Chapitre 51

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L'iwalo s'envola aussitôt, laissant Ayma seule... ou du moins c'est ce qu'elle croyait à ce moment-là. Le chant avait repris, plus puissant et envoûtant que jamais et, quand elle se retourna, elle constata que la chanteuse était là, assise par terre, au fond de la pièce. La surprise la laissa bouche bée un moment : elle ne s'attendait pas à trouver quelqu'un dans ce labyrinthe.


 La jeune fille regarda les murs autour d'elle. Ils étaient d'une blancheur aveuglante... Vide, cette salle était vide, sans statue, sans arme, sans créature terrifiante... Il n'y avait que cette petite fille assise sur le sol blanc et qui chantait les yeux fermés.


Ayma s'approcha d'elle doucement... Elle ne voulait pas l'effrayer. Ne sachant trop comment se comporter, elle s'assit en face d'elle. La fillette cessa alors de chanter et ouvrit les yeux. Ayma fut surprise de nouveau.

Ses yeux semblaient faits d'or liquide !

Elle n'avait jamais vu un tel regard auparavant ! Un sourire mystérieux étirait les lèvres de la fillette qui jaugeait Ayma de son regard lumineux. La jeune fille comprit alors pourquoi il n'y avait pas de statue de dieu dans cette pièce... Cette fillette était une déesse ! Elle en avait la certitude.


Une crainte respectueuse s'empara d'elle, elle n'osait presque plus respirer... Le sourire sur les lèvres de la déesse s'accentua et elle demanda à Ayma d'une voix enfantine :


- Que sais-tu faire ?


Encore cette question ! Ayma frissonna sous l'émotion... Elle pensa à son maître, le Xalej, qui le premier lui avait posé cette question qui revenait inlassablement vers elle. Elle fronça alors les sourcils... Le Xalej ? Se pouvait-il que cette déesse soit Sutheia en personne ? Avait-elle en face d'elle la déesse tutélaire du monastère de Xashyzan et la protectrice personnelle de son maître ?


- Êtes-vous Sutheia ? lui demanda-t-elle.


La fillette ne laissa paraître aucun sentiment. Elle se contentait de la regarder de son air énigmatique. Elle répéta :


- Que sais-tu faire ?


La jeune fille ferma alors les yeux et laissa le tourbillon de ses pensées l'envahir. Les images se succédaient dans sa tête sans lien logique apparent... Le Xalej, son cousin, Maël, Siley et Solay, Riwif... Elle se vit dans la forêt en train d'apprendre à tirer à l'arc. Puis, elle entrevit une scène qui la représentait avec son oncle Ojas lui apprenant à nager alors qu'elle n'était encore qu'une enfant ... Des dizaines de scènes défilèrent ainsi, les unes après les autres... Elle revit enfin Riwif jouer de la musique et elle se souvint de ce qu'elle avait pensé alors : chacun est libre de choisir sa voie, de choisir le don qu'il veut développer. Cette dernière pensée l'apaisa... Elle ouvrit les yeux et sourit à la déesse :


- Je sais nager. Je sais tirer à l'arc. Je sais apprivoiser des animaux, et même des monstres. Je sais cuisiner. Je sais lire. Je sais me battre... Je ne peux pas vous dire tout ce que je sais faire. Je sais que je peux choisir le don que je désire.


Elle prononça cette dernière phrase tout en sachant qu'elle prenait un énorme risque. Elle en était arrivée à cette conclusion en revoyant tout ce qu'elle avait vécu, observé et appris... Mais peut-être que la déesse allait se sentir offensée et la punir avec sévérité. Après tout, les dieux décidaient des dons attribués à chaque être humain, c'était leur prérogative. En disant cela, Ayma avait manqué de respect à une puissante déesse et elle risquait d'en payer le prix fort.


La fillette la fixa avec intensité tout en conservant son sourire. Puis elle se leva et toucha le mur situé derrière elle. Une immense carte se dessina sous les yeux émerveillés d'Ayma. Quand elle fut terminée, la jeune fille reconnut le royaume de Com'Plëa. La déesse pointa alors du doigt une petite île qui se trouvait à l'ouest du royaume, au large d'Ijaïh.


- Voici l'île de Gonya. C'est là que tout a commencé... Tu dois te rendre sur cette île. C'est là que les réponses que tu cherches te seront données.


- Attendez ! Pourquoi ne pouvez-vous pas me répondre ? Vous devez bien savoir quelque chose... Pourquoi mon Wjajy s'est-il déroulé ainsi ? Pourquoi ne suis-je la disciple d'aucun dieu ?


- Tu obtiendras ces réponses sur l'île de Gonya.


- Mais... Suis-je réellement une descendante de P. ? Et que signifie cette lettre « P » ?


La déesse se mit à rire... Cette réaction étrangement humaine rassura Ayma.


- Après toutes les épreuves que tu as surmontées cette nuit, tu doutes encore de toi ? Crois-tu que tu serais parvenue jusqu'à moi si tu n'étais pas sa descendante ?


La jeune fille, se sentant stupide, ne savait pas quoi dire. Elle préféra changer de sujet, abordant une chose qui lui tenait à cœur.


- Comment se porte mon maître, le Xalej ? La dernière fois que je l'ai vu, il était très malade... J'imagine que vous devez le savoir... Comment va-t-il ?


Ayma souhaitait entendre la réponse de la déesse mais elle la redoutait également. Sa voix avait légèrement tremblé quand elle avait pris la parole. Cependant elle ne pouvait rester dans l'ignorance du sort de son ami. La déesse parut hésiter...


- J'ai guidé son âme jusqu'à mon royaume, dit-elle enfin d'une voix douce.


Même si elle s'y attendait, Ayma ressentit la violence de cette nouvelle résonner dans sa poitrine. Une profonde tristesse l'envahit et elle se détourna pour cacher les larmes qui lui montaient aux yeux. Elle fit semblant de se concentrer sur la carte, suivant le contour de Gonya de son doigt. Quand elle se retourna enfin, la fillette n'était plus là...


Seul le parfum des woxes planait encore dans l'air.


Ayma contempla alors une dernière fois la carte.


- Gonya, murmura-t-elle.

Com Plëa - La légende de P. *En Pause*Où les histoires vivent. Découvrez maintenant