Maël sortit de la taverne sans laisser le temps à Tomil d'ajouter quoi que ce soit. Après s'être éloigné de quelques pas, il respira plus librement... Le récit de cet homme l'avait ébranlé. Son discours final et ses envies de révolte l'avaient quelque peu effrayé. Il avait lu de la résolution dans son regard. Quelles cruautés ses compagnons et lui étaient-ils capables de commettre au nom de leur idéal ?
Tout en marchant, il enfonça les mains dans ses poches. Il s'était rendu compte que sa véritable peur n'avait rien à voir avec le fanatisme de ces hommes... Sa véritable peur était la voix du monstre en lui qui avait soif de sang. Il avait imaginé cette lutte violente évoquée par Tomil et un désir immense était monté en lui, s'insinuant dans sa peau, lui remuant les entrailles...
Tout à ses pensées, Maël ne remarqua pas tout de suite l'attroupement inhabituel au coin de la rue dans laquelle il logeait. Quand il s'inquiéta de la présence de cette dizaine d'hommes qui le regardait s'approcher, il était déjà trop tard. Il sentit une douleur aigüe lui transpercer les côtes... Quelqu'un l'avait poignardé dans le dos, quelqu'un qu'il n'avait pas entendu arriver derrière lui car son esprit était ailleurs. Il se retourna et découvrit Tomil, un poignard ensanglanté à la main.
- Tu n'es peut-être pas intéressé par Sibren, mon ami, mais notre Grand Maître, lui, te porte beaucoup d'intérêt. Ne t'inquiète pas : cette blessure n'est pas mortelle ! Mais le poison qui est sur cette lame devrait t'endormir pour quelques jours. Mes compagnons et moi avons entendu parler de tes exploits dans la forêt et nous n'avions pas très envie de finir comme...
Tomil n'eut pas le loisir d'achever cette phrase. En un battement de cil, Maël lui avait arraché son arme afin de lui enfoncer dans le ventre.
- Toi qui es un disciple de Caneri, lui murmura-t-il un sourire aux lèvres, va donc chanter des ballades à Nebris.
Il retourna plusieurs fois la lame dans la blessure avant de la retirer, laissant Tomil s'effondrer dans la poussière de la rue. Puis il s'occupa des hommes qui l'entouraient. Il réussit à en égorger trois assez vite... Même affaibli, être un disciple de Murthjan faisait de lui un homme plus rapide qu'un humain ordinaire et beaucoup plus dangereux. Mais les autres s'enfuirent et le poison commençant à faire effet, il n'eut pas la force de les poursuivre. Il s'appuya avec peine contre le mur le plus proche... L'auberge du Voyageur Apaisé était à quelques mètres seulement, mais cette faible distance lui semblait infinie dans son état.
Sa vision se brouilla... il distingua tout de même le symbole des colonnes en ruine sur la garde du poignard. Cela ne l'étonna guère. Il avait compris à qui il avait affaire. Ses jambes étaient agitées de tremblements... bientôt elles ne le porteraient plus, or il devait se mettre à l'abri s'il voulait leur échapper. Il savait bien que ces lâches, qui avaient fui, reviendraient le chercher quand la drogue lui aurait fait perdre connaissance.
Il fit un pas, tout en se tenant à la pierre rugueuse. Mais il vacilla et il allait tomber quand quelqu'un le rattrapa et le fit s'asseoir contre le mur. Maël, croyant qu'il s'agissait d'un membre de Sibren, essaya de lui donner un coup avec l'arme qu'il tenait encore. Cependant son bras ne réussit pas à atteindre le nouveau venu et il retomba lourdement par terre.
- Ne bouge surtout pas sinon le poison va se répandre en toi plus rapidement, dit l'inconnu d'une voix douce.
Il appliqua alors ses deux mains contre le dos meurtri de Maël et celui-ci sentit une chaleur bienfaisante se propager jusque sous sa peau. Une odeur agréable et familière lui chatouilla également les narines...
Une odeur sucrée qu'il avait déjà sentie.
Il releva la tête et son regard croisa celui de son sauveur. Maël estima que celui-ci n'était guère plus âgé que lui. Son visage pâle présentait des traits fins et réguliers. Il émanait de sa personne entière une singulière douceur qui l'apaisa.
- Qui es-tu ? finit-il par lui demander. Et pourquoi m'aides-tu ?
- On m'a envoyé auprès de toi, répondit le jeune guérisseur de sa voix mélodieuse. Nous avons une amie en commun... Une amie qui, comme tu le sais, a besoin d'aide.
- Ayma ? lâcha-t-il dans un murmure.
Le disciple de Warjan acquiesça lentement puis, après quelques minutes de soin silencieux, il retira ses mains de la blessure de Maël. Celui-ci ne sentait plus l'effet du poison... Il avait l'étrange impression d'être en pleine forme. Il tâta son dos et découvrit avec stupeur que sa plaie avait tout simplement disparu.
- Mais comment... commença-t-il.
- Chaque chose en son temps, le coupa le mystérieux jeune homme. Et là, le temps n'est pas aux questions ! Allons récupérer ton arc à l'auberge avant que ces hommes ne reviennent. Nous devons quitter la citadelle au plus vite ! Deux chevaux nous attendent au pied des remparts...
Tout en parlant, il tendit la main à Maël afin de l'aider à se relever. Abasourdi, celui-ci hésita à la saisir... Puis il serra cette main tendue qui le remit sur ses pieds. Le jeune guérisseur lui sourit alors.
- Je m'appelle Liliel, lui confia-t-il finalement. Viens, dépêchons-nous !
Les deux jeunes hommes se hâtèrent jusqu'à l'auberge laissant dans leur sillage l'odeur de sang, qu'exhalaient les cadavres des hommes de Sibren, mêlée au parfum suave des woxes.
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Com Plëa - La légende de P. *En Pause*
FantasíaLe royaume de Com Plëa est une terre aimée des dieux... Mais si les divinités ont longtemps parcouru ses côtes rieuses et ses forêts mystérieuses, elles se sont finalement retirées de ce monde (enfin... c'est ce que pensent les hommes). Tous les ha...