Intemporel T3 & 4

Gabriel (Chapitre 120)

Je suis seul dans la grande pièce déserte. Un salon de réception. Dans le vide qui m'entoure, je n'entends que la respiration régulière d'Edilyn, qui n'a toujours pas repris connaissance. Je ne sais pas si je dois m'en inquiéter ou non. Je ne sais plus où j'en suis. La colère qui m'envahit chaque fois que je pense à elle semble avoir disparu pour laisse place à une lourde tristesse.

La porte de la pièce s'ouvre alors à toute volée et Azylis court vers moi. J'ouvre les bras et je la serre contre ma poitrine, réprimant un douloureux soupir.

Elle s'écarte alors légèrement de moi pour dire :

-Oh, Gabriel ! Tu m'as fais une de ces peur ! Quand j'ai vu Satan et qu'il m'a dit que tu m'attendais ici, j'ai cru... Que j'allais exploser de joie ! Ton retard m'a fait peur...

Elle s'arrête alors tout à coup de parler et recule comme si une guêpe l'avait piquée. Ces yeux sont fixés sur le canapé derrière moi. Elle relève son regard bleu pour le fixer dans le mien.

-C'est... Ce n'est pas possible. C'est Edilyn ? Comment...

Et brusquement la colère que je n'arrive plus à ressentir envahit ses traits. Elle murmure d'une voix coléreuse :

-Aucune importance... Jugeons la et pendons la...

-Azylis... Ce n'est pas ce que tu penses !

Elle fixe une nouvelle fois ses yeux bleus dans les miens. Elle finit par détourner la tête.

-Non. Sans doute pas. Expliques moi comment tu en es venue à pouvoir la capturer.

-Je ne l'ai pas capturée. Je lui ai sauvé la vie.

-De mieux en mieux.

-Je suis passé avec Satan aux alentours du palais en flammes... Un dernier regard en quelque sorte. Et puis... Il m'a avertit d'un appel au secours. J'ai trouvé une fille sur l'une des plateforme et je l'ai prise avec moi. Une fois dans les airs, dans les griffes de ton dragon, je l'ai reconnue.

Elle hésite quelques secondes avant de répondre :

-Tu as eu raison de l'avoir fait. C'est ta soeur. Mais que va t-on en faire maintenant ?

Je me retourne et mes yeux s'immobilisent sur Edilyn toujours parfaitement immobile. Ce n'est pas normal... Et je sais déjà ce qu'il faut que je fasse dans l'immédiat.

-Il faut qu'on trouve un docteur. Si possible quelqu'un de confiance dont on soit sur. Personne ne doit savoir qu'elle est ici.

-Je crois connaître quelqu'un. Mais il n'est qu'apprenti. C'est l'un des cavaliers de nos dragons. Je vais le chercher.

J'acquiesce, la tête ailleurs. Deux minutes plus tard, elle me laisse seul dans la pièce. Je m'avance lentement jusqu'au canapé ou j'ai allongé Edilyn et tire une chaise pour m'assoir à côté d'elle. Je me laisse tomber sur la surface dure et lui jette un coup d'œil.

Seul son souffle régulier permet d'affirmer qu'elle est encore vivante. À part cela, on dirait presque une statue de cire. J'allonge la main vers son front et écarte l'une de ses mèches de cheveux. Elle est trempée de sueur. Je me relève d'un bond et regarde autour de moi avant de me ressaisir. Je ne sais pas soigner la fièvre... Autant attendre le médecin.

Je me rassois sur ma chaise et attends. Toute ma vie défile dans ce court moment. J'ai posé la petite danseuse entre nous, sur une petite table. Je lui jette de temps en temps un coup d'œil malgré moi.

La porte du salon de rouvre alors brusquement et Azylis pénètre dans la pièce. Elle est suivie d'Aevin, d'un jeune homme roux que je ne connais pas, de Maly, de Thaïs et de Gaëtan. Celui-ci se précipite aussitôt vers Edilyn avant de s'arrêter à un ou deux pas de distance. J'observe son visage soudain très pâle et ses cheveux d'encre. Il hésite légèrement puis revient brusquement vers nous. Je ne fais pas de commentaire.

Nous nous avançons alors tous dans un immense silence vers le canapé. Seul le souffle un peu bruyant de ma soeur résonne dans la pièce.

Azylis se tourne vers le rouquin et demande :

-Vous m'avez dit avoir quelques connaissances en médecine alors...

-Oui, j'ai emprunté le scanner d'un des gardes qui est aussi docteur mais... Est-ce vraiment elle dont je dois m'occuper ? Ne devrions nous pas plutôt ?...

Sa haine est si visible que j'interviens. Je demande d'une voix basse, suppliante j'en ai conscience :

-Je ne sais pas quel est votre nom... Mais s'il vous plaît. Et gardez notre secret.

-Je... Je m'appelle Tim. Je... Je vais le faire.

Il ne paraît pas ravi mais s'avance à petits pas vers ma soeur comme s'il avait peur à tout moment qu'elle se réveille. Il s'agenouille alors au pied du canapé et brandit alors un engin extrêmement complexe devant lui. Des chiffres et des codes que je suis incapable de comprendre défilent aussitôt et il ne tarde pas à se relever.

Il chancelle, sous le coup de ce qu'il vient d'apprendre et je ne peux m'empêcher de sentir une sourde inquiétude mêlée d'angoisse m'envahir le coeur. Suis-je quelqu'un de si compliqué ?

-Eh bien... Elle... Je veux dire, la princesse, elle a aspiré un certain nombre de fumée toxique. Si cela a eu une aussi étrange action sur elle, je ne sais pas entièrement pourquoi car je n'ai pas assez étudié le décryptage des informations mais je peux déjà vous dire que...

Il hésite et nous regarde tour à tour avant de s'arrêter plus précisément sur mon visage. Il termine dans un silence de mort sa phrase.

-C'est en partie dû au fait qu'elle est enceinte. De deux enfants... Des jumelles.

Celui qui paraît le plus choqué, c'est Gaëtan. Il murmure dans un souffle :

-Et... Que faut-il faire pour la soigner ?

-Elle semble plongée dans un demi-coma et...

Gaëtan réplique avec une colère froide :

-Je me fiche de ce qu'elle a ! Je ne sais pas pourquoi je m'en soucie et...

Il tourne les talons et s'avance furieux vers l'une des baie vitrée. Il sort sans autre explication sur la plateforme tandis que je me remémore l'histoire que Thaïs m'avait racontée. La demande en mariage de Gaëtan. Aimerait-il toujours secrètement Edilyn ? Je secoue la tête et me tourne vers le jeune rouquin.

-Tim, excuse nous pour l'interruption. Peut-on la faire sortir de cet état ?

-Oui. Très facilement...

Je reste silencieux. Je sais bien ce que nous pensons tous. Que les choses sont déjà bien trop compliquées comme ça. Pourquoi la réveiller ? Mais je ne peux plus l'exécuter. Plus maintenant. Plus en sachant qu'elle attend des enfants.