Le Temps

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Le temps : une histoire de décalage et de point de vue

Le choix d'un temps de narration dépend surtout de la manière dont on place le narrateur par rapport à l'action. Tout dépend donc du statut qu'on veut lui donner. Si le narrateur est en situation "divine" de focalisation zéro, il va raconter toute l'histoire en la connaissant à l'avance, d'une manière ultérieure, et il peut pénétrer dans l'intériorité des personnages, ou connaître plusieurs actions simultanées qui ont lieu dans des endroits différents. Le temps de la narration sera au passé.

Gin courrait, sentant la fatigue monter en elle alors que la meute de loups qui la suivait semblait redoubler d'énergie à chaque fois que Martin criait pour l'encourager. Et comme si la boue ne suffisait pas pour la ralentir dans sa fuite, le tonnerre gronda subitement suivi des premières averses glacées. 

Si on veut que le narrateur soit "dans" l'histoire, l'effet recherché est celui dit de la "focalisation externe", à savoir que le narrateur ne connaît du monde que ce qu'il en voit et rien de plus, comme s'il était un personnage lui-même de l'histoire. Souvent, il va décrire le monde de son point de vue en disant "je".

J'étais perdu entre la peur et l'excitation. J'ignorais comment réagir face à cela. C'était plus ahurissant que tout ce dont j'avais entendu parler jusqu'ici.

Ensuite, comme nous l'avons vu, la narration peut ne pas respecter le temps chronologique de l'action, avec des retours en arrière ou en avant : les temps vont alors exprimer ces décalages par rapport à l'énonciation.

Je marchai (passé simple) la tête baissée, plongée dans mes pensées. Puis le souvenir de notre rencontre apparut dans ma mémoire. Nous avions été (plus-que-parfait) plus festifs qu'aujourd'hui et plus insouciants que jamais. Il avait su (plus-que-parfait) être au bon endroit, au bon moment...

On peut même imaginer de la narration antérieure, le narrateur racontant des faits futurs en utilisant le présent et le futur. Ceci est utilisé parfois dans la science-fiction ou les romans d'anticipation.

Marc avalera son café d'un trait et sortira prendre l'air. La ville sera grise, large et pesante et il se fondra dans les artères du monstre comme un globule à la recherche de son oxygène. Marc n'en pourra plus. Il traversera la rue sans regarder et une BMW noire pilera violemment, l'épargnant de peu. Mais Marc n'en aura cure : il lui faudra rejoindre le Pont-Neuf le plus vite possible, sa vie en dépendra.

Il existe même des procédés narratifs intercalés où l'auteur joue des décalages successifs entre le point de vue du narrateur et les actions qu'il décrit, séparant clairement un temps révolu et un temps en cours. Ce procédé est habituel dans le cas de la description de souvenirs par exemple, qui ont un lien avec le temps présent où se situe l'action principale. Le polar est parfois friand de ce procédé narratif, qui mêle passé, présent et futur en sections bien distinctes.

En clair, le temps le plus utilisé est celui du passé. C'est aussi le plus grand piège des écrivains car il demande une connaissance parfaite de la conjugaison ! Je dis non à "j'attenda" et à "il résouda"... Le présent est un temps moins fluide que le passé et impose quelques limites peu agréables mais niveau orthographe, il est moins dangereux.

Source : plume-escampette.com

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