Chapitre 16

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Le lendemain, après quelques heures de marche, ils atteignirent un vaste plateau au bout duquel se dressait une citadelle. Une herbe d'un vert profond avait remplacé la roche ocre qu'ils piétinaient depuis plusieurs jours. Ils s'arrêtèrent un moment pour contempler, émerveillés, cette étendue verte qui ondulait sous une légère brise et formait des vagues luisant sous les rayons de Teratsu. Quand leurs yeux se furent habitués à la luminosité particulière qui régnait sur ce plateau, ils remarquèrent que la prairie était tachetée de fleurs rouges. On aurait pu croire qu'un géant blessé, passant par là, avait semé derrière lui quelques gouttes de son sang. Mais la véritable histoire de ces fleurs était encore plus merveilleuse...


Ayma se pencha et tendit la main pour caresser les pétales légèrement fripés de l'une d'entre elles. Elle semblait si fragile, prête à tomber en poussière sous ses doigts... Néanmoins, une force mystérieuse se dégageait de sa couleur vermeille, comme si elle ne se contentait pas de refléter la lumière de l'astre diurne, mais brillait de l'intérieur. La jeune fille referma sa main sur la tige gracile et elle allait la cueillir lorsque son cousin lui cria d'arrêter. Surprise, elle lâcha la fleur et recula de quelques pas.


« Vous ne devez en aucun cas cueillir l'une de ces fleurs, reprit Caân. »


Il paraissait presque apeuré. Ayma et Maël se regardèrent, interloqués, et ils prièrent leur compagnon de leur donner de plus amples explications. Caân déglutit avec peine et jeta des coups d'oeil méfiants autour de lui, comme s'il craignait d'être épié.


« Voilà, murmura-t-il, cet endroit est maudit. La légende raconte que la dernière bataille des dieux, lors de la grande guerre d'Ijë Lujwe, fut livrée ici... Le sang divin qui coulait des blessures qu'ils s'infligeaient mutuellement aurait imprégné la terre. Cela aurait alors donné naissance à ces plantes. On les appelle des hoveqihoïs. Nées de la souffrance des dieux, elles répandent la douleur sur celui qui les arrache à la terre. Ne connaissez-vous donc pas le proverbe : Qui cueille une hoveqihoï, sera maudit pour le reste de sa vie. »


Un silence pesant accueillit les paroles de l'adolescent. Ayma avait blêmi. Les habitants de Com'Plëa ne prennent pas les malédictions à la légère : les dieux font partie de leur quotidien, et cela depuis leur naissance. La jeune fille comprit qu'elle était passée très près, trop près, d'un destin funeste. Soudain, un éclat de rire sonore s'éleva de la gorge de Maël et repoussa la terreur superstitieuse loin du cœur de la jeune fille.


Il se pencha et cueillit l'hoveqihoï qui se trouvait juste à côté de son pied gauche. Tandis que Caân restait muet, tant de surprise que de terreur, le jeune homme alla se planter devant Ayma et lui tendit la fleur en murmurant qu'elle serait très jolie dans ses cheveux. La jeune fille la prit d'une main hésitante et, presque par réflexe, la sentit avant de la glisser dans sa longue chevelure brune. L'hoveqihoï n'avait pas de parfum. Sa beauté était tellement parfaite qu'elle semblait lui suffire... Elle n'avait pas besoin de séduire par une odeur enivrante.


Les deux adolescents se faisaient face, silencieux. La peur fugace éprouvée par Ayma quelques instants auparavant avait bien disparu. Mais de trop nombreuses émotions envahissaient l'esprit de la jeune fille, qui ne parvenait pas à aligner deux pensées cohérentes... La gêne l'emportait toutefois sur le reste. Elle ne savait pas comment réagir. Maël, lui, ne bougeait pas, se contentant de la fixer, un étrange sourire au coin des lèvres... Heureusement, Caân retrouva l'usage de la parole et Maël devint la cible de son indignation :

Com Plëa - La légende de P. *En Pause*Où les histoires vivent. Découvrez maintenant