36 : Lana

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Il fait déjà nuit. Le ciel est magnifique, d'un noir d'encre avec quelques nuages. La lune brille au milieu, tout à fait pleine, et deux ou trois étoiles sont visibles malgré la pollution lumineuse de la ville.

En regardant un peu plus bas par la fenêtre, je remarque la présence de Jake. Comme à son horrible habitude, il est en train de fumer. C'est un spectacle fascinant. La fumée forme d'épais rouleaux dans l'air froid de ce début d'hiver, et l'expression soulagée qu'il a en sentant le poison entrer dans ses poumons vaut de l'or.

Comme j'ai un don pour les mauvaises idées et j'en ai envie, je pars le rejoindre. J'enfile vaguement une paire de chaussons et ma doudoune par dessus mon pyjama et m'aventure dehors.

- Ça va finir par te tuer, tu sais, je dis à Jake une fois que je l'ai retrouvé.

Il sursaute et se retourne vers moi.

- Tu es venue jusqu'ici pour me dire ça ? Il demande.

- Bien sûr que non, je mens. J'avais envie de sortir.

Et de te voir, essaie d'ajouter ma conscience, mais je l'en empêche.
Il souffle un nuage de fumée.

- C'est beau, la nuit, pas vrai ?

- Ouais, je réponds en fourrant mes mains dans mes poches. C'est tellement sombre et mystérieux, on se croirait en danger. Ça me rappelle un peu toi, plus ou moins.

Il a un petit rire.

- Mystérieux.

- Tu es mystérieux.

Il se détourne pour tousser, et je me demande s'il ne va pas cracher ses poumons.

- Ça fait comment, de fumer ? Je demande, cachant mon inquiétude derrière ma curiosité.

- Pourquoi ? Il répond en remettant sa machine à tuer dans sa bouche. Tu veux essayer ?

- Même pas en cauchemar, je dis en regardant sa cigarette avec horreur. Je me demande juste.

- Eh bien, je sais pas. C'est... bien. J'ai l'impression que tous mes problèmes s'envolent.

- L'impression, je souligne immédiatement. Est-ce que ça en vaut réellement la peine ? Donner ta vie juste pour quelques instants de paix, que tu dois renouveler ? Je ne veux pas te faire une leçon de morale, Jake. Je veux juste que tu réalises qu'ici, il y a des gens qui s'inquiètent pour toi, que ta mort ne serait pas sans conséquences. Je ne veux pas te perdre, je finis dans un murmure en passant les bras autour de sa taille.

Je pose ma tête sur son torse. C'est horrible, il pue la fumée, mais je ne le lâche pas. Sa cigarette lui tombe des mains et il répond à mon étreinte.

- Tu as raison, il dit à voix basse. Mais je ne sais pas comment arrêter. Dès que j'essaie, je tiens et je finis par me dire "bon, juste une seule, alors". Et bien sûr, c'est reparti. Et à chaque cigarette, je me déteste un peu plus.

- Tu ne dois pas te détester pour ça, je réponds en lui caressant la joue. La seule chose dont tu es vraiment responsable, c'est d'avoir commencé. Ça, maintenant... ce n'est pas ta faute.

- Tu crois ?

Je grimace malgré moi. Je ne savais pas que c'était possible de puer autant de la gueule.

- Mais oui. Après, il y a toujours d'autres moyens moins dangereux d'avoir de la nicotine, et ça doit être plutôt facile à trouver.

- Tu as sûrement raison, il dit en se séparant de moi. Je vais essayer.

- Non, je réponds en lui prenant la main. Tu vas réussir. Tu vas forcément réussir.

Il esquisse un sourire.

Max et LanaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant