Chapitre 42

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Ali Navarro

Le temps s'est mis à filer comme une étoile filante dans le ciel étoilé. Comme les nuages qui coursent dans le ciel. Comme le soleil qui pourchasse la lune. Comme on arrache les jours sur un calendrier papier. Comme on coche les cases jusqu'à barrer le mois tout entier et passer au mois suivant. Un time-lapse durant lequel Ishan et moi partageons un quotidien propre à nous.

Tout prétexte était bon pour déclencher un conflit.

Je ne compte plus le nombre de réveils violents que nous nous sommes infligés. Si je suis la première à me réveiller je me venge en lui marchant sur le ventre. Si c'est lui, je peux faire ma toilette au lit.

Et puis : la cuvette non-abaissée, la bouffe en retard, les sous-vêtements vagabonds, le tour de douche, l'eau froide. Tout pour dire que l'un représentait l'inconfort de l'autre. Les blâmes, les accusations, les cris, les insultes et les jurons étaient nos meilleurs moyens de communication.

Discutables vous allez dire mais nous étions sur un terrain familier et nous ne savions pas comment gérer cette nouvelle situation, cette nouvelle intimité.

Aujourd'hui est un jour spécial.

Au réveil, je sens l'envie irrésistible de m'étirer. Je le fais tout en restant allongée sous les couvertures. Un mouvement étranger vient interrompre ma session de souplesse et je me roule vers Ishan qui émet un mi-soupir mi-grognement. C'est étrange cette façon de dormir sur le ventre, la tête posée entre ses bras croisés.

- Copain d'alliance, je roucoule pour l'embêter.

Pas de réaction. Je commence à lui faire des guili-guili par-dessus son débardeur.

- Je réchauffe ton lit comme une épouse qui se respecte.

En un clin d'œil il est debout.

- Un matin tu ne te réveilleras pas, menace Ishan en m'enroulant dans la couverture comme s'il se débarrassait d'un cadavre.

- Pourquoi tu te lèves si tôt ?je m'enquis alors qu'il va dans la cuisine.

- Parce que je suis réveillé.

Il monte l'escalier et mon regard se porte sur le bazar du salon. Des cartons, des rubans et même des enveloppes y sont répartis les uns sur les autres. Les cadeaux de mariage que je dois déballer car ils prennent trop de place. Ce qui me rend mal à l'aise, c'est qu'ils proviennent tous d'inconnus. Je sais qu'il y a une immense télé, du matériel électroménager en partie, mais je me demande qui nous a offert des couches et un berceau ?!

Nous ne sommes revenus il y a un mois et ça nous avait été livré comme ça au fur et à mesure. Je me demande quand ça va s'arrêter. Ma seule déception a été de ne trouver aucun lit parmi les cadeaux. Alors je dors sur Ishan. Oui sur lui. La règle était que je ne dors pas sur le matelas donc je tiens ma parole et ce n'est pas de ma faute s'il m'éjecte sur le côté...Dormir sur le canapé était une véritable torture au coccyx. Du coup, son humeur est encore plus grincheuse car il n'a pas trouvé de solution pour me dégager.

Je me redresse dans mon cocon en voyant Ishan enfiler ses baskets.

- Tu vas courir ? Je peux venir avec toi ?

Un doigt coincé dans le talon de sa chaussure, il se fige avant de tourner la tête vers moi.

La course ne m'intéressait même pas jusqu'à ce que je vois Ishan partir tous les matins courir. Comme si c'était sa drogue. J'ai toujours voulu courir mais j'ai cette peur viscérale du regard des gens quand ils verront une fille ronde comme moi essayant de faire du sport. Je veux perdre du poids, depuis que j'ai quatorze ans, depuis que j'ai appris le mot régime. Mais je n'ai jamais vraiment sauté le pas.

À Bout de Souffle [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant