Ça devait faire une bonne heure que je tournais en rond dans la cabane ayant retrouvée l'usage de mes jambes. Peter était parti et c'était mieux ainsi. Il m'a expliqué que l'endroit où je m'étais réveillée était sa cabane et que les prochaines nuits je dormirais avec les autres garçons perdus. Les garçons perdus... Mais écoutez-moi ! La chaleur me rend folle à lier ! J'essayais déjà d'assimiler pas mal de nouvelles pendant qu'il m'en rajoutait des couches et des couches. Mon cerveau saturait...
Après un dernier tour dans la cabane, je cédai à la tentation et descendis de celle-ci. Quand je posai enfin le pied par terre, c'est avec bonheur que j'appréciai de toucher à nouveau terre. Même si cette terre n'était pas celle de Fairfield.
J'allais partir explorer le terrain quand deux garçons à peine plus âgés que moi me firent signe de les suivre. L'un me signala.
- Pan nous a demandé de te ramener au campement quand tu te serais décidée à sortir de sa cabane.
Ces deux garçons n'avaient pas l'air bien méchants mais je n'appréciais pas le ton sur lequel il me parlait alors je boudais me contentant de les suivre silencieusement.
***
Une fois arrivée au campement, ce n'est pas une dizaine de garçons que je vis mais plutôt cinq dizaines. Certains taillaient du bois, d'autres aiguisaient leurs armes ou encore rapportaient des fruits dans de grosses cages en bois. Je contemplai la fréquentation plutôt uniforme de ce nouvel environnement qui n'était composé que de garçons. Entre 10 et 18 ans, tout au plus.
Je n'eus le temps de faire un pas de plus que j'entendis une voix que je ne connaissais que trop bien.
- Eve !
Je me retournai et vis Gabin assis contre un arbre, les mains liées. Je me jetai sur lui comme une furie. Ça me soulageait tellement de savoir qu'il allait bien ! Je m'écartai un peu de lui voyant que je le serrai sûrement un peu trop fort et détachai ses liens.
- Comment tu vas ? me demanda Gabin, voyant du sang à la racine de mes cheveux.
- Ça va mieux, ne t'inquiètes pas.
- Ils n'ont pas voulu me donner de tes nouvelles, je m'inquiétais. Ils ne veulent rien me dire et nous ont attaché en attendant qu'un soi-disant Peter décide ce qu'il allait faire de nous.
- Je connais quelqu'un qui pourra peut-être nous en dire un peu plus...
Je me retournais vers Lucas qui était lui aussi adossé à l'arbre. Je le fusillai du regard mais il avait l'air de n'en avoir rien à faire. C'était de sa faute si on se retrouvait ici ! Je voulais le faire réagir et enlever cette expression blasée de son visage.
- Je crois que tu nous dois des explications, je lui lançai cyniquement.
- Je ne te dois rien du tout...siffla Lucas entre ses dents. Toi, tu as eu le droit à un accueil plutôt chaleureux. Ça fait deux jours que tu te reposes tranquillement dans la cabane de Peter... Nous, ça fait deux jours qu'on a pas croqué dans quelque chose digne de ce nom. Alors évites de me reprocher quoique ce soit.
Deux jours... J'étais restée inconsciente si longtemps...
- S'il te plaît, j'ai besoin d'y voir plus claire. Aide-nous à comprendre ce qu'il nous arrive, je tentais une nouvelle fois, d'une voix plus rassurante.
Lucas tourna la tête vers moi et planta son regard dans le mien. Il avait l'air si désespéré. Il souffla en baissant la tête.
- Bien... Je vais tout vous dire... Nous sommes au Pays Imaginaire mais pas celui du dessin animé... Non, le vrai est beaucoup plus cruel. Cette île est entourée par de larges étendus d'eau. Personne n'est jamais allé au bout et il paraîtrait que le Pays Imaginaire n'a aucune frontière. Ce petit bout de terre où nous nous trouvons est beaucoup plus grand qu'il n'y parait, il est délimité par plusieurs terres : forêt, jungle, prairie, montagne, plage et j'en passe des meilleures. Les garçons que tu vois autour de toi sont les garçons perdus. Ils ont été enlevés à leur famille, certains de leur propre volonté d'autre non mais ils ont fini par s'y faire, acceptant cette fatalité. De toute façon, Neverland est un point de non-retour. On ne vieillit pas, et le temps est différent ici, les jours plus longs, les nuits plus courtes. Tout n'obéit qu'à une personne. Peter Pan... C'est en quelque sorte le roi de cette île. Pour certains, celui qui nous retient pour d'autre leur famille. Et ne va pas t'imaginer encore une fois que le Peter Pan de cette île est celui des contes : futile, joyeux et enfantin. Non celui qui m'a marqué est froid, sans cœur, arrogant, égoïste, joueur et mauvais. Son cœur doit être noir depuis plus longtemps que celui de notre chère reine.
- Votre reine ? je le coupai perdue.
- Oui...Je ne viens pas vraiment du même monde que vous mais ce serait trop long à expliquer...
- Parle-moi de cette marque sur ta nuque...
- Peter marque chaque individu qu'il compte faire venir sur l'île. Une bande de garçons perdus viennent chercher le marqué et il l'emmène au Pays Imaginaire... Quand j'ai vu que j'étais marqué, j'ai quitté mon monde pour venir dans le vôtre qui est sans magie, espérant de tout cœur qu'ils ne viendraient pas me chercher. Je me trompais... Ils m'ont retrouvé et pourchassé. Et c'est pourquoi nous sommes tous les trois dans cet endroit maudit.
- Pourquoi fait-il une chose pareille ? je demandais hésitante, peureuse de connaître la réponse.
- Pour l'Elu, évidemment. Il attend l'Elu. Personne ne sait vraiment de qui il s'agit mais tout le monde sait que le jour où viendra le garçon, Peter sera plus fort que jamais. Et à ce moment-là rien ni personne ne pourra l'arrêter...
J'avais écouté Lucas attentivement mais il y avait quelque chose qui me laissait perplexe dans cette histoire.
- Elle est bien belle ton histoire, Lucas. Mais il y a une chose que je n'arrive pas à saisir... Tu penses vraiment qu'on va croire ton récit sur la magie et ce Peter Pan... Ecoute, j'ai certes pris un gros coup sur la tête mais cela ne m'empêche pas d'être un tant soit peu rationnelle. La magie, le Pays Imaginaire, Peter Pan, ça n'existe pas !
- C'est parce que tu n'y crois pas... Si tu essayais de voir plus loin que le bout de ton nez, peut-être, je dis bien peut-être que tu comprendrais. Tu vois bien que la poudre qu'ils nous ont jetée dessus au pavillon d'exposition n'était pas de la simple poussière. Et ne vas pas me dire que tu n'as pas vu des choses anormales ces derniers temps.
C'est vrai... Mon ordinateur, ma télé qui ne marche plus, la soudaine apparition de Lucas dans le lycée, la coupure à sa nuque, mes cauchemars. Tout se bousculait dans ma tête.
- C'est bien ce que je me disais... souffla Lucas avant de se lever et de nous laisser ruminer, Gabin et moi.
C'était plutôt impensable...Et pourtant ça avait l'air si réel. Après tout, on ne croit pas au fantastique tant qu'on n'y a pas vraiment été confronté. Enfin, c'est ce que j'ai compris en lisant assez de livres sur le surnaturel ou sur la magie pour me dire que je comprenais encore moins ce qu'il m'arrivait. Ce genre de chose n'arrivait qu'aux héros d'une fiction purement inventée.
- Tu y crois, toi ? demanda faiblement Gabin.
- Je n'en sais rien...
J'espère que tout cela ne soit qu'un rêve pourtant quelque chose me fait dire que je ne suis pas au bout de mes peines...
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Neverland ?
FanfictionEve Powell est une jeune adolescente de 17 ans, des plus banales. Du moins, c'est ce qu'elle croyait avant d'être confrontée à plusieurs phénomènes qui entravèrent son quotidien. L'aventure ? Elle en avait toujours rêvé. L'adrénaline ? C'était pou...