Chapitre 64

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Ishan

Des années plus tard

― Tu sors aujourd'hui.

Je fixe le mur gris devant moi. On tape contre le barreau de mon lit.

― Hé, Navarro je te cause !

― Quoi il se casse ?! Ça veut dire que je peux prendre son lit ? J'ai toujours voulu dormir là-haut.

― Ta gueule Faye. Je cause à ton compagnon de cellule qui transpire pas la joie à l'idée de sortir.

― Il a peut-être des gars qui veulent sa peau dehors.

― Ça m'étonnerait pas mais hors de question de te garder plus longtemps ici le Chat Noir. T'as fait ton temps et on a besoin de place alors fais tes affaires. Exécution.

Il pose un sac en coton sur mes genoux. Faye se lève pour se mettre à côté du gardien. Il me tapote la cuisse dans un geste de réconfort.

― Ça fait des années depuis. Ils t'ont sûrement oublié mon pote.

Mes yeux se déplacent du mur gris à sa main tatouée d'un trèfle. Il la retire. Je reviens à mon mur gris. Le gardien grommelle dans sa barbe.

― J'y crois pas que j'vais virer un prisonnier de force de la prison...

Faye rit.

― Bonne chance pour déloger le chinois de là.

Le gardien frappe la barre de mon lit en substitut et affiche un air dur qu'il croit menaçant.

― Si t'essaye de m'agresser pour rallonger ta peine, n'y pense même pas !

― Lui donne pas des idées ! Faut juste pas le toucher, c'est du verre fragile.

La prison n'est qu'un petit monde de provocations sans fin. Y réagir l'empire. Une sonnerie se déclenche.

― Et merde, quoi encore ?râle le gardien.

Je lève les yeux pour voir Faye sortir dans le couloir et s'esclaffer.

― On a un vrai combat de David contre Goliath ! Allez Billy pète lui les dents ! C'est que ton oncle après tout !

― Pousse-toi, le bouscule le gardien mécontent avant de hurler : Lâche la brosse à dents !

Ici j'ai appris à m'assourdir à l'extérieur rien qu'en fermant les yeux. La bagarre, les rires des prisonniers et les cris des gardiens ne sont plus qu'un bruit de blanc tandis que je fixe mon mur gris.

Un homme de mon âge entre dans la cellule avec une expression d'ennui sur le visage. Une façade pour dissimuler sa tristesse.

― J'ai appris que tu sortais. Félicitations.

Sam en a encore pour huit ans et je l'envie. Il le voit dans mon regard et a un léger sourire.

― Allez déménage. Ne m'oblige pas à te faire sortir d'ici par coups de pieds au cul.

Ma réputation me précédant, peu ont essayé de me chercher des noises. Personne ne m'a approché les premiers mois car j'étais aussi agressif qu'un matou des rues protégeant son espace personnel. Gare à celui qui était à portée de mes griffes car les miennes étaient longues et tranchantes. Sam est le seul rat assez barré pour croire qu'il allait intimer le nouveau. Résident bien avant mon arrivée, il est un des régents de ce trou et déteste ce qu'il ne peut pas contrôler.

Lui et moi c'était un combat ex æquo.

Il a été mon premier compagnon de cellule et c'est lui qui a soulevé mon corps amorphe tout en essayant à tout prix de desserrer le nœud du drap autour de mon cou violacé. La vérité c'est que j'ai cru qu'il était la dernière personne de cet endroit à m'aider.

À Bout de Souffle [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant