Christian (Chapitre 60)

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Je regarde sans émotions les parachutes qui atterrissent de tout côté. Leur joie n'est pas la mienne. Que m'importe tous ces prisonniers ! Leur seul avantage à mes yeux est de grossir les rangs de notre petite armée. Je range dans l'une des poches de mon pantalon l'écran que je viens de montrer à Gabriel. Il a du cran pour s'inscrire aux JO... Et je le déteste pour ça.

Sur bien des plans, il est meilleur que moi. Je marche rapidement en bousculant au passage plusieurs personnes sans prendre la peine de m'excuser et rentre à l'intérieur d'un des bâtiments principaux de l'hôpital. Je monte les escaliers en ignorant royalement les plateformes de dématérialisation et regagne mon petit appartement.

Je me dirige ensuite vers mon salon et plus précisément vers le meuble à boisson. Je sors un verre et la bouteille de whisky et m'en sers une dose raisonnable. J'ajoute ensuite de l'eau gazeuse et m'assois posément dans mon siège préféré, à côté de la petite table basse.

Alors que je porte pensivement le verre à mes lèvres, une voix me fait brusquement sursauter.

-Tu ne m'en proposes pas ?

-Sarah ! Je t'ai demandé combien de fois de toquer à ma porte ou au moins de ne pas entrer quand je ne suis pas là ?

Elle lève les yeux au ciel dans un mimique boudeuse et sors de la cuisine ou elle se tenait pour prendre le whisky que je viens de ranger et un autre verre. Elle me répond d'une voix calme.

-Tu me l'as demandé au moins un demi-million de fois. Mais le plus simple serait de fermer à clef ta porte.

-Sans doute.

J'avale une rasade de mon verre sans rien ajouter avant de jeter un coup d'œil au verre que s'est servi Sarah.

-Tu ne devrais pas boire autant.

-Sans doute.

Son ton légèrement moqueur lorsqu'elle répète ma réponse précédente ne m'émeut pas plus que ça. Je me contente de hausser les épaules. Si moi j'aime le bon vin comme un gourmet et n'en prend que peu à la fois, Sarah n'hésite jamais à s'en servir un peu trop. Mais il faut admettre que je ne l'ai jamais vu ivre... Elle tient remarquablement bien la boisson. Elle
s'assoit alors dans l'un des sièges qui occupent le petit espace et me lance sans avoir l'air d'y attacher d'importance :

-J'ai découvert quelque chose qui pourrait t'intéresser. La plus grande faiblesse du prince...

Je sursaute et me tourne vers elle, soudain sur le qui-vive.

-De Gabriel ? Mais qu'est-ce-que c'est ?

Elle sourit de nouveau avant de se redresser et de poser son verre sur une petite table.

-Attends un peu. J'ai demandé à la femme qui m'a renseigné de venir ici. Je suis sûre que ce qu'elle t'apprendra t'intéressera...

J'ai l'habitude des mystères de Sarah. Elle ne me livre jamais directement sa pensée... Une particularité de son étrange caractère. Son père élevait des panthères... Il a dû élever sa fille de la même façon que ses fauves...

Un "toc, toc" discret résonne alors à ma porte. J'échange un léger coup d'œil avec Sarah avant de lancer avec force :

-Entrez !...

Une jeune fille pousse alors la porte. Blonde, dix-sept ans maximum, et portant un uniforme d'infirmière. Elle paraît de plus d'une immense timidité. Elle referme doucement la porte et je lui désigne rapidement un siège.

Elle s'assoit et je prends la parole.

-Sarah me dit que tu possèdes une information qui pourrait m'intéresser...

La jeune fille hoche la tête avant de lentement reprendre la parole, tête baissée, évitant de me regarder dans les yeux.

-Je m'appelle Angyna... Mon frère était médecin ici avant que le prince n'arrive et...

Je l'invite à poursuivre d'un léger mouvement de la tête bien que j'aimerai assez qu'elle aille au principal. Même si les raisons de sa colère contre Gabriel sont plutôt intéressantes... Elle reprend la parole rapidement, d'une voix légèrement hachée par la timidité et l'émotion.

-Il... Il n'était pas soldat... Mais pour suivre le prince il a prit les armes pour défendre le fort et...

Sarah complète d'une voix étonnamment douce bien qu'un peu rauque.

-Et il est mort n'est-ce-pas ?

Angyna hoche de nouveau légèrement la tête et porte sa main droite à ses yeux. Elle essuie quelques larmes qui coulent sur ses joues avant de reprendre de nouveau la parole, mais cette fois-ci un peu plus fermement.

-Je déteste le prince du coup. Mais je n'ai pas beaucoup de moyens pour me venger... Mais je connais l'un de ses secrets. Je n'ai pas le droit de le dire mais...

Sarah complète une nouvelle fois tranquillement sous le regard inquiet de la jeune fille qui -personnellement- ne fait que m'exaspérer.

-Mais je t'ai promis que nous ne dirons à personne la source qui nous a permit de connaître ce secret... Alors vas-y.

Angyna se tourne vers moi et écarte d'une main ferme ses lourds cheveux blonds qui semblent protéger son visage des regards. Elle lance avec une lueur de défi :

-Il a une fille...

Je sursaute et me lève brusquement de mon siège.

-Ce n'est pas possible ! Qu'est ce que tu racontes ?

Sur la défensive, elle se lève elle aussi avant de me répondre rapidement. Sarah observe attentivement chacune de mes réactions et je retiens un mouvement de colère. Une fille ! Une enfant ! C'est impossible, c'est...

-Si monsieur. Il a une fille. Sa femme et lui ont décidé de la cacher car ils la pensaient en danger... Et ils nous ont ordonné de ne le dire à personne. Elle a été gravement malade...

Bien sûr ! Et c'est pour ça que Gabriel est revenu dans notre époque... D'un coup, tout s'éclaire dans mon esprit. Je m'avance lentement vers la fenêtre et pose mes doigts sur la vitre froide. Je demande d'une voix que j'espère neutre :

-Et... Ou est-elle maintenant ? Connais tu son nom ?

C'est Sarah qui me répond calmement et me donne les détails.

-Elle s'appelle Ysaïne. Personne ne sait où elle se trouve actuellement... Sauf Gabriel et sa femme je suppose.

Voilà, c'est ça qui me fait mal. Sa femme... Et sa fille ! Celle d'Azylis aussi... J'ai l'impression qu'un dragon me dévore les entrailles et que je ne peux hurler. Je voulais être indifférent ! Alors pourquoi est-ce-que je n'y arrive pas ?

Je fronce lentement les sourcils et demande :

-Merci à toutes les deux. Maintenant, s'il vous plaît, quittez la pièce.

La jeune fille ne demande pas son reste et disparait aussitôt. Sarah s'approche de moi et pose une main sur son épaule.

-J'ai pensé qu'il fallait que tu le saches. Je suis désolée mais il ne faut pas que tu entretiennes des espoirs inutiles... Change d'idée.

Elle se dirige ensuite vers la porte et je l'arrête en prononçant une phrase.

-Tu as raison. Je t'assure que c'est ce que j'essaie de faire. Merci...

-Je t'en prie...

Et elle quitte la pièce, à pas feutrés comme une panthère dans la jungle. Je regarde alors sans les voir les carreaux de ma fenêtre. Je murmure pour moi seul :

-Je ne la connais pas mais je la déteste déjà. Ysaïne. Je n'aime pas les princesses.

Intemporel T3 & 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant