À Bout de Souffle [Terminé]

Chapitre 55

Ali

Les trois mots fatidiques.

Ishan est mort.

Oscar me l'a annoncé au détour d'un appel. Juste après la fin d'un examen en histoire-géo, une dissertation de six pages en trois heures.

Aucune réaction même pas un soulèvement de paupières. Les secondes qui suivent sont des poids qui s'enfoncent dans mon abdomen. Des coups de poings. Dans mon cœur. Dans mon âme. Figée comme de la pierre, je reste là, sans réagir extérieurement. Mais à l'intérieur tout bouille. Une vraie tempête de sensations et d'émotions. Mes yeux regardent sans voir. Même devant moi, je n'arrive pas à y croire.

Il faut pourtant se faire une raison.

Depuis le départ c'était écrit que ça finirait mal.

― On va être en retard pour le prochain. Plus qu'un et on est libre.

Au milieu du couloir, le portable à la main, je lève la tête pour croiser le regard angélique de Connor. Le blond me désigne la porte avant de voir mon expression.

― Ali ?

Il se rapproche avec une mine concernée et inquiète.

― Tout va bien ?

Je ne sais pas ce qui m'empêche de m'effondrer là maintenant. Je suis à l'école. Un monde que j'ai toujours séparé de celui où je suis avec Ishan. Il faut que je les garde intacts. Encore pour deux heures.

― J'arrive !je réponds en me dissociant.

Byron sort en trombe de la pièce dans laquelle nous nous apprêtons à entrer. Il a les yeux fous et le souffle court.

― Ali !s'écrie-t-il et je sens une fêlure dans sa voix. Ishan est...

― Prenez place, l'examen va bientôt commencer !intervient M. Stark autoritaire.

Plus que les mathématiques. Un coefficient important. Ne flanche pas. Ne te fracasse pas. Le diplôme. Ne pense qu'au diplôme.

La dernière ligne droite, hein.

― Je dois passer l'examen, je déclare.

― Mais...proteste Byron sous le choc.

Je l'agrippe par le t-shirt et le ramène à l'intérieur avant de prendre place sur le bureau avec mon nom. À deux rangs de là, Tessa me jette un regard confus. Je lui fais un geste de la main. Tremblant. Sans conviction.

― Bien, déclare M.Stark. Retournez vos feuilles. Vous avez deux heures. Sont libres de partir ceux qui auront terminé.

Mon cerveau devient un cadran. Une bombe à retardement dont le fil est relié à mon cœur. Les chiffres et les équations se mêlent à des flashs dans ma tête.

― À ce soir.

Sur le pas de la porte, Ishan pince les lèvres et ses yeux noirs sont teintés de tristesse.

― Hm.

Je lui souris pour le réconforter. Il ne me rend pas mon sourire. J'ai fermé la porte.

Ma feuille de brouillon est noircie de calculs. J'ai les oreilles qui chauffent de concentration. Quand j'arrive au dernier problème, même si je meurs un peu en voyant le mot « justifier » je le termine jusqu'à la dernière ligne. Je n'ai pas le cœur de faire une relecture car j'ai répondu à tout sans obstacles. Tant qu'on a compris la méthode, c'est logique.

Ishan est mort.

Je me lève si brusquement de ma chaise que toutes les têtes se lèvent. M.Stark fronce les sourcils, vérifie l'heure sur sa montre avec scepticisme.