Neverland ?

Chapitre 57

« Eveline ! »

Cette voix...

Je me tournai de trois quarts serrant toujours le cou de la jeune fille. Il était là, immobile et effrayé. Ses yeux grands ouverts laissaient voir ses prunelles vertes étincelantes.

Oh non... Ça a recommencé... Je ne peux pas être comme ça...Ce n'est pas moi...

En un clin d'œil, il se précipita sur moi, m'attrapant le bras pour me faire me relever. Anna en profita pour partir en courant criant à l'aide. Sans me laisser le temps de dire quoi que ce soit ou de la rattraper qu'il me plaqua contre le mur froid du couloir me forçant à lui faire face. C'était la première fois que je le voyais pour de vrai. Il était là devant moi...En chair et en os. Ses cheveux châtains ébouriffés et son visage fin mais aux traits durs me rendaient nostalgique. J'avançai une main vers sa joue rougie par une colère naissante. Il eut l'air d'abord surpris mais ne recula pas.

« Eve... murmura-t-il en s'adoucissant. Que t'arrive-t-il ?

- Peter...

- Oui...C'est moi... »

Je ne me souvenais de rien...Il avait beau être devant moi, je ne le reconnaissais pas. Et c'est ce qui m'effrayait le plus.

« Je veux me souvenir...

- Non... Je n'ai jamais rendu la mémoire à quelqu'un de façon volontaire...Tu risques de souffrir...

- Je m'en fiche...Fais-le... »

Il parut contrarié mais plaça ses mains sur mes tempes. Il souffla une dernière fois et ferma les yeux. Une étrange poudre verte scintillante s'enroula autour de lui. J'aurais voulu continuer à le regarder faire mais une affreuse douleur s'empara de mon crâne. J'avais l'impression que ma tête allait exploser mais je contenais mes larmes et mes cris. Je n'avais jamais ressenti une telle chose, c'était indescriptible. De plus, je ne voyais aucun changement, aucun souvenir.

Soudain Peter compressa encore plus fort ses paumes sur mon crâne ce qui m'arracha un cri étouffé par les lèvres du bruns plaquées sur les miennes. C'était bizarre mais cette nouvelle sensation n'empêcha pas la douleur de s'accentuer à un stade que je ne pensais même plus pouvoir atteindre. C'était intenable et je m'entendais supplier Peter d'arrêter mais il secouait la tête complètement meurtris par l'acte qu'il me faisait subir.

Au même moment la douleur s'atténua petit à petit me laissant respirer et le brun déplaça ses mains sur mes joues cherchant mon regard.

Malheureusement, alors que je croyais le pire derrière moi, une souffrance beaucoup plus forte que la première attaqua encore une fois ma tête. Cette fois-ci elle était tellement imposante que cela m'arracha un cri. Un hurlement tellement puissant et long que je ne me pensais pas capable de faire.

Je criai encore et encore, à bout de souffle. Je plaçai mes mains sur mes oreilles pour faire taire les voix mais elles ne voulaient pas cesser et résonnaient dans mon crâne comme un marteau qu'on tape sur une plaque de métal.

Je m'écrasai une nouvelle fois sur le sol quand une force extérieure incontrôlable s'empara de moi. Mon corps entier se crispa, se soulevant meurtris et désarticulé telle une marionnette. Je n'avais plus seulement mal à la tête, non, maintenant c'était tous mes organes qui étaient torturés par une sombre puissance. Je sentais mes os craqueler et mes yeux gonfler. Un liquide froid coula le long de mes lèvres gouttant sur le carrelage alors immaculé. Je ne ressentais même pas les mains de Peter sur mon corps fébrile élevé dans les airs. Il criait. Hurlait mon prénom. Je ne l'entendais pas mais je voyais à ses yeux que cela n'aurait pas dû se passer comme ça.

Mourir pour ce souvenir...

Un dernier cri s'échappa d'entre mes entrailles avant que je ne retombe brutalement sur le sol, démunie de toutes forces. La douleur s'en alla aussi vite qu'elle était apparue. J'étais juste là, les yeux grands ouverts, faible et allongée sur le sol froid. J'étais épuisée et j'avais la terrible impression d'avoir fait tout ça pour rien. Je ne me souvenais de rien...

Je sentis Peter poser ma tête sur ses genoux et écarter certaines mèches de mes cheveux qui me collaient au visage. Il était si tendre...Je regrettai tellement de ne pas me souvenir de lui.

Avec les dernières forces qui me restèrent, je levai la main vers la joue de Peter et murmurai.

« J'aimerais tellement me souvenir de toi...

- Non ! Eve ! Reste avec moi ! Garde les yeux ouverts, putain ! Eveline, t'endors pas ! »

Je n'entendais presque plus ce qu'il me disait. Seulement des brides incompréhensibles pour la plupart. Je sentais simplement mes yeux se fermer petit à petit et mon corps m'abandonner. Une douce chaleur m'envahit m'encourageant à partir. Je ne m'accrochais plus...Je ne voulais plus m'accrocher.

La dernière chose dont je me souviens avant de perdre totalement connaissance c'est la voix rauque et inquiète de Peter qui me dit une dernière fois.

« Je t'en prie Eve...Je t'aime... »