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Le lendemain, le soleil est à peine levé que je sors déjà. Mon père souffle pour me faire comprendre qu'il désapprouve et que mes recherches sont vaines. Mais je n'en tiens pas rigueur. Ou plutôt je m'efforce de ne pas en tenir rigueur.

Je me souviens du jour où la vie de Matt avait été mise en jeu pour faire pression sur moi, enfin plus précisément sur mon alter-égo la Justicière, et que mon père avait apprit que c'était plus ou moins à cause de Scott, il l'avait convoqué dans son bureau. Or, être convoqué ne signifie jamais rien de bon. Ils avaient parlé pendant deux heures et quand enfin Scott était ressorti, j'avais remarqué que ses épaules étaient basses et que, même si je m'en voulais de cette comparaison, ses oreilles semblaient basses elles aussi. J'avais tout de suite fait le lien avec le chiot que l'on corrige avant de me frapper intérieurement. Comme si ça n'était pas déjà assez difficile pour Scott d'être comme ça ! J'avais essayé de lui parler mais il n'avait rien lâché sauf qu'il avait donné sa parole de ne pas dire ce qu'il s'était passé dans ce bureau. Et je sais combien la parole d'un loup vaut cher. De mon père non plus je n'avais rien pu obtenir. Mais je me suis mise à chercher et j'ai fini par trouver. Mon père note tout ses remarques sur nos employés dans un carnet. En dessous du prénom de Scott, il avait entouré un dessin de ses oreilles et en dessous il avait marqué "modifié génétiquement, difficile d'en parler" j'ai comprit que mon père avait voulu faire parler Scott quand à ses transformations. Je pense que c'est pour ça que mon père ne l'aime pas trop.

*

Comme hier j'avais fait les mauvais quartiers du Nord au Sud, aujourd'hui je les ferais de l'Ouest à l'Est. Mais au moment où je m'engage dans une rue en laissant un entrepôt que j'avais visité hier, sur ma droite, le hurlement étouffé d'un loup vrille l'air. Je me connais qu'une seule personne capable de produire ce son ici, Scott. Le cœur battant, je cours jusqu'à l'entrepôt et entre. Un gémissement attire mon attention vers un mur de briques rouges, matériau très démodé. Ce même mur qui m'a intriguée, lors de ma première investigation, parce que plus personne n'utilise de briques depuis plus de cent ans. Je m'avance et commence à sonder le mur. Avec deux doigts repliés je frappe régulièrement sur le mur. Et sans grande surprise, il sonne creux. Un deuxième gémissement de douleur pure me déchire le cœur. Je pose mes mains un peu partout et finis par trouver une brique mal scellée. Je sors mes perches de métal, et une dans chaque main, j'enfonce la brique. Un bruit métallique résonne dans le vide de l'entrepôt et le mur, enfin un pan de mur s'enfonce sans bruit. Puis il coulisse sur la droite, révélant une autre salle, plus sombre mais en meilleur état. Un cri suivit d'un bruit de claque me fige. Je me dirige vers le centre de la pièce, que je ne peux pas voir à cause de boîtes beiges empilées. Je suis les indices et finis par deviner que maximum deux hommes plus Scott se trouvent là. Un outil en métal qui tombe sur le béton me fait frissonner d'horreur. Je dépasse légèrement les boîtes pour découvrir Scott ligoté sur une table de chirurgie, un homme en bleu en train d'essayer de lui enlever l'aile gauche. Le métal sombre et souple de l'aile est rayé à la base et des éclaboussures écarlates les rendent étrangement maléfiques. Un deuxième homme est sur ma droite, en train de regarder la scène sans rien dire. Je commence par lui. Je tire deux couteaux de leurs étuis à mes mollets et placarde le "spectateur"par le cou. L'autre se lève d'un bond mais fait l'erreur de courir vers ma cachette, pensant certainement pouvoir s'enfuir. Ce n'est pas un combattant, il aurait entendu mes lames voler, ou aurait au moins pris le temps de regarder l'inclinaison des lames pour en déduire ma position. Il doit seulement être un scientifique. Ma première perche le cueille au niveau du plexus solaire et la seconde lui brise deux plateaux de la colonne vertébrale. Il tombe au sol en gémissant de douleur. Je me précipite vers Scott qui a perdu connaissance. Un jour il m'a expliqué que ses omoplates et donc la base de ses ailes sont les parties les plus sensibles de son corps et que entre un coup de pied dans l'entrejambe et un coup de poing dans l'omoplate ce serait le second qui le ferait la plus souffrir. Il pense que c'est dû au fait que Bersheker ait dû retirer ses ailes naturelles pour greffer celles qu'il possède maintenant. Mon point sensible c'est mon épaule droite, que je me suis fracturée deux fois. Je détache les liens qui le retiennent prisonnier et m'aperçois qu'ils ont laissé sur ses poignets et ses chevilles de larges sillons sanguinolents et violacés, une preuve que Scott a tenté de se libérer. L'homme qui regardait la scène se met à me hurler dessus mais j'envoie un scalpel propre à quelques centimètres de ses bijoux de famille et d'un coup, il se tait. C'est fou ce que les hommes tiennent à ces trucs là !
Je déchire la blouse de l'homme toujours en train de se plaindre à terre et le bâillonne, tout comme son ami. Puis je tire une petite seringue verte de ma poche et leur injecte deux millilitres chacun. En dix secondes il n'y a plus personne. Je sais que c'est mal d'abattre des gens comme ça mais je les ais reconnu.Ces hommes sont dans la base de données de la police parce qu'ils dissèquent des gens vivants. Le premier par curiosité, le second par goût prononcé pour le morbide. Puis, comme on est en plein jour et que trimballer un garçon de dix-sept ans, deux ailes dans le dos, inconscient et plein de sang ne serait pas du tout bien vu, je commence à lui donner les premiers soins dans la salle. Je pousse les corps des deux hommes au fond de la salle et m'installe à la table. Je referme le mur de briques et commence par nettoyer les plaies. Une fois que les lignes rouges sont bien claires et que les éclaboussures de sang sont nettoyées, je m'aperçois que c'est moins grave que je ne le pensais. Une longue plaie, la plus profonde, court de son épaule à l'omoplate et je décide de la recoudre. Elle est déjà en train d'être guérie par son métabolisme incroyable, mais ce dernier est ralenti par la quantité de travail qu'il y a à faire. Les autres plaies sont trop fines et superficielles pour que ce soit utile. Je déniche dans des bacs stériles des pansements et des bandages. Je panse les plaies et fais fonctionner les articulations des ailes. Rien n'est abîmé. Je vérifie que l'état de Scott est stable et ressors dehors. Je me m'en était pas aperçue mais faire tout ça m'a pris plusieurs heures et j'ai loupé le repas du midi. Ça va me valoir un joli sermon !
Encore environ deux heures et je pourrais déplacer Scott. Je retourne à son chevet mais lorsque j'entre dans à salle, Scott n'est plus sur la table. Je panique un peu mais les deux hommes sont toujours là. Les morts ne bougent pas, mais j'avais pu louper la veine ou s'ils portent une armure trop épaisse...

Mais un gémissement étouffé me fait me retourner. Scott est en train de faire quelques étirements au sol, derrière les boîtes beiges. Lorsqu'il entend le bruit de mes pas, il se retourne d'un bond, les mains en position d'attaque, mais juste avant de me frapper, il me reconnaît et transforme son attaque pour me sauter dans les bras. Son aile droite s'enroule autour de nous, au contraire de son aile gauche, qu'il a fixé autour de sa taille pendant que je n'étais pas là.

- Hellen ! Lâche-il visiblement rassuré et je perçois savoix vibrer.

Elle respire le soulagement, la joie, l'amour, le bonheur,...

Je mets mes mains de chaque côté de ses joues et le regarde dans les yeux pour vérifier qu'il va bien, et ma réaction le fait sourire. Alors seulement je m'autorise à faire ce qui me donne envie depuis tout à l'heure. Je me mets sur la pointe des pieds et l'embrasse.

*

Une fois que la nuit est tombée, je secoue Scott par l'épaule. Le pauvre s'est endormi à même le sol, épuisé d'avoir lutté contre la douleur, épuisé d'avoir été forcé à rester éveillé par les questions de l'homme. Il laisse échapper un grognement et un instant, je crois qu'il allait se lever pour se battre, persuadé d'être encore prisonnier. Mais non, il gémit juste et ouvre les yeux.

- AllerScott, on doit rentrer à l'entrepôt et après à la maison, monpère a menacé de me priver de sorties et de te virer si je metstrop de temps à te retrouver.

- Ouais, etben c'est pas lui qui s'est fait torturé...

Il referme la bouche en s'empourprant. Je lui adresse un petit sourire.

- Net'inquiètes pas, tu peux dire ça, je suis entièrement d'accordavec toi sur ce point là.

- Peut-être,mais je reste l'un de vos employé...

- Oh quenon ! Tu es bien plus que ça pour moi.

Il laisse un sourire lui échapper et ses fossettes se creusent, le rendant si mignon. Secouant la tête pour me remettre les idées en place, je l'aide à se lever et replace la bande de tissu autour de son aile gauche, qui pend lamentablement et le gène pour marcher parce qu'elle traîne au sol. Une fois ses deux ailes attachées dans son dos, je lui donne ma veste. La nuit est peut être très sombre, s'il y a des passants, ils risquent tout de même de s'apercevoir que quelque chose cloche. Il me remercie d'un sourire et l'enfile avec une grimace, parce que ce mouvement tire sur les point de suture que j'ai fait sur son épaule. Points de suture inutiles, puisque ses plaies se sont refermées toutes seules. Ce n'était qu'une mesure de précaution... Je ré-ouvre le mur et le soutiens. On marche comme ça dans les rues jusqu'à arriver au niveau de l'entrepôt. Si les gens ont froncé les sourcils en nous voyant marcher comme ça, ils se sont privés de faire le moindre commentaire, ce qui me convient parfaitement.

Homme-LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant