Chapitre 50

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Ishan

Mes yeux de chat suivent chacun de ses mouvements. Je l'observe faire sa routine. Comme tous les matins, elle prépare mon café et prend une gorgée pour voir si c'est bon. On dirait que ça lui tient à cœur de me faire injecter de la caféine dans le sang.

Ali a souvent ce regard vide quand elle se croit seule et inobservée. Sa manière de frotter ses manches entre elles. Toujours recroquevillée. Elle me semble terne ainsi. Comme le fantôme d'un cierge au grand jour.  

Puis, elle me remarque dans l'entrée de la cuisine et ses yeux s'éclairent d'une lueur sournoise avec la promesse de me faire la misère. Je me demande vraiment pourquoi je la laisse faire. Elle se dirige vers moi presque en sautillant et ne voit pas le pied de la chaise sur lequel elle bute violemment.

Tout va trop vite. Sa hanche qui pivote, son coude qui se lève, son poignet qui se lâche, sa tasse qui dégringole.

Je suis comme un con à essayer de rattraper le liquide fumant avec mes deux mains.

Ali hurle alors que la tasse se renverse sur son haut de pyjama. À la vitesse de l'éclair, je l'arrache en faisant sauter tous les boutons. Pour éviter qu'elle se brûle la peau.

Si j'avais un peu plus réfléchi...Si j'avais continué mon raisonnement...

Ali est bouche bée. Je suis bouche bée. Mes doigts brûlants sont figés.

Je viens juste de lui mettre la poitrine à l'air.

Ses deux globes ronds et blancs me font soudainement rappeler que c'est une fille. Un peu tard comme rappel...

Ali est pétrifiée et arbore un air choqué.

Mes yeux repèrent une griffure rosâtre qui traverse son sein gauche. L'œuvre d'une griffe d'un chat. D'une pulsion incompréhensible et irrépressible, je pose mon pouce dessus.

La gifle que je me prends est percutante.

Putain.

Je ne m'en étais pas pris une depuis des années. Ça me fait tout drôle. J'ai chaud au visage.

Ce n'est qu'à cette seconde que je réalise. Je ne la touche jamais parce que j'ai trop peur qu'elle rejette mon contact. Et elle vient de le faire avec une violence qui me transperce de part en part.

Horrifiée, elle plaque une main sur sa bouche avant de vite reposer la tasse sur la table.

- Oh mon dieu, je suis désolée !!! Je te jure que c'était un réflexe ! Ça va ?

Elle tend ses mains vers mon visage, vers ma joue meurtrie mais je recule vivement.

- Couvre-toi !je crie et elle se fige net.

Toute rouge, elle referme les pans de sa veste et mes pensées redeviennent lucides.

- Pardon, bredouille-t-elle embarrassée, même si c'est un peu de ta faute...Ah merde, c'est encore chaud !

Je la regarde détaler vers la salle de bains et je relâche ma tension dans un souffle profond. J'essaie de ne pas penser à des images obsédantes. J'essaie d'ignorer les sensations d'une nuit qui m'a rendu fou, de la fameuse nuit des préliminaires interrompues. Mon bas-ventre se crispe parce que j'échoue. Mon visage est toujours aussi chaud.

Quand Ali revient vêtue de son uniforme de lycéenne, j'ai la tête dans le frigo. Elle ne fait aucun commentaire.

Nous nous quittons à la même heure pour vaquer à nos occupations respectives.

Toute la journée, je pense à elle sans raison. Je ferme le poing et j'ai encore la sensation de ses mèches qui glissent entre mes doigts comme de l'eau. Elle m'obsède et je me demande si ça en devient obscène.

À Bout de Souffle [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant