Chapitre 15 ✔️

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Doucement souffle le vent.
Dans ce sinistre décor
On peut entendre les cris d'un enfant,
Attendant que l'on découvre son corps.
Lentement goûte son sang,
Car torturé a mort
Il attend indéfiniment
Un espoir encore.
Cessons ce harcèlement
Car ce pantin est déjà mort.

Cette comptine résonne dans ma tête, rongée par les douleurs de mon passé ainsi que celles de mon présent.

J'ai arrêté de compter les jours au bout d'une semaine. Je n'avais rien mangé depuis des jours. Crochet me gardait enfermée dans cette cale comme un animal, certaine fois enchaînée. Depuis je n'ai pas vu la lumière du jour, ni même le reflet de la lune sur l'océan.

Mon sang froid était la seule chose qu'il me restait quand je sentais les cicatrices sur mes joues. Si je ne répondais pas aux questions du Capitaine, il m'entaillait au visage avec son crochet aiguisé pour l'occasion. Certaines fois, pour le plaisir, il s'attaquait à d'anciennes coupures encore sensibles ce qui ne faisait que redoubler mes cris et ma douleur. Il y a quelques jours, il trouva que l'espace réduit de mon visage ne lui suffisait plus alors il s'en est pris à mon ventre, mes bras, mon dos, mes jambes, ... Tout endroit qui était susceptible d'être marqué.

J'ai arrêté d'espérer que Gabin, ou que Lucas viennent me chercher.

Alors c'est ça que je dois attendre de la vie ? me souffla ma conscience d'une sordidité affolante.

Etre mutilée jours et nuits pour des informations que je n'ai même pas. Je suis presque sûre qu'il ne s'attend pas à ce que je lui réponde. Je suis une genre de distraction amusante...

Je passe mon temps à prouver que je ne suis pas faible, aucune larme n'a coulé de mes yeux depuis mon arrivée dans ce maudit pays. Et je n'en verserais pas temps que je ne serais pas rentrée parce que j'ai foi. Je sais qu'un jour je rentrerais chez moi, peu importe le temps que cela doit prendre.

Je baisse la tête et observe les plaies sur mes jambes. Celles-là sont toutes récentes, à peine une heure. Tous les matins Crochet vient me chercher pensant que je serais plus bavarde et tous les soirs il me jette dans la cale, n'ayant rien obtenu.

Je passe mon pouce sur la coupure et en sors un petit bout de métal. Il n'y est pas allé mollo cette fois-ci...

Je repose mes jambes et essaye de tirer le côté positif de la situation. Ma mère m'a toujours dit que dans toute situation, il y a un point positif. Même les plus périlleuses.

Je ricane nerveusement. Qu'est-ce qu'elle est conne cette remarque... En plus, elle qui disait toujours ça, elle est quoi maintenant ? Hein ! Où ça l'a mené son putain d'optimisme !

- Elle est morte ! je cris sans m'en rendre compte.

Une énorme boule se creusa dans mon estomac et une affreuse douleur m'envahit. Je sens que je vais craquer... Les larmes me montent mais je refuse de les laisser couler. Je refuse de pleurer ! Alors, j'essaye tant bien que mal de calmer ma respiration mais rien n'a faire. C'est trop dure ! Je suis à bout de souffle, à bout de force. Tout me lâche et je n'y peux rien. C'est plus fort que moi.

Je m'accroche à la grosse corde qui pend à mes côté et canalise toute ma colère et ma tristesse en tenant fermement ce bout de maille. Je ne pense plus à rien, faisant abstraction de tout ce qui m'entoure et de tous les autres sentiments que j'éprouve.

La vie est si injuste. Pourquoi elle nous fait souffrir ainsi ? Pourquoi est-elle si cruelle !

Petit à petit ma respiration retrouva son calme et je ravalai mes larmes reprenant sur moi. C'est enfin fini. Fini pour aujourd'hui.

Exténuée, je m'endormis sur les gros sacs de sables, priant pour que demain soit un meilleur jour.

***

Plus tard dans la nuit, je fus réveillée par des cris qui venait de l'extérieur. Malheureusement, je n'avais pas le privilège de pouvoir comprendre ce qu'il se passait. J'essaye de coller mon oreille contre la coque du bateau pour écouter la discussion mais je n'entends strictement rien excepté un brouhaha constant de deux personnes qui crient.

J'aurais voulu sortir de la cale comme j'avais fait le premier jour mais Crochet avait posé un cadenas pour être sûr que je ne puisse pas m'enfuir. Je ne sais pas quoi faire... Soit je prends mon mal en patience soit je décide de faire bouger les choses - même si je ne sais pas trop de quelle manière... -

Soudain, avant que je puisse m'en rendre compte un des matelots du Capitaine ouvrit la cale et m'en fit sortir brutalement, me tirant par le bras. Il ouvrit la porte qui donnait sur l'extérieur et enfin après plusieurs semaines de capture, je pus voir la lune. Elle avait cette couleur blanche, si pure. C'est fascinant...

Aussitôt, le matelot me jeta entre les mains de Crochet qui positionna directement son crochet sous ma gorge.

Bonsoir à toi aussi...

Je ne tente même pas de me débattre : la situation pourrait se révéler être pire qu'en ce moment même.

C'est à ce moment, qu'en levant les yeux, je vis le garçon au yeux verts les poings serrés. Il avait perdu tout son sang-froid et il finit par crier.

- Tu ne touches pas à mes gars et je ne touche pas à tes hommes ! C'est le deal ! Relâche-la !

- Depuis quand tu t'en fais pour quelqu'un, Peter ? T'aurions-nous trouvé une faiblesse ? ricana Crochet en regardant son équipage.

- Bien sûr que non. Mais c'est une de mes enfants perdus, je crois que tu l'as oublié. Elle m'appartient.

- Ce n'est qu'une fille. Pourquoi lui accordes-tu tant d'importance ? Ce n'est qu'un bout de chair fraîche après tout. Elle ne te sert même pas au combat !

- Ecoute cette île est à moi et je pourrais faire couler ton bateau en un claquement de doigt. Alors choisis : tu gardes la fille et ton bateau coule comme toutes les personnes qui s'y trouvent ou tu te décides à me remettre cette fille et je te laisse vaquer à tes occupations, aussi étranges soient-elles.

Crochet sembla réfléchir pendant un moment. Personnellement la seule chose dont j'ai envie c'est de partir d'ici. Et je trouve les arguments de Peter plutôt convaincants. J'observe ce dernier, le regard presque suppliant mais il ne daigna même pas m'accorder un coup d'œil, se contentant de fixer Crochet avec défi.

Pour seule réponse, le Capitaine grogna et me balança vers Peter qui me rattrapa, écartant aussitôt les mèches trempées par la sueur, collées le loin de mon visage. Une douce chaleur m'envahit à son contact si bien que j'engouffrais ma tête contre son torse pour m'y blottir, sa main caressant mes cheveux avec tendresse.

- Bon choix de ta part Crochet, parce que tu le sais Peter Pan n'échoue jamais. Et si tu t'en prends à un autre de mes gars, je ne serais pas aussi indulgent, crois-moi.

Un nuage vert nous transporta et en un instant nous nous retrouvâmes dans une petite cabane. Je détaillai la pièce d'un regard circulaire et me rendis compte que nous étions dans la cabane dans laquelle je m'étais réveillée la première fois : la cabane de Peter.

Il me déposa sur le lit avec précaution et me recouvrit avec les draps blancs en coton. Sans me faire prier, je les tirai d'avantage contre moi, trop fatiguée pour répliquer quoi que ce soit.

Hésitant, il s'assit sur le bord du lit et souffla comme s'il se parlait à lui-même.

- Il t'a bien amoché...

Il soupira longuement et passa sa main juste au-dessus de mon corps. La douleur que j'éprouvais disparu peu à peu et je pus m'endormir, pensant que le cauchemar était fini.

Neverland ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant