Chapitre 12

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POV Ishan

Cette putain de lycéenne me tape grave sur les nerfs...

Elle est bruyante.

Toujours sur mon chemin dans son uniforme du Lycée pour filles. Avec sa cravate noire ridicule sur sa chemise blanche et sa veste bleue marine qui lui fait des épaules pointues quand elle croise les bras. Ce qu'elle fait tout le temps. Elle porte toujours sa jupe super longue jusqu'à ses chevilles, ce qui lui donne un air de pauvre grand-mère.

Elle marche devant moi, en soufflant sur sa frange comme toutes les gamines de son âge. De la paume de ma main, je gifle sa queue de cheval qui se balance avec tellement d'énergie qu'elle pourrait faire un tour sur elle-même. Immédiatement, elle proteste et s'écarte en me fixant de son regard noir. Elle me regarde comme si je l'avais agressé. 

J'évite de la toucher sinon elle mord. C'est pas une expression.

C'est une putain de clébarde.

Si je l'avais pas assommé la première fois, elle aurait avalé un bout de ma chair.

Je dois lui payer sa bouffe à cause de ma foutue dette pour elle. 

La voir savourer sa nourriture c'est comme voir un bébé goûter le chocolat pour la première fois. Si insouciante, si euphorique, si détendue et si heureuse. Quelque part à l'intérieur de son crâne elle devait se trouver dans le paradis de la bouffe et des milles et une saveur.

Je me demande ce qu'elle me veut à part m'escroquer jusqu'au dernier centime.

Assis sur le muret, un sac de courses à mes côtés, je panse ma main avec les bandages achetés. Les flics me font toujours péter les plombs. Ils se mêlent de choses qui ne les regardent pas. 

Nous sommes dans un parc d'enfants, vide à l'heure qu'il est. Elle se balance sur la balançoire sans entrain avant de prendre place à mes côtés.

- T'en as pas vu assez ?je grommelle. Pourquoi t'es là ?

Elle baisse la tête et commence à arracher des mauvaises herbes, retardant sa réponse. Son ventre commence à gronder bruyamment.

- T'as la dalle tout le temps ou quoi ?

Ses joues sont cramoisies.

- Tais-toi. C'est de ta faute. Si tu n'avais pas tabassé ces policiers, j'aurais pu finir tranquillement mon hot-dog mais je l'ai fait tomber dans ma course. Pour...pour la peine, tu me payes à manger !

A croire qu'elle a un estomac à la place du cerveau cette folle...

Je vais répliquer quand j'entends mon prénom.

- Ishan ?

Cette voix.

Je lève les yeux vers la femme qui se tient à un mètre de nous. Vêtue d'un trench-coat long et fluide, un sac à main rouge à son bras et des escarpins noirs, elle est comme une apparition maudite.

Des images me reviennent en tête comme des flash photos. Elle et lui. Des photos que j'aimerais brûler et une carte mémoire que je voudrais écraser sous la semelle de mon pied. Mais malheureusement pour moi, elle reste implantée quelque part dans mes plus profonds souvenirs et reste impossible à ôter même après toutes ces années. Ces flash-là me réveillent une nuit sur deux.

La lycéenne sursaute et la regarde approcher sous ses sourcils froncés soupçonneux. La femme la remarque aussitôt et lui sourit timidement.

- Oh enchantée, Claudia, se présente-t-elle.

Elles se serrent la main.

- Ali.

Avant de me regarder. Qu'est-ce qu'elles attendent de moi ?

- Ishan, merci pour tes chèques mais je..., commence Claudia.

Je me lève et pars, d'humeur orageuse.

Elle vient de ruiner ma journée. L'effet qu'elle a sur moi est bien pire que celui qu'ont les flics sur moi. C'est insupportable.

Après quelques minutes, Ali me rejoint en courant.

- Hé le singe ! Tu as oublié ton sac de courses !

Elle est toute essoufflée en arrivant à mon niveau. 

- Qui c'était ? Pourquoi t'es parti comme ça, espèce de mal poli ? Et mon dîner ? Alors comme ça ton prénom c'est Ishan ?

Elle a vraiment l'espoir que je réponde à toutes ces questions. Je continue mon chemin. J'ai besoin d'un pack de bières. J'ai besoin de cramer mon foie.

- Hé! Ne m'ignore pas !

Je vais me gêner.

- Si c'est comme ça. J'appelle la police et je leur ferais un portrait flatteur de toi. Après tout, tu trouveras ta place dans une cage. C'est une faveur que je fais à tout le monde.

En la voyant pianoter sur son portable, je vois rouge et reviens vers elle à grands pas furieux.


POV Ali


Il balance mon portable sur le mur de briques voisin.  Il explose en pièces détachées

- AAAH !je crie au comble du désespoir.

Il me menace les yeux dans les yeux.

- Barre-toi ! Oublie-moi ! Que je ne vois plus ta face en face de moi ! Qui t'a dit de me suivre toute la journée ?

- C'est le deuxième portable que tu viens de casser, connard ! Tu vas me le repayer !

Il m'empoigne par le col à deux mains et me soulève. Mes pieds décollent du sol. Son visage est à trois centimètres du mien.

- Ta dette tu peux te la foutre dans ton cul. Être avec toi c'est comme payer des taxes.

S'il pouvait arrêter de me secouer comme ça dans le vide ce serait sympa parce que bonjour l'humiliation. J'ai pas envie de donner l'impression que je ne suis qu'une poupée de chiffon manipulable et dominée par un taureau fou furieux qui me secoue violemment au bout de ses cornes. Donner l'impression que je suis fragile ? Non merci !

Je lui fous un coup de genou dans le ventre. Mon os frappe de l'acier. Son souffle est à peine altéré. Il me lâche brutalement et je titube en arrière.

Avant que je ne puisse reprendre mon équilibre, je suis plaquée durement contre le mur et l'arrière de mon crâne heurte une brique. Je siffle de douleur et regarde Ishan avec haine, prête à lui faire la peau.

Sa colère à lui est palpable et ardente. Elle brûle dans ses yeux et semble l'aveugler. 

Sa main m'attrape à la gorge et j'ai un hoquet de surprise et de douleur. Ses doigts m'écrasent la trachée et je sens mon pouls s'affoler sous la pression de son pouce. Son poing vient s'abattre à quelques centimètres de ma tête.

Je ferme les yeux de soulagement.

Pendant une nanoseconde, j'ai cru qu'il allait me frapper. Sa prise sur ma gorge s'est relâchée. Sa respiration est lourde.

- Qu'est-ce que je dois faire pour t'éloigner de moi ?

Étonnée de ce changement de ton, je rouvre les yeux pour le dévisager.

Il semble s'être drastiquement calmé. Mon cœur bat fort et vite. Il est effrayant quand il veut. J'ai failli réveiller le lion qui dort en lui.

Je reprends vite contenance et remets de l'ordre dans mes habits comme si de rien n'était. En lissant mes vêtements, mes doigts tremblent et laissent des plis. 

Reste neutre. 

- Pour commencer, mon dîner, je réponds.

A l'expression qu'il fait, il s'attendait à tout sauf à cette réponse.

- T'es une vraie emmerdeuse.

À Bout de Souffle [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant