Chapitre 15

138 31 26
                                    


Dure et sèche était la roche sous les pieds de Caân. Le jeune homme, fatigué, fixait le dos de ses deux amis qui gravissaient le sentier avec une étonnante facilité. L'écart entre Caân et ses deux compagnons se creusait de manière sensible plus la journée vieillissait. Le jeune homme se surprit à penser que sa nouvelle alimentation sans viande pouvait montrer quelques inconvénients... Il avait remarqué qu'il se fatiguait plus rapidement qu'auparavant. A cette pensée, il se renfrogna. Peu importait les conséquences, il ne se nourrirait plus jamais d'un animal. Il fallait peut-être laisser à son corps le temps de s'adapter à ce nouveau régime. Il vit une large pierre plate sur le bord du chemin et décida de se reposer un peu avant de continuer l'ascension.


Ayma se retourna lorsqu'elle n'entendit plus l'écho des pas de son cousin. Elle s'inquiétait de le voir s'affaiblir depuis quelques jours, plus précisément, depuis qu'ils avaient entrepris l'ascension du massif. Il éprouvait de grandes difficultés à suivre le rythme de marche imposé par Maël. Ce dernier avait accéléré la cadence quand la forêt avait laissé place, peu à peu, à un paysage montagneux. La jeune fille se demandait si cela était dû à l'impatience d'arriver au monastère ou s'il souhaitait semer d'éventuels poursuivants.


Après la dernière bataille, à leur arrivée au campement provisoire, Maël avait tout raconté à Caân de sa voix rauque. Tout... Même l'enterrement de tous ces corps mutilés. Ils n'en avaient plus reparlé mais la menace d'une nouvelle attaque planait dans leur esprit. Elle leur chuchotait des horreurs grinçantes dans leur sommeil, tricotait des images ensanglantées et suintantes dans leurs cauchemars. Ils n'en parlaient plus mais ils ne pouvaient s'empêcher d'y penser. Le monastère de Xashyzan leur apparaissait comme un véritable sanctuaire dans lequel ils seraient à l'abri de la violence.


La jeune fille interpella Maël qui continuait son chemin, puis elle revint sur ses pas. Elle se tint debout face à son cousin, constatant que son visage paraissait, si cela était possible, encore plus pâle que la veille. Elle lui tendit la gourde qu'elle avait remplie d'eau fraîche et se retint de lui proposer un peu de viande. La dernière fois qu'elle lui avait offert de partager le gibier qu'elle venait de chasser, il lui avait lancé un regard plein de dégoût. Le jeune homme prit la gourde d'une main qui tremblait et but de longues gorgées. Puis, il la lui rendit en la remerciant. Ayma sentit son cœur se serrer car le sourire qu'il lui adressa alors n'était que le terne reflet de celui qu'elle connaissait si bien.


Maël, qui venait de les rejoindre, ouvrit la bouche afin de les exhorter à reprendre la route. Cependant, le regard noir de colère que lui lança Ayma l'empêcha de prononcer ces mots à voix haute. Il se contenta donc de souffler et de regarder ses pieds d'un air buté. Caân perçut l'agacement de son ami. Comme il ne voulait pas être un fardeau pour ses compagnons, il se releva mais l'épuisement le fit chanceler. Maël et Ayma se précipitèrent d'un même élan pour le soutenir.


« Bien, dit Maël, je voulais que l'on arrive ce soir à Xashyzan, mais il semble préférable que l'on s'installe ici pour passer la nuit. Nous finirons le reste du trajet demain. »


Ayma approuva avec vigueur cette proposition. Ils posèrent donc leurs sacs de voyage et se répartirent les tâches. Malgré les protestations de Caân, Ayma et Maël décidèrent d'un commun accord qu'il devait se reposer et les laisser s'occuper du reste. Le jeune homme,embarrassé, dut admettre qu'il avait vraiment besoin de reprendre des forces. Cependant,il se rattrapa durant la soirée car il leur conta des légendes qui décrivaient les amours cachées de Carstia et les aventures de Pescari, et il leur chanta de vieilles ballades.


Ayma écoutait, silencieuse, la belle voix de son cousin et elle eut l'impression qu'elle était revenue chez elle. Elle ferma les yeux et s'imagina au bord de l'âtre dans leur maison à Monas. Elle pouvait presque sentir l'odeur provenant des plats que Cymaïa leur mitonnait en cuisine. Elle croyait entendre chanter son oncle Ojas car Caân possédait la même voix de velours que celui-ci. Elle s'endormit sans s'en apercevoir et la brume de ces souvenirs joyeux la suivit dans son sommeil.


Ainsi se passa leur dernière soirée à la belle étoile.

Com Plëa - La légende de P. *En Pause*Où les histoires vivent. Découvrez maintenant