Faut-il écrire à la première ou à la troisième personne ? Avant de se lancer pour écrire un roman ou une nouvelle, il faut faire un choix. Posez-vous les bonnes questions pour bien déterminer qui sera le narrateur de votre récit.
Le Narrateur Omniscient
Le narrateur omniscient relate l'histoire à la troisième personne du singulier. Il sait déjà tout de l'intrigue jusque dans sa résolution. Il connaît les pensées des personnages. Il est capable de raconter deux actions simultanées. Le narrateur omniscient a en général un regard subjectif sur l'ensemble de l'histoire, il n'est pas impartial.
- Points forts :
Vous pouvez tout expliquer au lecteur. Cela vous permet de naviguer dans les différents espaces-temps de votre récit et de proposer des intrigues complexes.
- Points faibles :
Le narrateur impose sa vision. Il n'y a pas de doute possible. Si vous souhaitez tenir le lecteur en haleine, le faire douter... ce point de vue est très peu indiqué (mais il ne vous empêche rien).
Dans Bel Ami de Maupassant : « Il sentait vaguement des pensées lui venir ; il les aurait dites, peut-être, mais il ne les pouvait point formuler avec des mots écrits. Et son impuissance l'enfiévrant, il se leva de nouveau, les mains humides de sueur et le sang battant aux tempes. Et ses yeux étant tombés sur la note de sa blanchisseuse, montée, le soir même, par le concierge, il fut saisi brusquement par un désespoir éperdu. Toute sa joie disparut en une seconde avec sa confiance en lui et sa foi dans l'avenir.»
Le Narrateur Externe
Le narrateur externe relate également l'histoire à la troisième personne du singulier. Toutefois, il est seulement un observateur extérieur qui rapporte ce qu'il voit et entend. Il ne peut révéler les pensées des personnages puisqu'il ne les connaît pas. Le narrateur externe a un regard essentiellement objectif, il est impartial.
- Points forts :
Le lecteur découvre les intrigues au fur et à mesure, en fonction de ce qu'il voit, ce qui laisse la place au suspens et aux rebondissements. Le lecteur peut laisser vivre son imagination.
- Points faibles :
Le narrateur doit se contenter de décrire ce qu'il voit ou entend, ce qui limite fortement la chaîne subjective du récit. Il ne peut pas pénétrer la psychologie des personnages, expliquer leurs états d'âme, leur volonté de faire telle ou telle chose...
Dans les Misérables de Hugo : "Le soir à huit heures et demie il soupait avec sa sœur, madame Magloire debout derrière eux et les servant à table. Rien de plus frugal que ce repas. Si pourtant l'évêque avait un de ses curés à souper, madame Magloire en profitait pour servir à Monseigneur quelque excellent poisson des lacs ou quelque fin gibier de la montagne."
Le Narrateur Interne
Le narrateur interne développe sa propre histoire à la première personne du singulier. Le lecteur découvre les lieux, les évènements à travers le regard d'un ou plusieurs personnages. Ce n'est pas obligatoirement le personnage principal. Ainsi le narrateur interne a un regard subjectif. Le récit passe avant tout par ce qu'il voit, ce qu'il entend, ses émotions.
- Points forts :
Le lecteur est immergé au cœur de l'histoire. Il se retrouve plongé dans les pensées du protagoniste auquel il s'identifie et s'attache rapidement. Ce point de vue narratif permet de dégager une forte charge émotionnelle.
- Points faibles :
Le narrateur ne peut présenter les évènements que selon la vision subjective du personnage. Il ne peut explicitement détailler une situation et doit l'adapter, pour la rendre cohérente, la façon d'envisager les choses de votre personnage. De plus, il est impossible de dévoiler des informations que le narrateur ne peut connaître comme les pensées ou les actions d'un autre personnage...
Dans L'Étranger de Camus : "Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J'ai reçu un télégramme de l'asile : 'Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués.' Cela ne veut rien dire. C'était peut-être hier. {...} J'ai demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse pareille. Mais il n'avait pas l'air content. Je lui ai même dit :
'Ce n'est pas de ma faute.'
II n'a pas répondu. J'ai pensé alors que je n'aurais pas dû lui dire cela. En somme, je n'avais pas à m'excuser. C'était plutôt à lui de me présenter ses condoléances."
Vous savez maintenant à quoi correspondent les différents types de narrateurs. Il ne vous reste qu'à définir celui qui vous convient le plus. Pour cela, posez-vous la question suivante :
• Quelle relation entre le lecteur et les personnages voudrais-je instaurer ?
Votre histoire ne sera pas vécue de manière identique selon la place que prendra le narrateur. L'émotion, les informations que vous pourrez distiller dépendront essentiellement de la voix narrative que vous choisirez.
Il est cependant important, quel que soit votre choix, de vous sentir à l'aise. Il n'est pas question de se forcer à écrire à la première personne si cela ne vous correspond pas, de vous enfermer dans une voix que vous ne maîtriserez pas... Le lecteur le sentirait et votre style s'essoufflerait très rapidement.
• Que faire pour se décider face à ce choix qui déterminera le ton de votre œuvre ?
Rédigez une scène sous différents points de vue narratifs (celui du personnage principal, secondaire, une voix extérieure...) et de les analyser pour voir celui qui vous représente le mieux.
Petite astuce : un récit sera plus dynamique si vous alternez plusieurs types de narration. Ainsi avec un narrateur externe, vous pouvez introduire un point de vue interne au travers de lettres, discours rapportés...
Sources : enviedecrire.com / ecrire-un-roman.com
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