18 : Lana

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Blottie sous la banquette arrière d'une voiture, je fais de mon mieux pour ne pas faire de bruit. Jake est au téléphone, à l'avant, donc j'ai une petite chance qu'il soit trop concentré sur son appel pour se rendre compte de ma présence. Conduire au volant, sérieusement ? Ce gars cherche la mort.

Oui, moi aussi, mais c'est une autre histoire. J'étais curieuse, d'accord ? J'ai juste saisi une chance de voir ce que fait Jake pour avoir toutes ces blessures, voilà ! Et maintenant, je suis morte s'il me trouve.

Jake raccroche, et le silence prend place dans la voiture. On s'arrête, et je suppose que c'est un feu rouge, mais la portière s'ouvre, et Jake sort. Je commence à paniquer : comment je vais sortir ?

Heureusement, Jake ne ferme pas tout de suite sa portière, et parle à quelqu'un qui est posté devant sa voiture.

Comment c'est possible d'avoir autant de chance ? Je me demande en sortant de la voiture le plus vite possible.

Je ne ferme pas vraiment la portière de mon côté, de peur d'être repérée, et m'éloigne de la route. Je n'ai pas la moindre idée d'où je suis, mais je pense que c'est toujours Cambridge. On est près d'une rivière, en tout cas.

Une voiture passe de mon côté de la route et je perds Jake de vue. Il est sûrement parti avec la personne avec qui il parlait, me laissant seule sans (je dramatise, mais il faut être prêt à tout) espoir de rentrer. J'essaie de ne pas désespérer tout de suite, et me dirige dans la ruelle où Jake et son pote ont dû aller. Je n'y trouve personne, cependant, et je décide d'aller dans la seule direction possible, à droite.

Jake, dos à moi, est en train de discuter avec deux types vêtus d'une veste en cuir, d'un jean et de bottes, sûrement des Doc Martens, qui ont un bandeau bleu attaché autour de la tête. L'un est blond et l'autre est roux, ce qui, avec Jake, fait d'eux un drôle de trio coloré.

- Vous inquiétez pas pour ça, dit Jake, je vais m'en occuper. Inquiétez-vous plutôt pour vous si je n'ai pas ce que j'ai demandé.

- Et qu'est-ce que tu vas faire, Jakie ? Demande le blond. Nous fumer à la figure ? Ouaaah, j'ai trop peur. Tu ferais mieux de te charger de ce p'tit gros, autrement tu peux oublier.

- Ouais, approuve le roux, on n'a pas de temps à perdre.

- Moi non plus, répond froidement Jake. Vous avez intérêt à vous dépêcher.

Sur ce, il se retourne et les quitte, et j'ai l'impression que mon cœur explose quand je cours vers la ruelle par laquelle je suis entrée. La voiture de Jake est encore là, mais quelques personnes sont venues squatter, et elles ne m'ont pas l'air fréquentable du tout. L'un d'entre eux a un œil de verre, des habits vraiment très sales, et il me regarde bizarrement.

- Hé, petite ! Lance-t-il.

Je ne m'arrête pas de marcher, pensant qu'il parle à quelqu'un d'autre, mais je m'arrête quand je comprends et regarde l'homme d'un air surpris en me pointant du doigt.

- Ouais, toi, dit-il d'une voix rauque et traînante. Les gamines comme toi n'devraient pas être en train d'dormir, à une heure pareille ?

- Heu... pas forcément, je réponds d'un ton hésitant.

Il est un peu plus de vingt-deux heures, peut-être vingt-trois, donc la question est un peu bizarre.

Ce type me fait plutôt peur, aussi je me dépêche de quitter la ruelle.

- Eh, attends ! S'écrie le type. Tu veux pas me tenir compagnie un p'tit moment ?

Il s'élance à ma poursuite, et la seconde d'après, il est tout près de moi et me retient par le bras. J'essaie de me dégager, mais il me retient fermement.

Soudain, mon bras est vivement éloigné de sa main, et il se fait soulever du sol par un Jake furieux.

- Personne ne te tiendra compagnie ce soir, mon vieux, dit-il avec colère avant de le laisser s'étaler par terre.

Il l'assomme à coups de pied et m'entraîne près de l'endroit où il a garé sa voiture. Une fois là-bas, il me pousse contre un mur, furieux.

- T'es devenue complètement folle ou quoi ? S'écrie-t-il, et notre proximité me coupe le souffle. T'as rien d'autre à faire que de te mêler des affaires des autres ?

- Désolée, je dis doucement en évitant son regard. Je... J'aurais pas dû.

- Et comment, que t'aurais pas dû ! T'es une idée de ce que ce mec aurait pu te faire, si j'étais pas là ? Et ça n'aurait choqué personne, ici !

Je comprends, non sans étonnement, qu'au lieu d'être en colère pour ce que je me suis infiltrée dans sa voiture, il s'est inquiété pour moi.

- Tu as raison, je dis calmement. Mais toi, alors, qu'est-ce que tu faisais là ? C'est quoi, cette histoire de p'tit gros ? Je ne trouve pas si innocent non plus, smokie guy.

Sans que je le veuille, sa colère me contamine, et je lui parle beaucoup moins gentiment que je le voulais. Son nouveau surnom est, bien sûr, une référence au fait qu'il fume.

Jake est tellement en colère que ses poings sont serrés, et l'un d'entre eux frappe le mur. En me penchant pour l'éviter, je tombe par terre avec tout le ridicule possible.

- Putain ! Hurle-t-il en secouant sa main devenue rouge.

Il me soulève du sol sans ménagement, et me jette sur le siège passager de sa voiture. Surprise, je me mets en place et attache ma ceinture.

- Tu n'as pas intérêt à recommencer, dit Jake, toujours en colère.

- Bien sûr, je dis, mécontente.

Évidemment que je vais recommencer, je pense avec agacement. Il serait temps d'apprendre à me connaître, smokie guy.

Quand on est arrivés à la maison, Jake attend que je sorte et me plante là, dans le froid de décembre. Je me dépêche de rentrer, sans un mot ni un regard pour lui, et retrouve vite la chaleur de "ma" chambre.

"Cher Journal,

Aujourd'hui, j'ai eu la pire idée qui soit, à savoir suivre Jake pour savoir où et comment il obtient ses blessures, et je me suis fait cramer. Non seulement je n'ai rien appris d'utile, mais en plus je me suis fait crier dessus par Jake, et je ne l'ai pas remercié pour avoir probablement sauvé ma vie. Je déteste ne pas dire merci. En tout cas, puisque le suivre ne marche pas, il est temps que je fasse parler Max. Je suis, genre, sa pire faiblesse, donc ça ne devrait pas être trop compliqué, mais faisons attention. Quand Max tient à quelque chose, difficile -pardon, impossible- de le lui faire lâcher. Mais je n'ai pas peur, et j'obtiendrai ce que je veux."

Écrire me fait du bien, et je me sens beaucoup plus optimiste quand je pars me coucher.

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J'aime la façon dont, d'un seul coup, Max et Lana ne semblent plus appartenir à la même histoire : si l'un ne voit que Dilara et est vaguement conscient de sa meilleure amie, l'autre s'occupe uniquement de Jake. Ça faisait même partie du "plan" que j'ai écrit un jour, il y a plutôt longtemps, en cours d'histoire. "Parallèlisation de M et L", ont écrit mes mains avides d'abréviations sur mon vieux bloc-notes Oxford.

Bref, à la prochaine ! 😙

Max et LanaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant