Le ciel arborait cette lumière pure qui émane de l'aube à son apogée, et qui est la marque du jour nouveau-né. La nature encore silencieuse tardait à se réveiller. C'était l'heure où le temps semble encore suspendu dans un parfum d'éternité.
Mais Cymaïa ne dormait plus depuis longtemps déjà. Debout, seule dans sa cuisine, elle ne regardait pas par la fenêtre la nuit mourir. Elle remuait distraitement la pâte à hohqay dans son grand plat en terre cuite. Elle songeait à la discussion qu'elle avait eue avec son fils et sa nièce durant une grande partie de la nuit. Elle poussa soudain un profond soupir et, du dos de sa main, repoussa une mèche qui lui tombait sur le visage.
***
La veille, quand les deux adolescents étaient enfin rentrés à la maison, elle avait su que quelque chose de définitif allait se produire. Elle les avait regardés longuement... Caân affichait une mine soucieuse et Ayma paraissait presque être devenue une tout autre personne. L'expression mutine, qui ornait son beau visage d'ordinaire, avait disparu. Elle semblait plus grave, plus... adulte.
Elle avait écouté son fils raconter le Wjajy d'Ayma. Et, la jeune fille avait gardé les yeux baissés tout au long de ce récit. Cymaïa avait dû s'asseoir...Incrédule, les jambes et le souffle coupés, elle avait fixé sa nièce dont les yeux se remplissaient de larmes. Puis, la jeune fille s'était excusée de ne pas avoir de talent... Alors Cymaïa avait réalisé que sa nièce ne la regardait pas car elle avait honte. Cela lui avait fait l'effet d'un coup de fouet : elle s'était relevée aussitôt et l'avait enlacée. Elle l'avait toujours considérée comme sa propre fille et c'était son rôle de la consoler.
Elle avait prononcé des paroles douces et rassurantes comme des caresses, et elle s'apprêtait déjà à leur servir des mets qu'elle avait laissés mijoter des heures durant... mais Caân parla. Il lui expliqua d'un ton calme qu'ils avaient l'intention de partir en voyage afin de trouver des réponses, de comprendre pourquoi Ayma n'avait pas eu la révélation de son don.
Cymaïa avait blêmi. Il lui avait semblé que son sang se retirait lentement de ses veines et qu'un poison amer et brûlant prenait sa place. Non ! Ils ne pouvaient pas partir... ils étaient à peine sortis de l'enfance ! N'était-ce pas hier, encore, que Câan, du haut de ses cinq ans, lui amenait un oiseau blessé qu'il tenait avec délicatesse dans le creux de ses mains ? N'était-ce pas hier qu'Ayma apprenait à nager avec Ojas dans d'interminables éclats de rire ? Elle était incapable de les laisser partir à l'aventure sur les routes sauvages de ce monde à la réalité si dure et parfois si cruelle...
Elle avait relevé la tête, prête à les raisonner... Mais quelque chose l'avait coupée dans son élan. Quelle étrange aura se dégageait des deux adolescents ? Leurs visages exprimaient un mélange de détermination, de force et de sérénité. Elle s'était entendue dire, à son grand étonnement, qu'elle bénissait leur quête et qu'elle allait les aider dans leurs préparatifs. L'atmosphère s'était détendue de manière perceptible : les deux jeunes gens avaient paru réellement soulagés. Un sourire lumineux s'étirait, identique, sur leurs joues.
***
Cymaïa se rendit compte qu'elle n'avait plus besoin de remuer la pâte qui était devenue lisse. Elle la versa dans un plat plus adéquat et enfourna celui-ci. Puis, elle se servit un verre de lait et s'assit face à la fenêtre. Les oiseaux s'étaient enfin décidés à saluer la journée nouvelle et des bruits, encore timides, montaient de la rue. Ses pensées se perdirent de nouveau dans la toile de ses souvenirs.
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Com Plëa - La légende de P. *En Pause*
FantasyLe royaume de Com Plëa est une terre aimée des dieux... Mais si les divinités ont longtemps parcouru ses côtes rieuses et ses forêts mystérieuses, elles se sont finalement retirées de ce monde (enfin... c'est ce que pensent les hommes). Tous les ha...