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- Je suis la Justicière, il paraît que l'on m'appelle comme ça en ville. Bien, je vais attacher une corde et vous en donner une seconde. Vous allez descendre la façade de l'immeuble et vous serez libre de retrouver votre femme, qui a réussit très facilement la descente tout comme votre fils, dans la maison aux secrets si j'ai bien compris ce qu'elle disait à votre fils. Ils ont réussi tout les deux, vous devrez être capable de le faire non ?

Toujours piquer mon père au vif pour être sûr qu'il fasse ce qu'on lui demande. Je lui tends la première corde et attache la deuxième. Papa me remercie doucement et j'ai une étrange et enfantine envie de le prendre dans mes bras. Je ne sais toujours pas si je vais m'en sortir vivante. Mais je me retiens, le personnage de la Justicière n'a aucun prétexte valable pour le prendre dans ses bras, et mon père commence à descendre tandis que je passe dans l'appartement d'à côté. J'ouvre doucement la porte. Il n'y a aucune lumière, si ce n'est celle, blafarde, des lumières des enseignes dehors. Pourtant, lorsque j'entre, mon sang se glace dans mes veines, mon cerveau devient aussi vide que celui d'un nouveau né. La lumière vient de s'allumer.

Il y a énormément de choses dont dépendent une vie, un destin. Les rencontres, les émotions ou encore les autres personnes de notre entourage. Et parfois, certaines personnes font des choix qui bouleversent ce destin, souvent dans le bon sens des choses. J'ai influencé de la manière la plus négative qu'il soit sur la vie de Marine. Je suis son accident de parcours, son erreur de trajectoire. En choisissant mon père je l'ai condamnée à mourir. Et ce, tout comme j'aurais condamné mon père si je l'avais choisie elle. Le destin est sadique. Il s'amuse à parsemer notre vie de dilemmes impénétrables. Il m'avait déjà prouvé qu'il s'amusait à nous faire revivre plusieurs fois les mêmes choses, comme pour vérifier que nous méritions bien de vivre avec les gens que nous aimons.
L'homme qui pointait son arme vers la poitrine, ou plus précisément vers le cœur de Marine, sourit devant le désespoir qui devait certainement se voir sur mon visage même si ma capuche était rabattue sur mes yeux.

- Nous savions que tu viendrais la chercher !

Dans la voix de l'homme, il y a cette vibration victorieuse de celui qui pense avoir gagné avant la fin d'un combat. Il ne faut jamais tenter de dépasser le destin, un combat n'est jamais gagné d'avance. Le désespoir donne de l'énergie, lui aussi. Je tire mes lames mais les hommes sont trop nombreux pour moi. Le temps que je lance mes six lames, qu'elles atteignent toutes leur objectif, il restera tout de même quatre hommes et le temps que je les immobilise tous, l'un d'entre eux aura largement le temps de tuer Marine ou de me tuer. Finalement les armes de jet ne sont peut-être pas les meilleures... Je me rends soudain compte de la tension qui règne dans la salle. Je pense en effet que voir une femme, vêtue d'une cuir sombre, une capuche lui mangeant la moitié du visage, immobile à regarder des hommes menacer une femme sans défense et morte de peur, c'est source de tension ! Alors je lève une main tout doucement, pour ne pas que cela soit mal interprété, et la passe dans mes cheveux, rabattant ma capuche sur mes épaules. Le morceau de tissu produit un léger bruit dans le silence, faisant relever la tête à Marine, qui en bégaie.

- He...He...Hellen ?

Son visage déjà pâle devient soudain translucide et elle pousse un cri.

- Sauve-toi !!!

Je réagis à la vitesse de l'éclair. Les trois lames qui sont lancées de derrière moi sont imparables. Les deux premières atteignent des hommes alors que la dernière se fiche dans mon épaule. Je laisse échapper un cri de douleur qui passe bientôt au cri de désespoir pur. Les deux balles partent en sifflant et se fichent dans la cuisse et dans les côtes de Marine. Je hurle de tristesse. Les hommes évacuent rapidement la salle, sachant parfaitement qu'un tueur désespéré est le pire des ennemis auxquels un combattant peut être confronté. Et je suis plus que désespérée.

Homme-LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant