Chapitre 60

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Retrouver ma mémoire m'avait permis de retrouver Peter mais aussi tout le reste...

J'ai tué Crochet... Avec un sang-froid que je ne me croyais pas capable de surmonter. Je me souviens l'avoir regardé dans les yeux avant de lui écraser le cœur entre mes doigts jonchés de veines noires prêtes à exploser.

Les images claires du pirate me suppliant de ne pas l'achever... De le pardonner... L'image des tortures que je lui ai infligées avant de le tuer.

Mes larmes coulèrent d'elles-mêmes. Comment j'ai pu faire ça ! Ce n'était pas moi ! C'est cette voix dans ma tête ! Mon dieu...

« J'ai tué Crochet...je murmurai tremblante.

- Je sais Eve, je sais...Calme-toi. »

Il se voulait rassurant mais cela ne fonctionnait pas. J'ai tué un être-humain. Crochet avait beau être une mauvaise personne, aucun être ne mérite de mourir. Malgré toutes les tortures que j'ai enduré, il n'avait pas à mourir. Comme tous les autres... Les indiens, ces villageois qui ne demandaient rien...

Rongée par les regrets, je me revoyais l'agripper par le cou et le faire tousser et cracher ses poumons par ma prise. Je me souviens à quel point il pouvait s'écraser sous mes ordres simplement pour que j'épargne sa pauvre et misérable vie.

Rien qu'en repensant à toutes ces choses affreuses, une grande culpabilité m'accabla. Je sentais cette boule creuse dans mon ventre. J'avais mal et je souffrais d'avoir fait tant de mal sans aucune arrière-pensée. Cette voix... Elle m'avait contrôlée, manipulée, me promettant un bien être total. Je n'avais rien vu venir.

Alors que j'essayai de me remettre de mes émotions, Peter me fit me rasseoir.

« C'est fini maintenant...On rentre à la maison...

- Mais...Si je retourne au pays imaginaire, je risque de redevenir sombre et ténébreuse.

- J'arriverais à te contrôler. Tu arriveras à te contrôler.

- J'ai échoué une première fois...Comment peux-tu être certain que je ne ferais pas de rechute ?

- Je ferais tout pour que cela n'arrive pas...Je te le promets. »

J'avais peur. Et j'étais effrayée par cet excès. Et si je recommençais et si je m'en prenais à des gens que j'aimais : Peter, Edwin, Thomas, ... Je suis dangereuse et je ne contrôle rien. Est-ce possible d'avoir peur de soi-même...

Je jetai mes couvertures sur le côté et me levai ayant repris toute conscience. Je ne peux pas rester là à me morfondre. Je vais me battre contre cette voix, contre cette femme. Contre moi-même.

« Où est-ce que tu vas ? Tu es encore trop faible...

- Dois-je te rappeler que j'ai une très forte capacité à reprendre des forces ! Je vais prendre une douche. »

Je glissai de mon lit et découvris que j'étais revêtue d'un pyjama plutôt simple et léger, composé d'un t-shirt gris un peu trop grand et d'un legging noir. Mes cheveux bruns rebiquaient comme si une bombe y avait explosé. C'est fou à quel point ils ont poussé ! Je les plaçais donc d'un seul côté pour les empêcher de s'emmêler encore plus.

Soudain, je sentis deux mains tirer mes hanches vers l'arrière me collant à un corps chaud.

« Je viens avec toi. C'est non négociable !

- Peter... je roulai des yeux, exaspérée.

- Eveline, ce n'est pas pour t'emmerder, je ne veux pas qu'il t'arrive quelques chose... Alors je vais rester avec toi. »

Je soufflai bruyamment et le laissai me suivre dans la salle de bain. Il resta d'abord dans l'encadrement de la porte mais quand il me vit enlever mon t-shirt et puis tout le reste il referma la porte sur lui, verrouillant celle-ci pendant que je m'infiltrai sous le jet d'eau chaude. L'essentiel de ma peau adoptait un teint légèrement plus grisâtre que la normale. On aurait dit un cadavre. En soit cela faisait deux semaines que j'étais inconsciente. Sûrement présumée morte... Je laissai l'eau glisser le long de mes cheveux, ne me préoccupant que de ce renouveau qui m'ouvrait les bras. J'avais envie de me refaire, de changer. Plus la Eve Powell du lycée, ni Eveline l'ensorceleuse. Je voulais être une nouvelle moi.

Alors que je tordais mes cheveux, je sentis deux mains brûlantes se poser au creux de mes reins avec une douceur enivrante.

« Je croyais que tu ne devais pas t'imposer...

- Je n'ai pas pu résister. Voir tes hanches onduler de gauche à droite à travers la transparence des parois m'a clairement éloigné de mes intentions premières.

- Qui étaient ?

- Te laisser te doucher tranquillement... Maintenant, j'ai autre chose en tête. »

Difficile de ne pas saisir la signification de son ''autre chose en tête''. Je savais que moi aussi j'en avais envie mais... Mon cauchemar où Peter me répétait inlassablement qu'il ne m'aimait pas était encore une blessure trop douloureuse.

Comprenant mon malaise face à cette offre pourtant tentante, Peter fit en sorte que je me retourne. Il releva mon menton de son pouce et de son index de façon à ce que son regard croise le mien. Pour la première fois, je me sentais mal à l'aise devant Peter. J'étais totalement vulnérable.

« Je ne sais pas ce que je t'ai fait endurer dans ton cauchemar mais sache que ce ne sera jamais la réalité. Je sens que tu as peur... Tu trembles quand je te touche. Je te le jure...Je ne te veux aucun mal. Laisse-moi seulement te montrer à quel point la façon dont je te touche, la façon dont je t'embrasse est si différente de la manière dont ce type l'a fait. »

Son souffle frappait durement mes lèvres pendues à sa toute prochaine action. Mon cerveau lui revendiquait tout. Je ne devais pas me laisser faire. La tension était palpable entre nos deux corps mais c'était bon. Je sentais sa poitrine se lever et s'abaisser à mesure que sa respiration s'accélérait tout comme la mienne.

Il ne savait pas quoi faire et moi non plus... Il devait sûrement se demander si j'étais réceptive ou non à ses tentatives. Ou s'il avait comme une sorte d'autorisation. Peter n'était pas le genre de garçon à hésiter sur ce qu'il voulait faire. Il savait toujours ce qu'il voulait mais avec moi il avait toujours eu une espèce de retenue. Sûrement de peur que je fuis.

Ici, je me demandais s'il se posait des questions sur ce qu'il pouvait faire ou sur ce que moi je voulais. Ce que je voulais moi ? Je n'en savais rien... Je ne savais pas où j'en étais et c'était effrayant. Je voulais oublier. C'est paradoxal étant donné que j'ai passé mon temps à dire que je voulais me souvenir et maintenant j'aimerais ne rien savoir.

Tous ces morts sur ma conscience... J'ai toujours été de nature curieuse et cela m'a porté préjudice. Naturellement, je crois que si j'avais su, je me serais contentée d'être attentive pendant les cours de Monsieur Wade, j'aurais sûrement moins perdue. Mais tout a changé ce jour-là... Le jour où j'ai rencontré Lucas et qu'il m'a confronté à toutes ces choses.

Rongée par l'anxiété, je laissai Peter prendre le dessus sur nous. C'était chaud et réconfortant. Si doux et si apaisant. Rien à voir avec mon cauchemar. Il prenait son temps même si je sentais qu'il se retenait sur certaines de ses pulsions. L'amour qu'il me montrait me percutait à chaque fois que ses mains ou ses lèvres rentraient en contact avec mon corps. Ses grandes mains longeaient ma nuque jusqu'à mes reins avec une lenteur frustrante. Mes gémissements atténués par les lèvres du brun lui firent accélérer la cadence de ses mouvements à mon plus grand ravissement.

Il grogna contre ma peau sucrée par le savon à la guimauve. Je me languissais de lui comme jamais et c'était une sensation que j'appréciais retrouver. C'est quand il me pénétra avec une douceur extrême queje retrouvai le plaisir de le retrouver. Cette fois-ci pour de bon. Je ne voyais plus le Peter qui m'avait fait du mal, je ne voyais que celui qui était devant moi répétant au creux de mon oreille meurtrit par ses caresses à quel point il m'aimait.

Neverland ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant