Chapitre 10

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Maël s'était relevé et il séchait ses pleurs en tournant le dos à ses compagnons. Il observa de nouveau les alentours afin de vérifier que personne ne se préparait à les attaquer. Ayma ne pouvait détacher son regard des mèches noires qui descendaient sur la nuque du jeune homme et avec lesquelles le vent jouait. Elle avait été étonnée par l'histoire de leur ami mais cette émotion avait rapidement cédé la place à de nombreuses autres. Elle était... heureuse, oui, étrangement c'était le mot qui convenait. Elle n'était plus la seule à avoir été meurtrie par le Wjajy, elle voyageait avec quelqu'un qui pouvait comprendre ce qu'elle ressentait. Et elle avait l'impression que la peur, qui lui nouait l'estomac depuis la lutte nocturne, s'était allégée. Elle se sentait en sécurité à ses côtés, elle savait qu'il avait le pouvoir de les protéger. Néanmoins, à cette pensée, quelque chose se révolta en elle... sa fierté certainement. Elle ne voulait pas dépendre entièrement de lui, et c'est à cet instant qu'une idée germa dans son esprit...


Dès qu'il eut achevé sa ronde, Maël revint s'asseoir avec ses amis. Il sortit de sa poche un poignard et il se mit à jouer avec distraitement. Puis, il s'adressa à Caân.


« Pour en revenir à ce qui te préoccupe, Caân, tu n'as pas d'inquiétudes à avoir : même si on nous attaque encore, tu n'auras pas à tuer de nouveau. Cette nuit, je n'ai pas réagi assez vite car je ne m'attendais pas à cet assaut. Mais maintenant, je suis sur mes gardes et je ne les laisserai pas vous faire du mal, peu importe qui ils sont ! affirma-t-il avec une pointe de férocité dans la voix.

- Je te remercie, dit Caân. Ce n'est pas de la lâcheté de ma part, je ne veux surtout pas que vous pensiez cela de moi... Mais je dois essayer de vivre en accord avec ma nature. Ceci dit, je suis soulagé car je sais désormais que tu pourras veiller sur Ayma.

- Mais je n'ai pas besoin que l'on veille sur moi, gronda la jeune fille, je ne suis plus une enfant ! »


Elle surprit le regard amusé qu'échangèrent les deux garçons, ce qui eut pour conséquence d'aviver sa colère. Elle se retint, de justesse, de leur crier ce qu'elle pensait de leur misogynie. Elle respira profondément afin de se calmer et leur exposa la requête qu'elle mûrissait depuis quelques minutes.


« Ce voyage s'avère beaucoup plus dangereux que ce que nous avions imaginé, commença-t-elle. Et même si tes dons, Maël, sont indiscutables, nous ne savons pas ce que nous allons devoir affronter. Nous ignorons les difficultés que nous sommes sur le point de rencontrer. C'est pourquoi j'aimerais que tu m'apprennes à me battre... Je ne veux pas être une proie sans défense... Je t'en prie, ajouta-t-elle d'une voix adoucie. »


Les deux jeunes hommes ne s'attendaient pas à cela. Caân en resta bouche bée, tandis que Maël éclatait de rire. La situation se prolongea... Il ne pouvait plus arrêter son fou-rire si bien qu'Ayma se vexa pour de bon. Elle le foudroya du regard et attendit qu'il se reprenne.


« Ce n'était pas une plaisanterie, tu étais vraiment sérieuse ? demanda-t-il d'un ton qui était à moitié étonné et à moitié moqueur.

- Je suis très sérieuse et je ne vois absolument pas ce qu'il y a de drôle dans ma demande.

- Mais enfin Ayma, intervint Caân, tu as bien vu de quoi ces hommes étaient capables ! C'est dangereux d'essayer de les affronter, tu pourrais être blessée. Et puis, ce ne sont pas des cours de cuisine que tu demandes à Maël, ça ne s'apprend pas comme ça... il faut avoir des prédispositions...

- De toute façon cela ne sert à rien de discuter, le coupa Maël, il est hors de question que je t'apprenne à assassiner des hommes. Je suis peut-être ce que je suis et j'ai promis de vous protéger, mais je ne veux pas développer ce don et encore moins le transmettre.

- Tu préfères donc que je coure le risque de me faire tuer, insinua la jeune fille.

- Tu ne cours aucun risque ! s'emporta-t-il. Je viens de te le dire : je vais vous protéger ! »


Elle comprit qu'elle n'arriverait pas à le convaincre de cette manière, alors elle décida de changer de stratégie.


« D'accord. Mais tu pourrais au moins m'apprendre à me servir de ton arc, comme ça je pourrais t'aider à chasser. Et si on nous tend une embuscade, je me sentirais moins démunie. »


Le jeune homme se dit que s'il ne cédait pas à son caprice, elle allait lui rendre la vie impossible. Il jeta un coup d'œil à Caân qui acquiesça discrètement pour ne pas vexer davantage sa cousine. Il accepta donc la demande de son amie. Celle-ci essaya de ne pas trop laisser éclater sa joie car elle ne voulait pas qu'il change d'avis. Elle se leva pour observer la forêt en contrebas.


Caân remarqua alors l'arme avec laquelle son ami jouait. Il lui demanda si c'était la sienne. Maël lui expliqua qu'il l'avait prise à un de leurs agresseurs. Il la lui tendit afin qu'il puisse l'examiner. Caân la saisit et  passa ses doigts sur l'étrange symbole qui était gravé sur la garde du poignard. Cela ressemblait aux colonnes d'un autel mais celles-ci étaient brisées. Il demanda à son compagnon s'il avait déjà rencontré ce signe quelque part. Mais Maël le découvrait également pour la première fois.


« Quel symbole étrange, murmura Caân ... »


A quelques pas de là, Ayma faisait face à Teratsu et se laissait réchauffer par les rayons de l'astre matinal. Elle fermait les yeux sous sa douce caresse. Un des rayons, plus insistant que les autres, glissa sur sa joue gauche et une merveilleuse sensation de bien-être l'envahit. Elle sentit alors la curieuse odeur qui la suivait depuis Monas. Mais peu lui importait en cet instant l'origine de cette senteur enivrante car elle savourait le bonheur tout simple d'être vivante.

Com Plëa - La légende de P. *En Pause*Où les histoires vivent. Découvrez maintenant