Chapitre 7

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Ce furent les feulements des t'chamas qui réveillèrent Ayma. Il faisait encore nuit et l'agressivité contenue dans les cris des félins fit naître une angoisse douloureuse chez la jeune femme. Elle se redressa et secoua son cousin qui dormait encore. Tout se passa très rapidement. Le nuage qui voilait Tsuki se dissipa et Ayma aperçut une dizaine d'ombres qui s'avançaient vers eux, les encerclant insidieusement. L'astre nocturne semblait se refléter sur leurs mains... Ayma réalisa, soudain que ce n'était pas leurs mains qui étincelaient mais les armes que ces hommes brandissaient.


Un cri d'horreur s'échappa de sa gorge et déclencha l'assaut. Ils se mirent à courir, n'ayant plus besoin d'être silencieux. Leurs longues capes sombres, qui leur donnaient l'aspect de monstres, virevoltaient autour d'eux. Leurs voix gutturales ressemblaient à des grognements bestiaux. L'un d'entre eux, plus avancé que les autres, se rapprochait dangereusement d'Ayma. Elle recula alors, trébucha contre la racine d'un arbre et tomba lourdement sur le sol.


Dans sa chute, ses mains agrippèrent le tronc le plus proche et se meurtrirent sur son écorce craquelée. Elle sentit quelque chose de tiède lui couler entre les doigts mais elle n'eut pas le temps de penser qu'il s'agissait de son propre sang... Son agresseur appuyait déjà son genou contre son ventre et menaçait sa gorge avec son poignard. La peur la tétanisait, elle n'avait même pas la force de fermer les yeux pour ne pas voir venir sa mort.


Soudain, son assaillant fut projeté avec brutalité sur sa gauche. Elle leva la tête et vit son cousin au-dessus d'elle : au bout de son bras pendait une branche d'arbre. Elle regarda l'homme qui l'avait agressée et constata que son cou avait été brisé sur le coup... Sur son visage ruisselait du sang et une odeur âcre se répandait dans l'air. Elle entendit un bruit derrière elle : Caân s'appuyait de sa main libre contre l'arbre pendant qu'il vomissait. Il examina sa main droite avec dégoût et lança le bâton le plus loin possible.


Elle voulut lui crier que ce n'était probablement pas une bonne idée de jeter sa seule arme, étant donné les nombreux ennemis qui les entouraient, mais sa voix mourut au fond de sa gorge. Elle se releva avec difficulté et ce qu'elle découvrit fut plutôt inattendu... La plupart de leurs assaillants étaient étendus sur le sol... sans vie. Une ombre, à la rapidité surprenante, distribuait des coups mortels à ceux qui restaient encore debout. Ayma se rendit compte que cette ombre était en réalité...

Maël !

Il tranchait des membres, poignardait et égorgeait ces hommes comme s'ils étaient du simple bétail... Soudain un rayon de Tsuki tomba sur son visage et Ayma vit qu'il souriait. Ce sourire, plus que toute autre chose, la fit frissonner et elle sentit ce froid s'insinuer jusque dans ses veines.


Quand il eut massacré tous leurs adversaires, il resta debout, tremblant de rage au milieu des cadavres. Ses cheveux noirs, poisseux de la bataille, masquaient son visage. Ayma retenait son souffle. Elle n'osait pas lui parler car il lui semblait que Nebris, le Dieu de la Mort en personne, se tenait face à elle. Elle déglutit avec peine et s'adressa à lui d'une voix hésitante :


« Maël... tu vas bien ? »


Il redressa aussitôt la tête et la foudroya de son regard qui était devenu plus noir encore que la nuit la plus obscure. Quand il lui parla enfin, toute l'étendue de sa colère grondait dans ses paroles :


« Dépêche-toi ! Il faut partir au plus vite ! Si jamais ils ont prévu des renforts, nous devons nous en aller avant que ceux-ci n'arrivent ! "

La jeune fille acquiesça avant de se tourner vers son cousin. Ce qu'elle vit alors l'effraya encore plus que la colère de Maël :


" Nous ne pouvons pas partir ! Regarde ! Caân n'est pas dans son état normal ! Comment allons-nous faire ? »


Le jeune homme était assis par terre, en état de choc. Son regard vide ne paraissait pas tourné vers l'extérieur mais plutôt perdu dans les brumes de son esprit. Maël grommela quelque chose d'inintelligible en s'approchant de son ami. Il le hissa sur son dos, comme s'il n'était pas plus lourd qu'un des t'chamas, et il s'engagea dans les profondeurs de la forêt, s'éloignant volontairement de la route. Ayma s'empressa de le suivre alors qu'il traçait avec rage son propre chemin à travers la jungle des fougères.


Non loin de là, caché par la végétation dense, l'homme à la capuche observait la fuite des trois compagnons. Il avait assisté au massacre perpétré par le jeune homme en priant tous les dieux qu'il connaissait... Il avait ressenti une peur indicible. Son teint livide en gardait d'ailleurs l'empreinte. Quand ils se furent assez éloignés pour ne plus l'entendre, il tourna les talons et revint à l'endroit où ils avaient laissé les chevaux. Il mit le pied à l'étrier et s'éloigna de cet endroit funèbre au grand galop. Le vent nocturne dissipa quelque peu son angoisse et lui rafraîchit les idées. Il ne pouvait pas abandonner la mission confiée par Sibren, il en allait de sa vie ! Néanmoins, il comptait élaborer un meilleur plan pour sa prochaine rencontre avec ce terrifiant jeune homme... Il frémit presque malgré lui, et poursuivit sa chevauchée dans les ténèbres.





Com Plëa - La légende de P. *En Pause*Où les histoires vivent. Découvrez maintenant