rejoindre Gaëtan et notre guide lorsque j'entends soudain un petit craquement et un cri furieux. Relevant précipitamment mon pied, je baisse les yeux vers le sol et observe quelques secondes avec un petit sourire Cigarette qui souffle un léger nuage de fumée dans ma direction.

Les gardes ont bien voulu qu'il vienne avec nous... Même si je ne suis toujours pas certaine que ce soit une bonne idée ! En une heure, il a quand même réussi à tomber dans un peau de peinture, puis à se poser sur moi ce qui explique la superbe tache rouge sur ma combinaison kaki et enfin à faire sursauter de frayeur notre guide...

Je ne m'inquiète pas trop pour sa queue, il commence à avoir l'habitude, et continue de m'avancer. Le petit dragon s'envole et va se poser après un nouveau sifflement furieux sur l'épaule de mon mari.

Gaëtan pose à ce moment-là une question et je l'écoute avec attention.

-Donc le trajet ne durera qu'environ deux semaines ?

-Exactement. L'inconvénient c'est que le vaisseau spatial de transport ne permettra pas de beaucoup bouger : la place est rare... Vous aurez donc chacun un petit espace personnel mais vous ne pourrez pas en sortir.

Aevin, qui s'est également approché, demande à l'homme avec une grimace :

-Vous faites partie de l'expédition ?

-Non, je ne suis chargé que d'expliquer tout ce qui va se passer aux recrues comme vous. C'est mon seul travail ici.

Je dévisage quelques secondes notre guide (il a une mèche de cheveux teinte en rose bonbon, c'est normal ?) avant de demander calmement :

-Vous parlez d'un vaisseau spécial pour l'expédition... Pouvons nous voir à quoi il ressemble ?

Je ne sais pas si c'est exactement la question que je voudrais poser mais je n'en ai pas d'autres à l'esprit. Je n'arrive toujours pas à croire que d'ici une durée qui me paraît de plus en plus courte je risque de me retrouver au beau milieu de l'espace... Notre guide, Paolo si je me souviens bien, acquiesce avec un grand sourire.

-Je suis content de voir que vous vous intéressez à ce que je dis... J'ai eu ce matin un groupe plutôt pénible à gérer... Par ici mesdames, messieurs...

Et il commence à avancer dans la salle, zigzaguant entre les hommes et les machines en perpétuel mouvement. Il me fait vraiment penser au guide d'un musé qui regretterait notre manque d'intérêt pour les objets représentant un quelconque passé archaïque...

La foule est dense et je ne peux m'empêcher de songer avec un léger pincement au cœur que réussir a nous échapper serait tellement simple s'il n'y avait Kim... Mais un regard sur deux militaires qui nous surveillent attentivement au bout de la salle met fin à mes illusions : nous sommes bel et bien surveillés.

Aevin m'attrape fermement par le bras et m'entraîne à la suite de Gaëtan et Paolo qui commencent déjà à disparaître dans la foule.

-Thaïs, tu es impossible ! Tu demandes à voir le vaisseau et ensuite tu restes là à rêvasser...

-Désolé, c'est plus fort que moi... Tu dois en avoir l'habitude, non ?

Aevin ne répond pas, trop occupé à éviter un chariot surgi devant nous brusquement, et Cigarette se met à virevolter autour de moi -le petit dragon doit m'avoir pardonné mais cela ne m'aide pas à me concentrer sur ma marche- tandis que nous avançons toujours vers la grande porte de la salle.

Gaëtan et Paolo nous attendent et, quelques minutes plus tard, nous pénétrons tous dans une salle de transfert très grande à mes yeux, sans doute faite pour pouvoir transporter de gros matériaux, et passons ainsi à deux étages plus haut comme me l'indique la voix de l'appareil, en précisant d'ailleurs qu'elle s'adresse à la dénommée Thaïs...

Ce qui est un peu vexant quand même. Suis-je si peu douée en orientation qu'une machine "sente" qu'il faille m'informer ?

Lorsque j'avance à la suite des trois autres, Cigarette maintenant perché solidement sur mon épaule, je reste un instant saisie d'étonnement et marque le même temps d'arrêt à l'entrée de la salle que Gaëtan et Aevin.

Devant nous, comme une gigantesque chenille d'un métal noir brillant, un appareil s'étale sous nos yeux ébahis sur toute la longueur de la salle. Les hommes qui s'agitent de tout côtés comme dans une gigantesque fourmilière paraissent tout petits à côté de l'engin...

-Nouveaux ? Le jour de la visite ? C'est vrai que c'est pas mal vu d'ici...

La voix traînante me fait tourner la tête. Un autre groupe du même genre que le notre apparaît dans mon champ de vision : des jeunes gens en combinaison trop larges et une jeune femme maquillée de façon outrancière perchée sur des talons ridiculement hauts et qui doit être leur guide.

Aevin rétorque déjà du tac au tac tandis que Gaëtan et moi les dévisageons avec un intérêt croissant.

-Effectivement. Et vous ? Anciens depuis deux jours ?

Le blond qui nous a interpellé, un peu plus jeune que nous je pense, vingt ans peut-être, hausse les épaules et nous décoche un sourire arrogant.

-Certes. Mais j'apprends vite et là-bas... Ce sera la loi du plus fort non ?

Son sourire me paraît tout à coup beaucoup plus dangereux et je laisse échapper une grimace. Nos deux guides ne paraissent pas plus émus que cela par notre conversation et parlent entre eux sans se soucier de ce que nous pourrions dire. Gaëtan demande alors :

-On est dans le même camps je suppose... Prisonnier politique ?

-Dans le camps de votre imbécile de prince qui s'est fait tuer tu veux dire ?

La colère monte en moi à la vitesse de la lumière et je m'apprête à lui asséner ses quatre vérité lorsqu'une tornade humaine fonce sur le jeune homme et nous prend tous de court.

-Ne jamais dire du mal de Gabriel, je te l'ai déjà dit ! C'est la règle entre nous tu te souviens ?

Un retardataire du groupe vient de les rejoindre... Et c'est lui qui bourre de coups de poing le beau blond qui rétorque. Mais deux gardes de la sécurité arrivent aussitôt et séparent les deux jeunes gens en nage. Ce qui prouve effectivement ma déduction de tout à l'heure, nous sommes bien sous surveillance... L'arrogant a plusieurs bleus sur le visage et un air belliqueux... Et l'autre...

Lorsque je le dévisage, je pousse le même cri de surprise que Gaëtan et Aevin, avec évidemment un temps de retard car il me faut toujours quelques minutes de réflexions de plus le temps que l'information monte au cerveau...

-Qu'est-ce-que tu fais ici ? Yves !...

Il se retourne vers nous et son visage prend la même expression stupéfaite que les nôtres. Oui, c'est bien lui... L'ami du maquis, celui contrôlé par Edilyn... Yves.