À Bout de Souffle [Terminé]

Chapitre 44

Ali

Je suis soûle.

Le ciel étoilé se profile au-dessus de nos têtes et je fredonne les paroles de la chanson Tequila Sunrise d'Eagles tout en jouant avec la fine chaîne que j'ai offerte à Ishan. Je m'amuse à mettre mon alliance autour du doigt. La bague en or blanc est si belle et délicate avec ses motifs en diamants alvéolés. On dirait qu'une étoile filante fait le tour de la bague alors que je la fais tourner entre mes doigts.

J'ai décidé qu'Ishan la porterait pour moi parce qu'elle semble coûter une fortune et que je ne la mérite pas vraiment.

Une brise fraîche bienvenue soulève légèrement nos cheveux et nos vêtements. La savourant entièrement, je ferme mes paupières.

- Je veux manger le gâteau.

Son souffle à l'instant ressemble à un rire silencieux.

- Tu penses qu'à ça, avoue-le.

- Non je pense aussi à l'homme que j'ai épousé.

- Pourquoi à moi ?

- Je me disais juste que tu es comme une statue. Si on te casse, je ne sais pas si on peut recoller les morceaux. Tu ne guéris pas comme tous les êtres humains, Ishan.

Il ne dit rien pendant quelques mètres et j'ignore s'il est en train de ressasser mes mots ou s'il approuve par son silence. Puis il gigote un peu, fouillant dans ses poches tout en me tenant en équilibre. Il finit par sortir une clope et un briquet qu'il me donne.

- Tu peux...?

Comprenant ce qu'il attend de moi, je coince sa cigarette entre ses lèvres et l'allume avec le briquet. À sa première bouffée, je la retire pour qu'il puisse expirer un long nuage blanc sur le côté.

- Allez mec, confie-toi à moi. Je sais que tu en as gros sur la patate.

- Toi et tes expressions à la con...

Je presse son épaule de ma main libre et j'ai la sensation de toucher une pierre.

- Tu es hypertendu, je constate et il réclame sa dose de nicotine. Tiens, bébé.

- Je n'étais pas censé vivre aussi longtemps, finit-il par dire à la fin de son expiration.

Un léger rire absurde franchit mes lèvres mais aucun mot parvient à sortir de ma gorge nouée. Les anniversaires ne sont qu'un moyen de remettre en question vous et tout ce que vous avez accompli jusqu'à ce jour. C'est un bilan de vos réussites, de vos échecs.

- Je ne crois pas aux lendemains, déclare-t-il. Quand le soleil se couche, il meurt et quand je me couche avec lui j'ai toujours cette incertitude qu'il va ressusciter. Je ne suis pas comme toi. Je ne peux pas dormir en étant persuader que demain existe.

À l'entendre parler, on dirait qu'il n'aime pas le monde de la nuit. Moi je l'adore. Si je pouvais, j'aimerai vivre une vie d'insomniaque afin d'être moins mêlée aux gens du jour.

- Après 31 ans, tu n'as toujours pas espoir ?

- Je n'en ai jamais eu.

Ses paroles ont un écho fatal en moi.

- Comment as-tu appris à vivre ?je demande le regard dans le vide.

- Je pensais aller à la rencontre de ma fin...

- Mais tu m'as rencontré moi, je devine.

- Ouais, répond-il en écrasant sa cigarette à moitié entamée sous sa semelle.