L'auberge du Voyageur Apaisé avait retrouvé son calme après l'agitation de la soirée. La grande salle à manger s'était peu à peu vidée, chacun regagnant sa chambre ou son foyer. Les rires s'étaient estompés, les conversations animées s'étaient évanouies et même les flammes de la cheminée massive, qui trônait au fond de la pièce, s'étaient réduites en de timides flammèches. Près de la cheminée, autour d'une table circulaire, Ayma et ses amis profitaient d'un repas bien mérité après une soirée éreintante. Seuls quelques éclats de rire, vite étouffés, troublaient de temps en temps la tranquillité de l'endroit. Divers plats à l'odeur alléchante étaient posés sur cette table et chacun y piochait à sa guise de quoi assouvir sa faim. Le feu, bien que mourant, paraissait danser sur leur visage et dans leur chevelure. Siley laissa échapper un profond soupir de contentement.
- Tu t'es surpassée sœurette, dit-il à Solay, le repas de ce soir était tout simplement délicieux.
La jeune femme lui adressa un sourire mystérieux avant de se tourner vers Ayma. Elles se regardèrent, puis n'y tenant plus, elles laissèrent leur rire résonner dans l'air silencieux. Quand elles eurent retrouvé l'usage de la parole, elles expliquèrent à leurs compagnons qu'Ayma s'était occupé du repas toute seule. Solay n'avait pas pu l'aider car elle avait été très occupée par la traduction d'une recette ancienne à base de woxes. Ayma souriait d'un air satisfait, contemplant l'étonnement et l'incrédulité qu'ils affichaient à l'unisson.
- Et bien, ajouta Siley une fois la première surprise passée, tu as vraiment progressé en cuisine. Peut-être es-tu une disciple de Coctia après tout ? En tout cas, si tu ne trouves pas de quel dieu tu es la disciple, tu pourras toujours te faire engager comme cuisinière.
Caân était très joyeux depuis quelques jours et il avait étrangement arrêté ses recherches à la bibliothèque. Quand il ne cherchait pas de nouveaux clients pour l'auberge, il passait de nombreuses heures à se promener au-delà des remparts de la forteresse. Les t'chamas délaissaient souvent le confort des cuisines pour l'accompagner dans ses balades. Il avait retrouvé l'humeur insouciante et rieuse qu'Ayma lui connaissait quand ils vivaient encore à Monas.
L'allusion à un nouveau plat à base de woxes n'était pas tombée dans l'oreille d'un sourd... Caân demanda à Solay si elle pouvait leur concocter cette fameuse recette ayant pour ingrédient principal ces fleurs merveilleuses. Les papilles du jeune homme gardaient, en effet, un souvenir ému de la dernière fois qu'il en avait mangé. Il n'était pas le seul d'ailleurs, les petits t'chamas qui dormaient, lovés sur les genoux du jeune homme, avaient dressé la tête quand ils avaient entendu le mot « woxes ». Leur petit museau frémissant humait déjà l'air à la recherche de l'odeur envoûtante de ces pétales.
Malheureusement pour la gourmandise du jeune homme, Solay refusa avec vigueur. Elle ne possédait que quelques grammes de ces fleurs extrêmement rares et ne voulait pas les gaspiller. Caân lui adressa alors son plus beau sourire et usa de son charme si efficace. Les protestations de la jeune femme devenaient de plus en plus faibles. Pourtant, elle réussissait malgré tout à maintenir son refus. Ayma, voyant son cousin utiliser son don et prenant son amie en pitié, décida de rompre la fascination exercée par Caân.
- Ecoutez-moi, j'ai quelque chose d'important à vous annoncer, dit-elle d'une voix ferme.
Cette entrée en matière mit fin aux conversations autour de la table, Caân en oublia même sa requête culinaire. Maël observait son amie d'un air impassible, aucun des nombreux sentiments qui s'agitaient dans son esprit, ne transparaissait sur son visage. La jeune fille les regardait à tour de rôle, ne sachant pas vraiment comment elle devait leur présenter son projet. Elle y avait pensé toute la journée, tournant et retournant les phrases dans sa tête, parfois les murmurant involontairement. Elle avait peur qu'ils ne comprennent pas l'importance de sa découverte, elle n'aurait pas supporté des moqueries de leur part, qui auraient tué ce jeune espoir qui grandissait en elle.
Elle prit une grande inspiration et commença son récit... Elle leur raconta la découverte du livre et de la mystérieuse légende qu'il évoquait. Elle leur parla d'Ajix et leur rapporta son dialogue avec le Xalej... Hésitante, elle finit néanmoins par leur avouer son envie de repartir. Elle devait poursuivre son chemin pour essayer d'obtenir des réponses. Quand elle eut fini de parler, un grand silence planait entre eux, chacun perdu dans ses pensées, chacun essayant de comprendre ce qui était en train de se jouer... la croisée des chemins.
Solay regarda son jumeau qui acquiesça. La jeune femme déclara alors que son frère et elle seraient du voyage. Ils avaient appris tout ce qu'ils désiraient de leur séjour à Xashyzan et il était grand temps qu'ils repartent à l'aventure. Caân se leva soudain et, tirant sa cousine à lui, la serra très fort (ou l'étouffa si on prend en compte le point de vue de la jeune fille) tout en clamant haut et fort, et avec une grandiloquence mêlée d'enthousiasme, qu'ils reprenaient leur quête. Dès qu'elle put respirer de nouveau, Ayma se mit à rire. La réaction de ses amis gonflait son cœur d'une joie immense. Un large sourire s'épanouissait sur son visage et elle avait l'impression que rien ne parviendrait à l'effacer.
- Te rends-tu compte Siley, disait Solay, nous allons enfin découvrir la capitale. C'est là que vit le Prince ! Imagine que nous arrivions à nous faire engager aux cuisines du palais ! Nous pourrions côtoyer les meilleurs disciples de Coctia...
L'excitation de la jeune femme était contagieuse. Ayma, soulagée, était complètement sous l'emprise du verbiage de son amie. Elle riait aux éclats sans se rendre compte que quelqu'un était resté muet... Maël n'avait rien dit quant à ses intentions. Une ombre était passée sur son beau visage qui restait immobile, tel celui d'une statue. Il existe un certain égoïsme qui naît d'une joie intense... et la soirée se termina sans que personne ne s'enquière de la soudaine mélancolie du jeune homme.
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Com Plëa - La légende de P. *En Pause*
FantasíaLe royaume de Com Plëa est une terre aimée des dieux... Mais si les divinités ont longtemps parcouru ses côtes rieuses et ses forêts mystérieuses, elles se sont finalement retirées de ce monde (enfin... c'est ce que pensent les hommes). Tous les ha...