À Bout de Souffle [Terminé]

Chapitre 22

POV Ishan

J'enlève un à un les bouts de verre et regarde le sang couler de mes mains sans rien ressentir.

Assis en tailleur sur mon matelas, le drap se tâche de gouttes rouges et je place ma main au-dessus pour regarder la tâche s'agrandir.

Comme le vide en moi.

Donc je le remplis.

Ma main s'enroule autour du goulot d'une bouteille que je soulève jusqu'à mes lèvres. L'alcool me brûle l'estomac alors que je bois cul sec. Je lèche la dernière goutte et m'allonge. Mon ventre proteste en émettant un drôle de bruit.

Ça commence à remonter le long de ma trachée et je me redresse pour cracher du vomi dans la paume de ma main. Ma gorge me brûle comme de l'acide et j'ouvre  une canette de bière pour l'hydrater.

J'ai l'impression qu'on m'a arraché mes cordes vocales.

Mais la dernière fois que j'ai ressenti cette sensation était cette fameuse nuit. Le dernier hurlement que j'ai poussé était son prénom.

Jordan.

Et avec lui ma voix s'est éteinte.

Je tousse encore et me frappe le torse avec mon poing pour que la crise de toux s'arrête.

- JORDAN !

- Fais-le ou j'écrase les poumons de ton frère. Choisis.

Jordan prend le pistolet et le retourne contre son torse. Il tremble et tourne la tête vers moi. Ses yeux débordent de larmes mais son expression est déterminée.

Mon torse se contracte alors que je lui assène un coup.

- Non !

- Ta gueule toi !

Je crie de douleur alors que son talon tape contre mes côtes.

Mon poing tape contre mon torse encore et encore comme un marteau alors que les souvenirs ne veulent pas s'arrêter de défiler devant mes yeux.

Ma joue contre le bitume, je lève les yeux vers mon petit frère. Il me fait un signe de tête. Une larme a coulé le long de sa mâchoire.

- Je te les confie, Ishan.

Le coup part et la balle le traverse. Alors j'ai vidé mes poumons et j'ai hurlé son prénom jusqu'à être à bout de souffle.

Je pose mon front contre le sol et m'y cogne une, deux, trois fois. Cette nuit-là j'étais faible.

- Putain, je siffle de rage. Dégage de ma tête...

Mon souvenir m'emporte à nouveau et je me roule sur le côté pour me retrouver allongé à nouveau sur ce bitume froid et ensanglanté.

Le corps de mon frère tombe à côté de moi comme un poids mort.

Comme un fou, je hurle son prénom.

Jordan est immobile pendant quelques secondes puis il tousse un flot de sang.

Mon espoir renaît et une bouffée d'oxygène emplit mes poumons abîmés.

Une voix retentit au-dessus de moi. Cette voix que je veux anéantir.
- Putain, le con j'y crois pas sa mère. Il a visé le poumon, l'idiot.
- Finis-le.
- Ça va pas ? non ! Il va bien finir par crever.
- Allez on part. Son compte est bon.