HYBRIDS : Submission T1 [ EN RÉÉCRITURE ]

26/ Dans la gueule du loup

La voiture nous avait déposé à quelque mètres seulement d'une plaque d'égout qui menait tout droit vers les tréfonds de la terre. Relevant mes cheveux en queue-de-cheval, je regarde distraitement la fumée se dégager de la gueule puante de la terre, adossée à la carrosserie.

-Franchement, j'espère que ton salaire en vaut la peine, je soupire en posant ma tête sur l'épaule de Sacha.

-Ce n'est pas moi qui va aller là-dedans, s'amuse-t-il à me rappeler. Mais, oui, mon salaire en vaut la peine.

-Je ne t'ai jamais demandé à quoi il servait ce salaire, vu que tu es logé et nourris par le Centre. En fait, c'est une sorte de retraite, non ?

-C'est vrai que le Centre fait beaucoup pour ses Gardiens, mais quand on nous envois en mission, c'est avec notre propres argents que nous payons. Et oui, une partie doit aussi nous servir de retraite.

-Même si avouons-le, il n'y a pas beaucoup de Gardien à la retraite, ajoute Silver en me donnant mon sac-à-dos.

-Ça devient tout de suite moins intéressant, je grommelle. En plus, je suppose que je n'ai droit à rien.

Il ricane.

-Tu as la vie sauve et un toit sur ta jolie petite tête, ne penses-tu pas cela suffisant ?

-Mouais, mon ancien boulot payait mieux, dis-je en faisant la moue. De toute façon, tout est mieux que le rien-du-tout que j'ai ici.

Silver se frotte la barbe, hilare.

-Tu avais mit quoi comme job sur ta fiche de renseignements déjà ? Ah, ça me revient. "peintre".

-Et bien quoi ? Je n'allais pas mettre que j'étais assassin. Et puis en soit, tuer ça tâche, et tuer correctement ça repeint les murs ! Je n'ai donc pas mentis.

Kenneth pose ses deux mains sur mes épaules et me pousse vers la bouche d'égout.

-À toi l'honneur, Picasso !

Après une dernière consigne de dernière minute de mon geôlier, Silver soulève la plaque et je me laisse chuter à l'intérieur comme une balle de plomb, suivit de près par Kenneth, beaucoup moins gracieux.

Et oui, ce n'est pas donné à tout le monde d'être une parfaite balle de plomb.

L'odeur qui se dégageait de cet endroit reboutant était à faire vomir le plus coriace des démons. C'était une odeur qui piquait le nez, brûlait la gorge et prenait la tête. Kenneth a plongé sa main dans sa poche pour en sortir un bandana rouge et noir qu'il a plaqué sur ses voix respiratoires.

-Petite Nature, je le taquine en lui mettant un coup de coude dans les côtes.

-Je n'ai pas vécu dans des taudis puant dans ma jeunesse, réplique-t-il la voix étouffée par son tissu.

-Figure toi que l'odeur du sang n'est pas si désagréable à la longue.

Vêtu d'un jean et d'un tee-shirt noir, il aurait pu ressembler à un jeune homme bien bâti venant d'une riche famille. Malgré ça, ses cheveux mi-longs décoiffés, ses yeux anthracistes rieurs et sa barbe mal-rasée aidaient à casser ce mythe du parfait gentlemen.

Nous avions dû accéder aux tunnels en passant pas un accès suffisamment éloigné de la planque de mon frère, pour pas nous faire repérer. Mais cela nous engageait à une longue marche que je comptais mettre à profil pour en apprendre plus sur mon coéquipier.

-Si tu devais choisir entre tuer ta sœur ou ta mère, tu choisirais qui ?

Son regard embêté me figea sur place.