Distrait, Maël retournait la terre sèche du belvédère aux kargodasys. Un disciple de Gart, qui venait d'arriver à la citadelle, avait décidé d'orner cette terrasse d'un parterre de fleurs et Rajyk avait demandé à Maël de venir l'aider à bêcher.
Le jeune homme enfonça de nouveau sa bêche dans la terre brune... Il avait traversé cette journée comme un somnambule. Son corps travaillait mais son esprit n'habitait pas ses gestes... Ses pensées étaient bien loin de ce belvédère. Elles bouillonnaient à l'intérieur de sa tête, revenant sans cesse sur ce cauchemar qui l'obsédait. Partout où il posait les yeux, il voyait le visage d'Ayma... son expression désespérée lui tordait les entrailles. Et le fait qu'il se trouvait précisément dans le jardin où ils s'étaient dit au revoir ne faisait qu'amplifier son malaise.
Toute la journée, il avait cherché les mots justes... Comment expliquer à son guide son cauchemar et le mystère de l'arc réapparu ? Il avait besoin que Rajyk le conseille mais il ne savait pas comment aborder ce sujet avec lui. Maël soupira... Comment Rajyk allait-il réagir ? Après tout, ce n'était qu'un rêve... Peut-être le traiterait-il d'enfant de croire en de telles chimères ?
Alors Maël repensait à son arc et cela lui arrachait inévitablement un frisson. Si tout cela n'était qu'un rêve pourquoi et comment cet arc, qu'il avait donné à Ayma, était-il revenu à lui ? Le jeune homme était troublé... Il lui semblait que l'arc était la preuve que son rêve n'était pas un songe ordinaire.
Que faire ? Il savait au fond de lui que son apprentissage au monastère n'était pas terminé. La colère était juste assoupie... Elle n'attendait que le moment propice pour se réveiller et donner toute la mesure de sa rage. Maël serra les dents... Non, il devait rester à Xashyzan. Sa colère n'avait pas disparu. Il sentait en lui l'amertume que lui causait ce don. Un sentiment d'injustice se mêlait au dégoût de lui-même... Un monstre, voilà ce qu'il était, un monstre. Un des guerriers qui les avaient attaqués dans la forêt ne l'avait-il pas pris pour un ijos ? Maël se sentait monstrueux et cela lui faisait peur. Cette joie bestiale qu'il ressentait lorsqu'il tuait des hommes... Une part de lui avait envie de l'éprouver de nouveau.
Il s'appuya sur sa bêche, essayant de chasser ces pensées désagréables. Rajyk était parti depuis plusieurs heures déjà : il devait accomplir certaines tâches qui incombaient aux moines. Le vieux guerrier avait renié Werran pour se dévouer entièrement à Sutheia. Maël essuya ses mains pleines de terre sur sa tunique tout en jaugeant le travail qu'il avait accompli. Le disciple de Gart n'aurait plus qu'à semer les graines. Satisfait, le jeune homme tourna les talons et quitta la terrasse qui s'embrasait dans le crépuscule.
Ses pas le conduisirent à la taverne du « Guerrier Repenti ». Il savait que son guide avait l'habitude de venir vider quelques chopes dans cet endroit tenu par un disciple de Werran. Le vieux guerrier était un conteur de talent qui fascinait son auditoire. Après quelques verres, il aimait à raconter certaines de ses aventures les plus héroïques... ou les plus comiques. Plus d'une fois, Maël aurait juré entendre le bruit des lames qui s'entrechoquaient tant Rajyk savait rendre ses récits vivants.
Le jeune homme poussa la porte et jeta un regard circulaire : des hommes riaient tout en trinquant, d'autres jouaient aux cartes et misaient de l'argent... La serveuse, une grande femme robuste aux nattes blondes, laissait un vieil habitué la complimenter, mais elle prenait garde, toutefois, à ce que ses mains ne s'égarent pas trop sur son corsage. Nulle trace de Rajyk... Maël s'avança jusqu'au comptoir, bien décidé à attendre son mentor. Il commanda une chope d'anq qu'il commença à siroter en jetant fréquemment des coups d'œil vers l'entrée de la taverne, guettant et espérant l'arrivée de son guide.
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Com Plëa - La légende de P. *En Pause*
FantasíaLe royaume de Com Plëa est une terre aimée des dieux... Mais si les divinités ont longtemps parcouru ses côtes rieuses et ses forêts mystérieuses, elles se sont finalement retirées de ce monde (enfin... c'est ce que pensent les hommes). Tous les ha...