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Je me réveille, les motifs gravés dans la table tracés sur ma joue. Tout comme les deux dernières nuits, j'ai dormi sur cette chaise inconfortable, au chevet de Scott. Il n'a pas bougé et si la respiration qui fait se lever régulièrement son torse musclé me rassure légèrement quant à son état, je suis toujours très inquiète, comme si une partie de moi doutait des talents du scientifique qui tenait lieu de père à Scott. Je me lève en silence, pour ne pas réveiller les trois hommes qui dorment sur des matelas. Deux des élèves de Alan, enfin de Scott, sont restés, tandis que les deux autres et Alan se devaient d'aller assurer leurs statuts respectifs de têtes d'équipes et de chef dans l'entreprise. Si j'ai bien compris, il reste Ethan et Jayden. Bersheker est resté lui aussi, inquiet pour celui qu'il considère comme son fils. Avec les dires de Scott, je pensais que c'était un homme à la fois très froid et trop protecteur envers son ''expérience''. En réalité, il est doux, fragile, et surtout très sensible. Plusieurs fois, je l'ai surpris en train de verser une petite larme en caressant affectueusement les cheveux de son fils. Il reste pourtant maître de lui lorsqu'il le faut.

Je regarde tout autour de moi avec un discret soupir. Les ordinateurs éteints, les barres de tractions qu'apprécie tant Scott, immobiles, nos capuches et nos gants, en tas au pied d'une malle, tout cela donne à la pièce un triste air d'abandon. C'est comme si le temps, avec la chute de Scott s'était stoppé. Soudain, un des trois hommes se retourne, tombe du matelas, ce qui le réveille et me tire un léger sourire. Bien sûr, les grognements furibonds de l'élève de Scott réveillent les deux autres.

- Tu es déjà levée ? Il faudrait vraiment que tu penses à faire une vraie nuit ! Me lança Bersheker devant mon visage défait par la fatigue.

- Je me veux pas prendre le...

Je m'interromps pour bailler à m'en décrocher la mâchoire.

- ...risque de louper le réveil de Scott.

L'homme approuve, bien que son inquiétude ne quitte pas son visage. Celui qui est tombé du matelas se masse le dos avec une grimace avant d'annoncer qu'il partait aux nouvelles. En fait tout les matins un de nous allait dire à Alan que l'état de Scott est stable, qu'il n'a pas évolué mais qu'il ne s'est pas dégradé non plus. Bersheker approuve une nouvelle fois et emmène le deuxième des hommes, Ethan, une véritable armoire à glace, avec lui pour aller chercher quelque chose à manger, bien que je le soupçonne d'avoir fait exprès pour me donner un petit moment d'intimité avec lui.

Dès que la porte a claqué, je me perche sur la chaise sur laquelle j'ai passé la nuit et commence à parler. Tout en parlant, je prends la petite carpe dans ma main. Une première larme s'échappe lorsque je sens que le métal doré est légèrement chaud.

- Tu sais que je me peux pas vivre sans toi et pourtant tu m'as quand même laissée ici. Entourée des quatre hommes que tu entraînes et de ton scientifique de père ! Tu es dans cet état à cause de mon père et donc indirectement de moi. Tu sais que tout est mort quand tu n'es pas là, pas à mes côtés pour mettre de la vie là où il n'y en a pas. Pour sauver les gens quand ils ont besoin d'un ange gardien. Pour faire sourire mon frère. Il y a comme un énorme trou que seul toi sais combler en moi. Sans toi, c'est comme si on essayait de faire vivre un humain sans cœur, une planète sans air. Si je suis l'apparence tu es le cœur. Tu es ce qui me permet de vivre, tu es ce qui me fait sentir humaine, tu es celui qui a compris d'un regard ce que j'étais sans jamais me juger. Je t'aime plus fort que l'Homme ne peut l'imaginer, je t'aime plus fort que je n'ai jamais aimé. Je t'aime si fort que lorsque tu t'éloignes, tu mets en suspens ma vie, ma respiration se coupe, mon cœur cesse de battre. Le moindre souffle m'ébranle. Tu m'avais promis que rien ne saurait nous séparer et je...

Je me stoppe brusquement alors que quelqu'un frappe à la porte. Essuyant une des larmes qui s'est échappée de mes yeux, de mon cœur, je vais ouvrir la porte. Un instant, je me dis qu'il suffit que l'un des hommes se fasse suivre par un curieux pour découvrir notre planque. Et puis Bersheker et Ethan entrent dans la pièce et l'idée s'envole, comme tout le reste. Les hommes reviennent avec des petits pains, mais je n'ai rien envie de manger. Rien n'a plus de goût sans mon cœur. Et mon cœur, c'est Scott qui l'a emporté avec lui.
Bersheker réussit je ne sais pas comment à me refourguer un pain au chocolat qui a le goût d'un pain aux raisins, les boulangers doivent s'être trompés dans leurs formules...
Je finis rapidement mon pain et commence à escalader la barre de tractions. La force de mes bras est un peu faible pour me permettre de passer les dix-huit stades, et plusieurs fois, je crois tomber. Une fois en haut je fais quelques figures pour tester mon équilibre. Les hommes m'observent évoluer à vingt mètres du sol. Lorsque mes deux pieds touchent à nouveau le sol, je sens que je vais être obligée de dormir un peu si je ne veux pas tomber.

Homme-LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant