POV Ali
Tout est payé pour le mois de mai.Merci qui ?
Merci moi. Pas Michelle. Comme elle l'a dit, elle n'est pas rentrée hier soir.
Ce soir c'est le week-end. Je vais encore glander, j'imagine. Ça me soûle. Mais c'est bien mieux de rester à la maison.
Prenant mon sac à dos, je pars en cours bien à l'heure.
Assise à mon bureau, la tête posée sur mes bras croisés, je regarde dans le vide.
Je déteste ma vie.
C'est d'un profond ennui.
Je peux passer une journée entière sans parler à qui que ce soit. Je peux disparaître et ne manquer à personne. Être invisible est un super pouvoir. Personne pour vous chasser. Personne pour vous attraper. Personne pour vous enfermer.
La fille qui a le bureau voisin du mien, est assise dos à sa chaise, une cheville sur son genou, un portable sur lequel pianoter à toute vitesse toutes les dix secondes. Ses yeux maquillés sont vifs, si vivants tandis qu'elle regarde l'écran comme s'il y avait tant de choses qui occupent son esprit. Elle semble débordée. Dès qu'il vibre, elle se mord la lèvre ou elle a un sourire en coin et réplique aussitôt. De l'index, elle joue avec son porte-clés accroché à son portable. Une fleur de cerisier rose scintillant.
Ça me fait réfléchir.
Ça me fait envie.
Est-ce qu'un si petit objet peut changer ma vie ? La rendre plus excitante ? Michelle n'en a pas et on en a jamais parlé.
Voilà comment je me retrouve au milieu d'un trottoir à tripoter un portable tout neuf, à la sortie d'un opérateur. Il est noir, brillant, lisse et précieux. Je me répète mon numéro en boucle. J'ai un numéro ! Je me sens comme une lycéenne normale ! J'ai même des écouteurs inclus avec l'achat.
Faisant attention à ne pas me faire bousculer, je me fonds dans la foule dense, les yeux rivés sur l'écran lumineux de mon portable. C'est mieux que de regarder le sol pour ne pas croiser le regard des gens, n'est-ce pas ? Tout ce que je peux faire c'est prendre des photos. Du ciel. D'une fleur. D'un chat.
Mais ma joie est vite balayée quand je vois que j'ai zéro contact. J'ajoute le numéro fixe de la maison et me sens encore plus déprimée.
Je me traîne alors jusqu'à un parc et m'assois au rebord d'une fontaine en marbre. L'eau est claire et scintille sous les rayons du soleil. J'observe les alentours parce que je n'ai rien de mieux à faire. Un homme assis seul sur un banc, en costard cravate, un sac de courses à côté de lui, fume sa cigarette. Il attire mon attention. Le nuage de fumée dissimule son visage avant de s'évaporer dans l'air. Il tire sur sa cigarette avec un air souverain. Il me fait penser à un fantôme dont personne ne remarque la présence. Il respire à fond.
Une demi-heure plus tard, je ressors d'un bar avec un paquet de cigarette et un briquet. À cause de mon uniforme, on m'a demandé ma carte d'identité pour confirmer que je suis majeure. Sur le paquet est inscrit en caractères gras « Fumer Tue ».
Bien.
Où est-ce que je pourrais faire ça ? Je retourne dans le parc et m'assoit à la place de l'homme qui est parti, sur le banc vide. Jouant à allumer la flamme du briquet, je remarque les regards indiscrets et désapprobateurs. Me sentant téméraire, je déchire l'emballage transparent et le jette à la poubelle et ouvre le paquet pour sortir une longue cigarette.
Je retourne le paquet entre mes doigts. Évidemment qu'il n'y a pas de notice pour apprendre à fumer ! Seulement ses gros avertissements et les composants. Comme si ça pouvait m'aider.
VOUS LISEZ
À Bout de Souffle [Terminé]
Romansa«Je suis une boule de papier et tu es un origami mais nous brûlons de la même façon.» C'est l'histoire d'une brute et d'une lycéenne qui ont en commun plus qu'ils ne le pensent. ⚠️ TW : violence, sexe, TCA