Chapitre 4

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- Tu vas traîner chez moi longtemps, la pute ?

- Mon nom est Michelle.

 Mes yeux sont des éclairs tandis que je m'assois sur la seule chaise libre près de la fenêtre qui donne sur la rue montante.

- Je m'en fous.

Toute la journée, elle est restée dans mon pieu avec un bloc de glace sur la joue, celle que j'ai frappé. Et elle a bien piqué ma couverture hier soir. Un gros hématome s'est formé sur sa mâchoire et c'est moche à voir. Adossé à la chaise, ses coudes sur la table, elle remarque ma fixation et enlève la glace, exprès.

- Tu culpabilises ?

- Pourquoi tu ne t'es pas défendu ?je demande à la place. Hier, avec les cons avec qui tu traînais...

La couleur de ses yeux est intéressante à la lumière du soleil. On dirait deux fleurs roses entourées d'un cercle noir. Pour une pute, elle est jolie, bien que trop squelettique à mon goût. Elle bat des cils plusieurs fois, réfléchissant à ma question.

- Si je le fais, les choses empirent toujours, répond-elle avec un air résigné. Et toi, pourquoi es-tu intervenu ?

- Frapper les enculés c'est mon job.

Elle recule la tête en riant mais son amusement disparaît quand elle croise mes yeux mortellement sérieux.

- Oh.

  Une pause puis :

- Bah on fait la paire alors !

  Je la regarde sans comprendre. Son sourire s'élargit.

- Mon travail c'est de me taper des enculés alors...

- C'est qu'elle se croit marrante, la pute, je l'interromps et son sourire s'évanouit vite.

Désormais, elle va réfléchir à deux fois avant de me sortir ses vannes à la con. Son regard s'est durcit mais elle revient à la charge. Pourquoi ne peut-elle pas se la fermer ? Ses coudes sur la table, elle se penche vers moi en me dévisageant.

- De quelle origine tu es ? Tu as un peu de sang asiatique, ou je dirais latino...

Les deux mais je me contente de la fixer sans répondre en me demandant qu'est-ce que ça peut lui foutre de savoir ce genre de choses. Deviner ma nationalité et avoir une putain de médaille après ? Visiblement, je perds mon temps et elle me fait chier à être dans les parages. Je me lève pour mettre mes chaussures.

- Où vas-tu ?

- On sort. J'ai faim.

Posant la glace sur la table, elle me suit dans l'entrée et met ses talons hauts en vitesse.

- Je sais que tu veux te débarrasser de moi, dit-elle comme si elle se croyait maline en le disant à voix haute.

 Dehors l'air est plus agréable qu'à l'intérieur. Avant que j'en prenne conscience, j'ai déjà une cigarette allumée au bec. Je referme la porte et met les clés dans ma poche qui s'entrechoquent avec mon briquet. Devant moi, elle ramène ses longs cheveux sur son épaule, y plongeant ses doigts pour les démêler. Par-dessous ses sourcils froncés à cause du soleil de midi, elle regarde droit devant elle. Sa robe moulante lui donne une taille de guêpe. Tout ce qu'il y de gros chez elle c'est sa masse de cheveux sur sa petite tête.

- On va où alors ?

 Je passe devant elle pour descendre ma rue.

- Est-ce que tu manges au moins avec le sac d'os que tu te trimballes ? Tu te nourris qu'au sperme ou quoi ?

Mes mots font mouche et elle pile au milieu de la rue, je ne l'attends pas.

- T'es qu'un connard ! Je préfère mille fois la compagnie d'un putois que la tienne ! crie-t-elle.

 Ça me fait presque sourire. Presque.

- Tu sais où aller alors, je dis sans élever la voix et sans me retourner.

Dans sa lancée, furieuse comme elle est, elle continue à dresser un portrait flatteur sur moi.

- Jamais vu un homme aussi pourri ! Aussi ennuyant ! Aussi grossier ! Pas étonnant que tu sois seul. Rah ! Je me barre loin de toi, j'en ai assez. J'arrive pas à croire que je t'ai fait des avances. Pendant un instant, j'ai cru que t'étais un mec bien...

Je fronce les sourcils. C'est quoi cette voix geignarde ? Elle va pas se mettre à chialer non plus. Fourrant mes mains dans mes poches, je ralentis et tourne la tête pour la regarder par-dessus mon épaule avec des yeux inexpressifs.

Elle se tient les bras comme une petite chose blessée, comme si elle avait besoin de réconfort. À me regarder avec un espoir brisé, toute colère évanouit de son visage.

- Pourquoi tu n'as pas voulu de moi ? Je suis si laide que ça ?demande-t-elle d'un ton soudain vulnérable. J'ai aucune maladie sexuelle ou quoi que ce soit de dégueulasse...C'est parce que je suis une dépravée ?

Je cille et abaisse ma cigarette.

- Les femmes faibles ne m'excitent pas, je réponds et ses yeux s'agrandissent d'étonnement.

Elle s'attendait à ce que je lui dise des choses horribles ou pire mais pas ça et pourtant c'est la vérité. Hochant la tête, elle a un début de sourire amusé. La soupçonnant de se moquer de moi, je plisse les yeux d'un air agressif.

- Quoi ?

- Toi, fait-elle. Ça va peut-être sonner étrange venant d'une pute mais je te conseille de changer de boulot. Faire du mal aux autres finira par te faire du mal à toi aussi, d'une manière ou d'une autre, c'est le karma, conclut-elle avec un sourire tordu.

- Va sucer ailleurs, salope, je lance en guise d'adieu avant de continuer mon chemin sans plus me préoccuper d'elle.

- Bye, connard ! s'écrie-t-elle derrière moi et je perçois le sourire dans sa voix.

  En réponse, je brandis un doigt d'honneur en l'air.

À Bout de Souffle [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant