Neverland ?

Chapitre 26 ✔️

Alors que ses yeux étaient plantés dans les miens, ils dévièrent lentement sur mes lèvres. Je ne savais pas si lui aussi ressentait l'effet qu'il me procurait mais pour mon cas c'était bien présent.

Soudain, nous entendîmes une voix, non loin de nous. Je poussai brusquement Peter sur le côté en entendant Thomas arriver. Si j'avais bien entendu il appelait Peter. Celui-ci se releva in extremis et m'aida à faire de même. Je frottai mes vêtements froissés et tachés de terre pour paraître moins suspecte. Mais quand Thomas arriva, il n'eut pas l'air dupe et fronça les sourcils. Je baissai instinctivement la tête, honteuse d'avoir bien trop aimé ce moment à mon goût.

- Qu'est-ce que tu veux ? demanda froidement Peter à l'attention de Thomas.

- Jimmy et Edwin sont en train de se battre et on n'arrive pas à les séparer.

Quoi ? J'ai bien entendu ? Il a bien dit Edwin ! Si quelqu'un s'amuse à martyriser mon protégé, ça ne va pas le faire longtemps ! Je sens la colère monter et mon visage adopter un teint plus rouge que la normale.

Je pris moi-même la décision de partir devant quand je sentis qu'on m'attrapait l'avant-bras. Je me retournai et jetai un coup d'œil meurtrier à Peter. Il a intérêt à me lâcher, genre là, tout de suite ! Sinon, je sens que je vais exploser.

- Laisse-les, ce n'est pas à toi de régler tout ça. Ils se battent s'ils veulent. Ça les aide à s'endurcir... fit sèchement Peter comme si les minutes qui venaient de s'écouler et notre rapprochement n'avaient jamais existé.

J'ouvris grand les yeux complètement paumée. C'est une blague ? Il va les laisser se battre. Mais il lui manque une case à celui-là. Jamais personne ne touchera Edwin tant que je serais sur cette île.

Je me détachai de Peter,muette et me dirigeai vers le campement sans faire attention à sa remarque.

Quand j'arrivai, je vis un troupeau de garçons qui applaudissait et criait des encouragements dans un coin du camp à côté de ce que l'on pourrait appeler des cuisines. Au centre de ce cercle que faisait les garçons, il y avait Edwin et ce Jimmy.

Je me précipitai vers eux et me frayai un chemin pour arriver au niveau des combattants. Jimmy était un jeune adolescent de 12 ans qui je trouvais, se prenait un peu trop la tête. C'est vrai qu'il a un physique qui est loin d'être désavantageant mais sur cette île, son apparence ne lui sert à rien étant donné que je suis la seule fille, trop vieille et pas intéressée. Il n'empêche qu'il se prenait pour le boss du campement quand Peter n'était pas là. Je ne l'aime vraiment pas.

C'est là que je découvris l'ampleur du combat. Jimmy frappait à multiples reprises Edwin alors que lui n'arrivait à mettre que peu de droites à son adversaire. Ce n'est qu'une bande de barbare ou quoi ? Ils vont les laisser se taper dessus encore longtemps !

Je décidai alors de les séparer moi-même, au risque de me prendre un coup. Ce qui malheureusement fut le cas. Un bon gros bleu au loin de la lèvre. Je la sentais gonfler mais je réussis à tirer Edwin des griffes de Jimmy et à l'emmener loin de ce rassemblement. Thomas et Peter n'avaient toujours pas montré le bout de leur nez. Bien sûr ! Dès qu'il faut se salir les mains il n'y a plus personne.

J'amenai Edwin à la cabane de Peter et le fit s'asseoir sur le bord du lit pour que je puisse regarder ses blessures. Il n'avait rien de grave excepté de gros hématomes sur le ventre.

Quel imbécile...Sur un gosse si jeune...

- Pourquoi Jimmy t'a frappé ? je demandai sérieusement.

Edwin parut gêné mais il finit par me répondre.

- Il était en train de dire que si tout tournait mal en ce moment c'était ta faute. Qu'avant que tu sois là, tout était mieux. Plus drôle. Il disait que Peter passait plus de temps avec nous avant que tu n'arrives et qu'il faudrait t'éliminer pour que tout redevienne normal. Je savais que c'était faux alors je lui ai sauté dessus.

Jimmy n'avait pas tout à fait tort. Et c'était bien ça le problème. Je passai ma main dans les cheveux de Edwin et déposai un baiser sur sa tempe avant de le serrer contre moi. Il avait fait ça pour me protéger, pour me défendre et encore une fois, ça c'est mal fini.

J'en ai plus que marre que les gens auxquels je tiens souffre par ma faute. Je veux que tout ça s'arrête. Je veux sortir de ce cauchemar.

Alors que j'écartai quelques boucles des cheveux de Edwin, une voix dans mon dos attira mon attention.

- Thomas t'attend pour soigner tes blessures, fit Peter sèchement.

Edwin se contenta de hocher la tête et de partir. Pourquoi Peter avait réagi ainsi ? Au dernière nouvelle, Edwin n'était en rien responsable, enfin presque... Je ne voulais même pas me retourner vers Peter mais je sentis une main brûlante sur mon épaule. Aucun doute, c'était lui.

Je finis par tourner la tête vers lui et croisai son regard. Il avait l'air énervé. Il va me reprocher de ne pas l'avoir écouté, c'est ça ?

Alors que je m'attendai à des milliers de réflexions, il s'accroupit à côté de moi et passa son pouce sur le coin de ma lèvre.

Aïe, purée ! Ça fait mal ! Jimmy n'avait pas dû me rater.

- Il a raison, tu sais. Je ne suis qu'une source de problème, je soufflai.

- J'ai entendu ce qu'a dit Edwin. Jimmy n'est qu'un gosse vaniteux, et toi une gamine inconsciente. Tu crois que tu fais preuve de courage alors que tu es juste stupide ! Arrête de te plaindre maintenant et relève-toi comme tu l'as toujours fait !

Ses mots étaient crus et sans la moindre once de gentillesse. Il savait que ce serait plus percutant et que donc je serais plus réceptive. Me relever, c'est ce que j'ai toujours fait. Et il a raison, ce n'est pas un môme de douze pige qui va me faire douter de moi.

Je hochai la tête et me relevai. Un sourire sournois apparu sur les lèvres de Peter. Ok, celui-là il ne m'avait pas manqué...

- Peter ? je demandai. On pourrait finir l'entrainement de ce matin. Parce que ce n'est pas à cette allure que je vais pouvoir me venger de Crochet...

Il fut d'abord surpris, puis un sourire mauvais s'empara de son visage et il m'indiqua simplement la sortie.

Je crois que cela veut dire oui...

***

Ça faisait quasiment une semaine que je m'entraînais tous les jours. Même quand Peter ne pouvait pas m'aider, j'essayais de travailler mes réflexes et sans vouloir me vanter, je commençais à me débrouiller. C'est toujours un peu hésitant mais je pense qu'on touche le bon bout. Il me faudrait surement un peu plus de sommeil pour pouvoir mieux me concentrer mais depuis que Gabin est partis je ne dors plus. Je crois que j'ai peur de m'endormir.

Pourtant cette nuit-là, je ne pus m'en empêcher, rongée par la fatigue.

J'étais affalée dans mon canapé, en train de regarder Mary Poppins, Gabin à mes côtés. J'aime bien ce film, d'habitude je ne suis pas fan de comédie musicale mais là... Rien à redire. Je trouve que c'est une belle histoire. Et puis étant donné que je connais les chansons par cœur, c'était encore mieux. Il m'a bien fallu deux semaines pour réussir à dire correctement Supercalifragilisticexpialidocious. Eh, essayez ce n'est pas évident de le dire rapidement.

Je regardai alors Gabin et découvris que son regard était vide d'émotion. Je lui secouai un peu l'épaule quand tout à coup sa tête se tourna vers moi et ses yeux devinrent rouge. J'essayai de reculer, mais rien à faire j'étais comme clouée sur ce bout de canapé. Mon meilleur ami ouvrit grand la bouche et un liquide noir en coula. Mon dieu, mais qu'est-ce que c'est ? Je n'avais jamais rien vu de tel.

Soudain un cris rauque et puissant sortit de la bouche de Gabin et le débit du liquide noir redoubla d'intensité, ne cessant de se vider sur le corps de mon ami. Qu'est-ce qu'il se passait ? Que lui arrivait-il ?

C'est alors qu'il voulut se jeter sur moi, ses yeux rouges luisants dans l'obscurité naissante. Un long cri strident s'échappa de ma bouche et ce fut le noir, le noir complet.