Com Plëa - La légende de P. *En Pause*

Chapitre 50

Ayma se glissa à l'intérieur et commença sa progression à tâtons. En plus d'être étroite, cette galerie n'était pas éclairée et elle devait se fier au chant qui la guidait toujours, ainsi qu'à ses mains qui suivaient les contours du tunnel. Plus elle avançait, plus elle avait la sensation que la galerie s'enfonçait toujours plus loin dans les entrailles de la terre. Cette sensation l'oppressait d'autant plus qu'elle percevait de temps en temps des effluves nauséabonds. Au fur et à mesure de sa descente, cette odeur fétide devenait plus forte, au point de la rendre légèrement nauséeuse.

Finalement, elle aperçut une faible lueur scintillant au bout du tunnel. Elle se laissa guider par cette lumière en cheminant le plus discrètement possible... L'odeur était presque insupportable et ne laissait rien présager de bon pour la suite. Une ouverture dans la roche donnait accès à une large grotte. Ayma s'arrêta pour observer les lieux avant de s'y engager... Les torches fumantes accrochées aux parois laissaient d'importantes zones d'ombres et la jeune fille scrutait avec inquiétude les recoins les plus sombres, essayant de deviner les créatures tapies dans l'obscurité.

Soudain le chant s'arrêta.

Ayma retint sa respiration et sentit son sang se glacer dans ses veines quand des sifflements et des grondements ponctuèrent le silence. Son regard fut attiré par une immense statue qui représentait une déesse : au pied de celle-ci se tenait un monstre reptilien. Les reflets des flammes dansaient sur ses écailles noires et sur les griffes démesurément longues de ses pattes puissantes.

- Un iwalo, pensa Ayma.

Le monstre avait senti la présence de la jeune fille et il dardait sa tête vipérine vers l'entrée de la grotte. Ayma, terrorisée, fixait ces yeux jaunes qui semblaient voir dans la pénombre. Elle n'osait plus faire le moindre mouvement de peur de déclencher une attaque de la créature. La sueur perlait sur son front... Elle regarda son arc qui ne lui était d'aucune utilité étant donné que son carquois était vide.

Alors qu'elle allait céder à la panique, elle reconnut la déesse que l'iwalo gardait. Ses longs cheveux tombaient jusqu'à ses chevilles et des t'chamas étaient sculptés sur ses épaules rondes. Cela ne pouvait être que Carstia, la déesse protectrice des animaux. Ayma pensa alors à son cousin Caân, qui était un des disciples de cette divinité, et elle se demanda ce qu'il aurait fait dans sa situation.

- Si Caân était là, se dit-elle, il n'essayerait pas de tuer cette bête... bien au contraire ! Il utiliserait son don pour la charmer.

Ayma se souvint alors de la façon dont Caân avait apprivoisé les deux petits t'chamas. Elle commença à fredonner une vieille ballade que sa tante Cymaïa lui chantait quand elle était enfant le soir au coucher. La jeune fille insistait volontairement sur les notes les plus graves. Elle se glissa lentement à l'intérieur de la caverne... Dès qu'il la vit, l'iwalo se dressa sur ses pattes et déploya ses immenses ailes. Ayma dut réunir tout son courage pour ne pas prendre la fuite. Elle resta immobile quelques instants, et tout en poursuivant sa mélopée, elle chercha à croiser le regard de l'animal.

L'iwalo avait cessé de s'agiter. Il avait l'air fasciné par le chant de la jeune fille... Celle-ci en profita pour s'approcher avec prudence de la créature. Constatant que l'animal avait perdu toute son agressivité, elle poussa la hardiesse jusqu'à caresser sa tête. L'iwalo se coucha alors à ses pieds et Ayma put voir que la bête était harnachée. Une selle en cuir rouge était attachée sur son large dos.

- Les iwalos servent de montures aux dieux, pensa-t-elle. Et si...

Ayma chantonnait toujours... Elle se plaça à côté du flanc gauche de la créature et sans réfléchir davantage, elle l'enfourcha. La bête se redressa aussitôt et déploya de nouveau ses ailes. Elle se ramassa sur elle-même et prit son envol. La jeune fille s'accrochait tant bien que mal au dos de l'iwalo... Elle commençait à regretter sa témérité. Elle jeta un coup d'œil vers le sol et comprit qu'elle ne pourrait pas survivre à une telle chute. Elle resserra alors son étreinte... Mais les écailles de l'animal glissaient sous ses mains. La bête volait de plus en plus haut à la grande surprise d'Ayma qui n'avait pas réalisé à quel point cette caverne était immense.

Soudain, la créature s'engouffra dans un passage creusé dans la paroi. Ayma faillit être désarçonnée par ce changement brutal de direction, mais heureusement elle tint bon. Quelques battements d'ailes plus tard, elle arrivait dans une nouvelle salle. L'iwalo se posa enfin, ce qui permit à une Ayma encore toute tremblante de regagner la terre ferme.