Ou suis-je ? Des dizaines de questions se pressent dans ma tête mais c'est celle-ci qui ressort le mieux.
Je respire lentement, doucement, et replie les doigts de mes mains. Histoire de voir si j'ai tout à fait repris le contrôle de moi-même. Mais je ne rouvre pas tout de suite mes yeux, me remémorant tout ce qui s'est passé.
L'incendie... La petite danseuse dans la chambre de Gabriel... Et puis, l'appartement de mes parents. La terrasse où je me suis trouvée coincée, agonisant sous les fumées qui envahissaient le faible espace. Je réfléchis froidement. Techniquement, je devrais être morte d'une façon ou d'une autre. Seul un miracle pouvait me sauver la vie... Et on dirait qu'il a eu lieu.
Je me décide alors et soulève mes paupières. Je suis aussitôt surprise par la pénombre qui règne dans la pièce. Il doit être tard dans la nuit. Je me redresse alors à demi. Mon bras me tire et je tourne vivement la tête à ma gauche. Un long fil part d'une pochette accrochée à côté de moi et un liquide se répand dans mon organisme. C'est sans doute cela qui m'a fait reprendre connaissance.
Je me redresse alors complètement et contemple le fil quelques secondes, hésitant à l'enlever. Une voix me fait alors terriblement sursauter.
-Non ! Ne l'enlèves pas Edilyn !
En deux minutes, le jeune homme que je n'avais pas vu au fond de la pièce est devant moi. Il allume une petite lampe et mes yeux se posent sur son visage, vérifiant le trouble qui m'a assaillie lorsque j'ai entendu sa voix.
-Gaëtan !...
La surprise me coupe le souffle mais je retrouve aussitôt toute ma lucidité et esquisse un geste de recule. Ma main gauche se pose mécaniquement sur le serpent-bijoux qu'ils n'ont pas songé à m'enlever du bras.
Je reprends lentement la parole tandis que Gaëtan se relève doucement, mais les yeux très froids.
-Que fais tu parmi nous ? Mes hommes ne t'ont pas tué ? Tu fais partie de la liste des recherchés quand même !
-Edy...
-Ah non, épargne moi les surnoms ridicules et tout le reste...
-Edy...
Je me tais soudain, plus inquiète que je ne le voudrai jamais admettre. Je demande d'une voix neutre en changeant de sujet :
-Je peux enlever ce fil de mon bras maintenant ?
Il jette un coup d'œil à la pochette et je la regarde à mon tour. Elle est vide. Le liquide est entièrement passé dans mon sang. Gaëtan s'agenouille à côté de moi et murmure :
-Laisses-moi faire.
Je ne réponds rien et contemple ses doigts fins. Ils décrochent le fil d'un côté avant de s'approcher de mon bras et d'arracher d'un coup sec l'aiguille. Je pince fortement les lèvres et pâlit légèrement mais ne crie pas. Gaëtan se tourne de nouveau vers moi et je ressens au plus profond de moi même un nouveau malaise. Il y a ici quelque part un danger que je ne comprends pas encore.
-Gaëtan, que ce passe t-il ? Et je t'ordonne de répondre !
Mais il secoue la tête et ses mèches de cheveux noirs lui balaient le visage. Je sens mon cœur se serrer avant de se mettre à tambouriner de plus en plus vite dans ma poitrine. Quand je suis à côté de lui, je deviens plus humaine, malgré moi. Et chaque fois un peu plus amoureuse.
Cette constatation me fait réagir et je mords mes joues jusqu'au sang pour résister à l'envie de lui demander s'il éprouve toujours des sentiments pour moi. Je ne m'abaisserai pas à ça. Et je souhaite quelqu'un que je puisse contrôler. Mais Gaëtan me tire de mes réflexions en disant précipitamment :
-Edilyn... Tu peux marcher ? Essaie, tout de suite s'il te plait...
J'hésite un moment, presque désireuse de l'énerver car je déteste le sentiment de recevoir des ordres mais me décide à me lever. Après quelques pas vacillants, je parviens à retrouver une démarche parfaitement normale. Immobile quelques pas plus loin, j'inspire calmement et m'applique à maîtriser chacun des muscles de mon visage. C'est d'une voix parfaitement neutre que je reprends la parole en me tournant vers Gaëtan.
-Maintenant, tu vas m'expliquer ce qui se passe. Et d'abord, ou suis-je ? Qui m'a sauvé la vie ?
Gaëtan se laisse tomber sur le lit que je viens de quitter et je m'assois en face de lui sur le bord d'une petite table. Il se décide lentement à me répondre.
-Je sais que je fais une bêtise en ce moment. Personne ne me le pardonnera... Edilyn, tu es actuellement dans le palais de Gabriel...
Cette révélation me cause un profond choc. Je m'applique à rester impassible tout en me remémorant les souvenirs que je garde du "petit" château de mon frère -tout étant relatif- pas loin de la capitale. Les premiers mots de Gaëtan me marquent également. Il fait une bêtise. Je sens ma bouche se dessécher lorsque je demande d'une voix pressante, légèrement aiguë :
-Gaëtan ! Qui m'a sauvée la vie ?
Il baisse la tête avant de lentement relever ses yeux sombres pour les fixer dans les miens. Il esquisse un sourire froid qui tient plus du rictus.
-Qui irait risquer ainsi sa vie sans savoir qui il va sauver ? Qui ne pourrait jamais se résoudre à voir ton palais partir en flamme sans lui dire un dernier adieu ?
Moi. J'aime ce château. Parce que c'est ma maison, parce que tous mes ancêtres l'ont habitée, parce que... Je blêmis alors fortement. C'est impossible. Totalement improbable. Je baisse lentement la tête et demande d'une voix basse, les yeux cachés derrière mes cheveux et mes paupières baissées :
-Gaëtan... Qui est-ce ?
-Ton frère. Gabriel Astra. Tu imagines ? Celui qui te combat depuis toujours, que tu as tenté d'assassiner je ne sais combien de fois ! Et il te sauve la vie...
Je déglutis et relève brusquement la tête. Une envie stupide de crier "il n'avait pas le droit" me monte à la gorge mais je me retient. Il n'avait pas le droit de quoi ? De me sauver la vie ? Ça, je lui en suis plutôt reconnaissante. Mais c'est justement ça que je ne supporte pas.
J'ai maintenant une lourde dette à payer. Mais je prends subitement conscience du fait que j'ignore encore beaucoup de choses. Vrillant mes yeux dans ceux de Gaëtan, je reprends la parole d'une voix froide.
-Et qu'es-tu venu faire ici ce soir exactement ?
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Intemporel T3 & 4
Science FictionIntemporel Tome 2 : La mort du Roi Gabriel et Azylis sont maintenant mariés et vivent dans l'époque de cette dernière. Pourtant, lorsque le prince découvre que leur fille a les cheveux bleus, la panique le saisit. Azylis ne comprend pas jusqu'au mo...