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Je m'en veux terriblement de partir alors que nous sommes à peine réunis mais je dois partir d'ici pour quelques temps, faire mon deuil. Nous offrons à Marine un enterrement digne de tout ce qu'elle a fait pour nous. Tant bien même que la télévision lui rend hommage. C'est souvent comme ça lorsqu'une famille riche perd quelqu'un, les médias en parlent. Mais ce qu'ils ne comprennent pas c'est que les gens n'ont pas besoin d'un hommage télévisé pour se rendre compte du vide laissé par le défunt.

Alors, lorsqu'au bout d'à peine deux minutes en centre-ville, je suis arrêtée huit fois pour recevoir des condoléances, je comprends que c'est maintenant que je dois partir. Je rentre chez moi dix minutes plus tard. Je fais mes valises et annonce mon départ et la cause de mon départ à ma famille. Ma mère et mon frère se mettent à pleurer tandis que mon père laisse apparaître pour une des rares fois dans sa vie, sa surprise. Mais lorsque je leur expose les causes, ils opinent. Scott leur manquait un peu à eux aussi, et ils apprécient le fait que je tienne aussi fidèlement mes promesses. Mon père apprécie beaucoup moins que je parte pour un garde de corps mais en voyant ma détermination, il finit par accepter. Je pense surtout qu'il a compris que si je tentais de museler cette détermination, cet espoir de retrouver Scott, je m'effondrerais littéralement. Je prends un vol de milieu d'après-midi, comme ça lorsque j'arriverais ce sera la nuit et je pourrais dormir, mieux que depuis le soir maudit en tout cas. Six heures plus tard, je suis dans l'avion vers Tokyo, priant pour qu'un second accident sur cette ligne ne se produise pas, mais surtout impatiente. Je me dois de savoir. De comprendre ce qu'il s'est passé ce jour là.

Ayant plusieurs heures de vol devant moi, je pose ma tête sur l'oreiller minuscule que l'on m'a donné et m'enroule dans ma couverture. Je n'ai pas accepté la place en première classe que mon père a absolument voulu m'offrir, parce que je veux me fondre dans la masse. Bien sûr, cette déconvenue est la source d'une mouvementée et bruyante dispute. Avant que mon père fasse marche arrière, encore une chose rare et accepte mes arguments.

Une fois confortablement installée, je tente de dormir et d'oublier le bruit de l'avion, qui pourtant est aussi discret qu'une ventilation dans une chambre mais qui me dérange depuis que j'ai pris l'habitude, à cause ou grâce à Scott, de dormir dans un noir et un silence complet.

J'ai dû finir par m'endormir puisque l'hôtesse de l'air doit me secouer l'épaule pour que je me réveille.

- Je suis désolée de vous réveiller mademoiselle Doris, mais nous allons atterrir.

Repérée. Je hoche la tête en acceptant le sandwich qu'elle me tend. J'engloutis mon repas en quelques instants. On atterrit rapidement et je m'étire comme un chat en sortant dans la nuit. Tokyo est une ville qui ne dort jamais. Quelque soit l'heure à laquelle on est dehors, les lumières sont allumées et les écrans géants diffusent une clarté quasi similaire à celle du soleil, en plus bleue.

Je récupère ma valise avec un bâillement à m'en décrocher la mâchoire. J'ai réservé une chambre dans un hôtel en plein centre-ville. Je stoppe un taxi et lui indique l'adresse. Tout le temps, durant les dix minutes que dure le trajet, j'observe les gens et la ville par la fenêtre. Ils sont totalement différents de nous, de part leur manière décalée d'être et de vivre, par leur style improbable et surtout par le fait qu'ils ne soient pas autant attachés à leurs écrans que dans d'autres villes. Les Japonais ont toujours un temps d'avance d'un point de vue technologie et pourtant, dans la rue, les gens prennent beaucoup moins de photos ou téléphonent moins que chez moi. Le taxi me dépose juste devant l'entrée imposante de l'hôtel.

Une fois ma chambre assignée, je verrouille consciencieusement toutes les issues, sauf la baie vitrée. Mauvaise habitude prise par la Justicière qui dort en moi. Puis j'enfile un tee-shirt large et ai à peine le temps de toucher l'oreiller que je dormais déjà d'un sommeil lourd et sans rêves.

Homme-LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant