La douleur de l'acier mordant ma chair ne vient pas. Un des sbires de James abat son couteau sur mon dos, ce qui découpe ma veste et mon tee-shirt de haut en bas, sur toute la longueur. Mes ailes, qui m'ont protégé, sont maintenant dévoilées. Les gens ne comprennent pas tout de suite ce qu'ils ont devant les yeux. Je me retourne, colle les deux sbires à terre, le premier avec une fracture du bras gauche et le second avec un déplacement de rotule, ce qui signifie qu'ils ne sont plus aptes à courir ou à se battre et donc qu'ils vont être virés. Je peine à retenir mes ailes qui semblent dotées de leur propre volonté. Un instant, je regrette mon acte et puis la colère repend le dessus. Je me retourne vers James et je vois que je lui fais peur. Habituellement, cela m'aurait blessé... pas aujourd'hui.
- Qui t'as dit ?
- A... Alan... Il était partit. On a piraté sa base de données, et dans ses dossiers, on a trouvé le tien. On a eu un peu de mal, il était mieux protégé que les autres, mais les pares-feu ont tous fini par craquer. Et dans la rubrique ''mentions spéciales'', Alan avait noté "ailes ?" en rouge.
- Et donc tu as trouvé intelligent de le raconter partout.
- C'est... vrai alors ?
Quelque chose m'empêche de leur dire la vérité, j'ai toujours cette méfiance sans faille envers tout le monde. Je me tourne vers James qui me regarde. Toute colère a quitté mes yeux et mon visage. Remplacée par un sourire narquois. Je prends une intonation dont l'ironie mordante semble frapper James plus que les mots.
- Franchement James, tu me déçois !
Il accuse le coup en silence alors que, peu à peu, les autres quittent la salle, déçus eux aussi, il n'y a pas eu de combat entre nous. Mes ailes, collées à mon dos ont dû être prises pour un gilet pare-balles nouvelle génération, ou quelque chose de ce style là. Les deux ''amis'' de James sont toujours au sol, se tenant le bras ou le genou. Je n'aurais pas dû frapper aussi fort, mais le tueur en moi n'a pas su retenir ses coups.
- Je vous déconseille, et ce dans votre intérêt, de me prendre trop à la légère ou de croire tout ce que vous pouvez lire sur des dossiers débiles. Et puis, en toute franchise, je sais que le monde d'aujourd'hui est incroyable, mais mes yeux ne sont pas déjà assez bizarres pour qu'en plus j'aie des ailes ?
Ils se contentent de hocher docilement la tête. Je les fixe de mon regard étrange, qui les glace un peu plus. Je sens leur peur s'enrouler autour d'eux comme des lianes, et les serrer au ventre et à la gorge. Ils trouvent le moyen de quitter la salle et je me retrouve seul avec James, toujours épinglé à la cible par mes couteaux. Lorsque les deux autres sont partis, il a protesté et je ne peux pas m'empêcher de me moquer un peu. Je cherchais un moyen de quitter la salle parce que je me sentais de plus en plus à l'étroit. Tout en donnant une petite leçon à James. Il est placardé à la cible par mes couteaux et en soi, cela constitue déjà une sorte de leçon. Ou de vengeance, je ne sais pas encore... Je tentais de trouver une bonne idée, le plus rapidement possible, sentant que maintenir mes ailes dans cette position me requérait de plus en plus d'énergie et de volonté, et que bientôt je ne serais plus assez fort pour lutter contre moi-même. Un groupe d'agents femmes passent soudain juste derrière les baies vitrées en riant, elles se dirigent vers la salle d'entraînement au corps à corps. James tourne la tête dans leur direction et je vois comme une terrible envie d'appeler au secours passer dans ses yeux. Simplement que l'envie lui soit venue, en plus d'appeler des femmes, lui qui est si macho, est ce que je cherchais. Je n'en attends pas plus, même si voir ces femmes venir en aide à James m'aurait fait rire, et me précipite vers l'une des immenses baies vitrées qui trônent sur le côté de la salle. Je rentre la tête dans les épaules, me protège le visage avec les mains et passe par la fenêtre. Il y eut un magnifique et cristallin bruit de verre cassé et puis le vent. Pendant quelques instants, je suis comme en apesanteur, encore trop peu rapide pour ressentir la gravité exercer sur moi son implacable force, encore dans la course. Je sens presque mes pieds fouler le sol. Et puis brusquement, le vent qui chuchotait jusque là se met soudainement à hurler et la gravité reprend la totalité de ses droits. Plus encore, je la sens qui écrase ma gorge, laissant à peine un filet d'air parvenir à mes poumons. Le chant du verre qui tombe tout autour de moi ne masque pas le cri de James lorsqu'il se rend-compte que j'ai sauté. Son cri est reprit peu de temps après en dessous de moi. Je déplie souplement mes ailes et m'arrache à l'unique loi de notre univers que l'Humain est incapable d'enfreindre. La loi de la gravité. Je suis beaucoup trop haut pour que les gens en bas, dans la rue, comprennent que je suis Humain. Ou du moins en partie... Et la gravité ne s'applique pas à moi.
VOUS LISEZ
Homme-Loup
Fantasia"Aujourd'hui, la science est arrivée à un tel point que l'Homme est en capacité de modifier jusqu'au génome humain pour pouvoir soigner les maladies face auxquelles nos ancêtres ne pouvaient qu'abdiquer." Dr Bersheker, conférenc...