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Deux jours s'étaient écoulés sans qu'on ait eu le droit à notre visite quotidienne de cet homme qui enjoue tant mon kidnappeur. Donc lorsque la sonnerie se déclenche, l'homme ne regarde même pas les caméras et déverrouille la porte.

- Bon je suis désolé, je vais devoir faire une petite pause.

Je ne réagis pas, essayant de retrouver mon état comateux. Désespérément, comme tout le temps.

Vingt minutes plus tard, l'homme est déjà de retour et reprend son couteau. Mais au moment où la lame entaille ma chair, je crois entendre des bruits de pas dans le couloir. Je me frappe intérieurement. Je me suis promis de ne plus espérer parce qu'à chaque espoir qui s'envole, je me sens un peu plus mal.
La lame descend jusqu'à arriver à ce qu'il reste de mon pantalon noir. Soudain, du silence, à peine troublé par mes faibles gémissements de douleur ou bien les chaînes qui frottent sur le métal, on passe à l'explosion de bruit. Il y a des dizaines de détonations, des lames qui volent ou encore des fumigènes. Je cherche à me retourner pour voir si c'est vrai mais l'homme me dit de ne pas bouger si je ne veux pas finir en lambeaux. Pendant un instant j'envisage de lui dire que c'est déjà le cas. Mais je n'ai pas l'envie. Pas la force. Encore un faux espoir.

- SCOTT !!!

Cette voix qui hurle me fait sursauter et j'ouvre les yeux. Je m'aperçois que je me suis endormi à cause des fumigènes. Je regarde devant moi et au lieu de voir l'homme -mon frère- avec une de ses lames à la main, je vois Alan.

Cette découverte est tellement insolite que je secoue la tête dans l'espoir de me réveiller plus vite. Quel est le dieu, si quelque chose de ce genre là existe, sadique capable de me faire rêver de telles choses ? Ne voit-il pas que je suis déjà fini ? Que tomber plus bas est impossible ? Je pense que même la mort est plus douce, comparée à ce que je vis, ça ne serait qu'un sommeil enfin réparateur.

Mais lorsque le rond froid du stéthoscope du médecin se pose sur mon cœur et que je frissonne, je réalise que c'est vrai. Que mon cauchemar est terminé. Qu'il existe finalement une entité divine assez compréhensive de ma douleur pour me tirer de mon trou à rat. C'est seulement une fois que je commence à sourire de soulagement, que mon corps envoie un formidable message de douleur à mon cerveau, qui se met en veille. Je sombre dans une inconscience réparatrice. La condition du loup qui souffre.

*

Mes sens commencent à revenir peu à peu. Et bientôt je suis capable de comprendre ce que disent les gens autour de moi. Bientôt je suis en capacité de deviner que les visites me sont interdites à cause de mon étrangeté. Je suis capable de savoir que je suis dans le coma et que c'est pour ça que je suis incapable d'imposer le moindre mouvement à la douleur qui me tient lieu de corps. Seul Alan vient tout les jours. Au début, il était silencieux. Et puis d'un coup, il s'est mis à me parler.

La porte s'ouvre et je sens l'odeur musquée de Alan parvenir jusqu'à moi. Il tire un fauteuil et s'installe sur ma gauche. Il commence toujours par la même phrase.

- Hey Scotty ! L'infirmière m'a dit que tu pouvais m'entendre et même si je suis dubitatif, j'essaie quand même. Enfin ça, tu dois le savoir, je commence toujours comme ça... Alors aujourd'hui, il ne s'est rien passé de spécial. J'ai fait l'entraînement de tes hommes. Tu te souviens ? Les quatre hommes que tu devais entraîner ?
La semaine dernière, on a eu un gros problème. James, tu sais, celui qui cherchait toujours à te dévaloriser pour que l'on fasse un peu plus attention à sa médiocrité, il a eu un accident de voiture. Il avait été chargé de poursuivre une femme en voiture. Et il a perdu le contrôle. Le véhicule a dérapé et il a aussi perdu la vie. Un accident bête parce qu'il n'a pas fait attention aux priorités. Je me dis pas que je l'appréciais particulièrement mais ça faisait longtemps qu'il était dans l'agence et on finit toujours par les apprécier. Il a été enterré hier. Bruce, son frère était là. Le pauvre petit. Perdre son frère deux ans après sa mère... Du coup les deux derniers de la famille de James ont déménagé sur un autre état.

Homme-LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant